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Extrait de 'entretien du philosophe avec la Marechale*** de Diderot

Publié le 28/02/2011

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I_ LES THESES EN PRESENCE 1) Le comportement et la prise de position de la Maréchale Sa thèse: elle représente le point de vue traditionnelle, celui de la société - elle est présentée comme une mère "je ne suis occupée à faire des enfants" (l.35) et elle est mariée: "le Maréchal ne rentra pas de sitôt" (l.29). Donc elle a un statut traditionnel donc elle ne peut que défendre les valeurs traditionnelles. -elle est présente comme une personne de croyant et de pratiquant "lu que mes heures" (l.34-35) "occuper qu'a pratiquer l'Evangile" (l.35) et de plus elle défend la religion "la religion pour faire le bien" (l.22). Son comportement vis a vis du philosophe est plutôt passif - La plupart du temps elle se contente de confirmer sa propre thèse ou de condamner la thèse adverse. De même à la ligne 15 elle doute qu'un honnête homme puisse rester sur la voie du bien. - La Maréchale défend la religion en se montrant polémique vis-à-vis de l'incrédulité. Elle utilise aussi de fausses questions ou questions rhétoriques pour pousser Diderot à défendre la religion "Est-ce que l'ésprit de la religion n'est pas de contrarier " (l.25-27) Cependant la Maréchale va évoluer au cours de ce dialogue - Au début elle semble se soumettre à l'autorité du philosophe:   --> c'est elle qui questionne (ignorante) "quel motif [...] je voudrais bien le savoir" (l.3)  --> elle semble en apparence confirmer, approuver Diderot. Ainsi "Je le pense" (l.9), "Assurément" (l.12). Ils s'entendent bien. - Cependant elle va prendre plus d'autorité.  -->Son volume de parole devient plus important. Comparons les lignes 6,9,12 avec les lignes 25,34.. --> C'est elle qui lance le débat "quel motif peut avoir un incrédule.." (l.3). Plus tard c'est elle qui va le relancer à la ligne 25, elle va remonter le niveau du débat. Elle relie la religion et la morale en opposition avec l'incrédulité; Diderot le reconnait "Ceci va vous jeter dans une longue discussion" (l.28) --> Elle ose contredire Diderot 'Oui-da; mais ... " (l.15). elle s'affirme. 2) Le comportement et la prise de position du philosophe Sa these : anticonformiste par rapport a la société puisqu'il prend la défense de l'incrédule c'est-à-dire qui ne croit pas donc l'athée (le libre penseur) qui est une position adoptée par plusieurs philosophes. Les trois arguments qu'il donne lignes 7,10,12 l'éducation , naissance et experience tendent a prouver que la religion n'est pas necéssaire pour faire le bien. Lorsque la Maréchale essaye de l'inciter à repondre positivement à la question l'importance à la religion, il ne repond pas ou il détourne la conversation "Ceci va nous jeter dans une longue discussion" (l.28) Son attitude est un comportement de maitre, - c'est lui qui détient la connaissance, il repond aux questions "je vais vous le dire" (l.5) "Il faudra que je reprenne les choses d'un peu plus haut" (l.31) II - UN DIALOGUE QUI OSCILLE ENTRE 2 REGISTRES : POLEMIQUE & DIDACTIQUE        a) L.1 à 15 : L'ouverture du débat et l'argumentation du philosophe                                                  • L'évolution de la Maréchale       * Dans un 1er temps la M. se montre dure envers D. et donc envers la thèse qu'il défend. Ainsi elle leu qualifie de 'méchant', ce qui fait référence au sens que Molière donnait à Dom Juan : 'grand seigneur MECHANT homme' c-à-d incroyant, immoral, et de 'fou' ce qui est insultant pour un philosophe censé être en pleine possession de ses facultés intellectuelles. L'attaque est directe : 'vous êtes'       * Cependant un changement s'établit en elle. Elle semble intriguée par la réponse négative de D'. : 'je ne saurais' (être méchant ni fou), ce qui l'incite à le questionner sur ses motivations : si elle n'est pas folle ou méchante, pourquoi une personne fait-elle le bien? La M. montre alors à 2 reprises sa bonne volonté en manifestant son désir de comprendre: 'je voudrais bien le savoir ; vous m'obligerez'. Donc elle ne cherche pas à camper sur ses positions. • L'autorité courtoise du philosophe         * d'une part la réaction de D. est courtoise, en réponse à la bonne volonté de la M. Il ne cherche pas a priori à imposer son point de vue; c'est  pourquoi il s'exprime à la forme interrogative, ce qui donne à son interlocutrice l'illusion de la liberté de réponse.          * Cependant plusieurs moyens sont mis en ½uvre pour influencer la Maréchale   - d'abord D. emploie des moyens pour persuader : ainsi on remarque que les questions sont orientées (fausses questions) : ce sont des interro-négatives ('ne pensez-vous pas...') qui impliquent une réponse affirmative confirmant la thèse; V. réponses positives de la M. : 'je le pense, 9; assurément,12; oui-da, 15'. Par ailleurs les 3 questions s'enchaînent rapidement et donc sont structurées de la même façon, ce qui crée un effet de matraquage auquel ne résiste pas la M. (d'où réponses affirmatives). Noter aussi que les réponses attendues par D. sont courtes, à la manière de Socrate utilisant la maïeutique. Enfin D. implique la M. dans son dernier argument : 'NOUS ait convaincus, 13' en l'associant à lui.    - D'autre part il emploie des moyens pour convaincre, des moyens logiques: ainsi pour soutenir sa thèse qui est qu'on peut avoir le sens moral tout en étant incroyant, il émet 3 arguments, 3 raisons qui justifient cette thèse: la 'naissance', c-à-d le penchant naturel, l'instinct. Ainsi le désir d'être vertueux est inné; mais aussi l''education' : celle-ci, nous dit D., doit 'fortifier', consolider ce que la nature, le hasard, nous apporte. Ainsi le désir d'être vertueux est de l'ordre de l'acquis. Le 3ème argument est l'expérience qui apparaît à la maturité et qui s'appuie sur la logique, la raison ('convaincus, 13). La succession des 3 motifs et la symétrie de leur formulation prouvent qu'en fait ils sont complémentaires : ce que le hasard nous offre doit être 'fortifié' par l'éducation laquelle est revue par l'expérience personnelle.        b) L. 15 à 21: l'antithèse ou la contre-argumentation de la M. • on assiste alors au retour de la polémique, au duel. En effet la M.,                              au moyen d'un raisonnement concessif ('oui-da mais', 15), lance le débat en recourant au raisonnement dialectique : elle reprend les arguments de D. pour les contester. Elle suppose en effet qu'une personne n'ait pas reçu de bonne éducation et qu'en plus la naissance ne lui ait pas apporté un penchant vers le bien. Elle reprend ainsi les termes de D. : 'mauvais principes' rappelle ' excellente éducation', et 'passions' se réfère à 'penchant' naturel' Ainsi la M. cherche implicitement   reconnaître la faiblesse des moyens laïcs pour être vertueux et donc la nécessité de la religion pour maintenir un homme sur le droit chemin. La modalité interrogative : 'mais comment' qui est une fausse question, tout en trahissant la curiosité de la M., prouve qu'elle veut l'influencer.                                       • Cependant l'échange redevient courtois et les personnages vont faire chacun un pas en direction de l'autre.                    * Ainsi la M. n'hésite pas à donner comme exemple d'inconséquence humaine le cas de l'hypocrite religieux: ' tous les jours on se conduit comme si l'on ne croyait pas', 18, suggérant que la religion n'est pas nécessairement liée à la morale, ce qui surprend dans la bouche d'une dévote! De plus, à la réplique de D. elle répond affirmativement: 'A la bonne heure'.               * De même D. fait des concessions. Ainsi il n'hésite pas à dévaloriser l'incrédule qui se comporte mal, le qualifiant d''inconséquent', 17, c-a-d de fou, ce que pense la M. Bien plus, il va jusqu'à établir un parallèle entre le croyant et l'incroyant: 'Et sans croire on se conduit à peu près comme si l'on croyait', 20. On note ici la comparaison :'comme si' renforcée par la locution adverbiale: 'à peu près' (= presque) qui insiste sur la similitude entre croyant et incrédule. Noter aussi que D. reprend les termes employés par la M., ce qui prouve qu'il a pris en compte son propos.       * On relève enfin l'emploi du chiasme dans les 2 répliques: la M: 'On se conduit(A) / comme si l'on ne croyait pas(B) // D.: 'Et sans croire(B) / on se conduit comme si l'on croyait(A). Cette figure montre bien que malgré les divergences une entente s'instaure entre eux.                                                                    c) L. 21 à 27: L'élargissement du sujet                                                       • La M. a donc admis qu'on puisse être incrédule et vertueux. Cependant elle fait rebondir le débat à partir de l'analogie effectuée par D. entre croyant et incroyant : puisque les 2 se rejoignent, alors pourquoi la religion serait-elle un inconvénient pour se comporter moralement?     * Son argument est logique : noter le lexique: 'inconvénient, raison'. Ainsi le recours à la religion est une nécessité logique et non subjective. En effet, la M. suggère que la religion, étant un code de lois enseigné par les prêtres, comporte l'avantage de ne pas dépendre du hasard de la naissance ni de la chance de recevoir une bonne éducation ou même de bénéficier d'une expérience enrichissante.       * Son argument est traditionnel car il repose sur l'idée que la religion corrige, redresse une nature humaine qui a besoin de cadre, et que la liberté de m½urs au # conduit à l'immoralité.                       * Son argument est polémique car elle affirme que l'incrédulité conduit à 'la malice', à l'immoralité, condamnant une fois de plus l'incrédule.                           • La réponse de D. admet la validité de son raisonnement : 'aucun' (inconvénient), mais il conteste le présupposé de la M., le met en doute ('si',23). Pour lui la religion n'est pas un motif de faire le bien', pas plus que l'incrédulité n'est 'un moyen de faire le mal', 23. Cela élargit le sujet du débat qui ne porte plus sur l'opposition entre le croyant et l'incrédule mais sur la capacité de la religion à fonder la morale.                                            Dans cette perspective, le dialogue proprement argumentatif s'interrompt provisoirement pour retomber dans la banalité de la vie: 'le Maréchal ne rentrera pas sitôt', 29 le temps en quelque sorte de recharger les batteries et il se poursuit : 'mais commencez'.                                                III - LA MISE EN SCENE DES IDEES        a) Le choix du dialogue                           • Il a une valeur pédagogique: il permet de rendre plus claires les idées qui sont débattues. Ainsi la Maréchale incarne les défenseurs de la religion et de la tradition; le philosophe lui représente les idées des Lumières et donc une attitude plus libre à l'égard des croyances. Ainsi le lecteur peut s'identifier au personnage dont il partage les idées et peut avoir l'illusion de dialoguer avec un partenaire pour vérifier la validité de sa thèse.                    • Il a une valeur morale : en faisant dialoguer 2 personnages défendant des points de vue opposés, il fait la démonstration éclatante de la tolérance. Chacun en effet, ainsi que nous l'avons montré précédemment, se montre à l'écoute de l'autre dans le plus grand respect, sans aucun écart de langage.      b) Une conversation pleine de naturel Le cadre est intime : la Maréchale est à sa toilette, donc la scène se déroule dans un espace intime, ce qui suggère une atmosphère propice à une conversation familière et détendue. Ainsi la M. n'hésite pas à avouer en confidence le caractère limité, étriquéo de son existence : 'il faut que vous sachiez... des enfants', 34-35. De même elle avoue parfois son ignorance : 'pourvu que je vous entende', 32. (= comprenne). Bien plus, elle ose insinuer qu'elle n'est pas aussi pratiquante qu'elle ne le paraît: ainsi lorsque D. la complimente sur le fait qu'elle a su mener à bien ses 2 missions : 'ce sont 2 devoirs dont vous vous êtes bien acquittée', 36 ('pratiquer l'Evangile et faire des enfants', 35), elle répond: 'oui pour les enfants', sous-entendant que pour ce qui concerne sa pratique religieuse, elle n'est pas sans défaut.    c) Une conversation galante.                 • Mais l'échange est également teinté de galanterie :                              * Notons ainsi que la conversation a lieu en l'absence du mari : 'le Maréchal ne rentrera pas sitôt', 29, ce qui crée une atmosphère de complicité et de familiarité : le maître de maison étant absent, la famille, en l'occurrence l'épouse, s'autorise une certaine liberté de ton avec son invité.                               * C'est ainsi qu'elle ne se gêne pas pour gentiment rabrouer le philosophe : 'convenez donc que vous êtes méchant ou bien fou', 1. Mais ces qualificatifs péjoratifs sont tempérés, adoucis par la prière: 'convenez donc' qui suppose l'accord de D., et donc atténue la portée de ce qui pouvait passer pour une insulte.                                                      * On relève par ailleurs un ton de badinage. Ainsi les personnages se renvoient des formules de politesse, ce qui donne un ton précieux à l'entretien. Ainsi la M. disant: 'vous m'obligerez, 6 pour inviter D. à répondre à sa question. De même la fausse autodevalorisation de D. ; 'si vous ne m'entendiez pas, ce serait bien ma faute', 33, insinuant que si la M. ne le comprend pas c'est de sa faute, par manque de pédagogie et non du fait de l'ignorance de la M., ce que reconnaît celle-ci qui répond alors : 'cela est poli', 34. • Cependant ce ton précieux, voire solennel, est adouci par des pointes d'humour.                                                *Ainsi sommé par la M. de reconnaître qu'il est 'méchant ou bien fou', D. répond : 'en vérité je ne saurais', car comment peut-il répondre affirmativement?... Mais le conditionnel, marque de politesse, trahit en même temps le refus de contrer directement la M. Le comique naît du mélange des 2 intentions: à la fois se défendre en récusant les 2 qualificatifs et se résigner à les accepter par politesse.       * De même il arrive que la M. joue sur les mots. Ainsi lorsqu'elle dit : 'de si haut que vous voudrez, pourvu que je vous entende', 32, elle joue sur les sens figuré et propre. En effet, au sens figuré ( qui est le sens exact) 'reprendre les choses de plus haut' signifie remonter aux origines, donc annoncer une réflexion de grande profondeur, il est alors normal que la M.  supplie que D. prenne soin qu'elle 'entende' c-à-d comprenne bien, suive bien. Mais au sens propre 'haut' évoque l'altitude et donc si D. se poste 'si haut', il  est normal que la M. s'inquiète et le supplie : 'pourvu que je vous entende                                                                 * Enfin Diderot fait un clin d'½il au lecteur fréquentant les salons à travers la remarque de la M. : 'il vaut mieux que nous parlions raison que de médire de notre prochain', 29, faisant sans doute allusion aux soirées où les propos médisants et les rumeurs font les délices des personnes fréquentant les salons. Envoyé de mon iPhone

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