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La Fable des abeilles de Bernard Mandeville

Publié le 17/01/2012

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La Fable des abeilles de Bernard Mandeville

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« lES ORIGINES Bernard Mandeville « La vertu seule ne peut faire vivre les nations >> C'est ainsi que, chaque partie étant pleine de vice, Le tout était cependant un paradis.

Cajolées dans la paix, et craintes dans la guerre, Objets de l'estime des étrangers, Prodigues de leur richesse et de leur vie, Leur force était égale à toutes les autres ruches.

Voilà quels étaient les bonheurs de cet État; Leurs crimes conspiraient à leur grandeur, Et la vertu, à qui la politique Avait enseigné mille ruses habiles, Nouait, grâce à leur heureuse influence, Amitié avec le vice.

Et toujours depuis lors Les plus grandes canailles de toute la multitude Ont contribué au bien commun.

Voici quel était l'art de l'État, qui savait conserver Un tout dont chaque partie se plaignait.

C'est ce qui, comme l'harmonie en musique, Faisait dans l'ensemble s'accorder les disso­ nances.

Des parties diamétralement opposées, Se prêtent assistance mutuelle, comme par dépit, Et la tempérance, et la sobriété Servent la gourmandise et l'ivrognerie.

La source de tous les maux, la cupidité, Ce vice méchant, funeste, réprouvé, Était asservi à la prodigalité, Ce noble péché, tandis que le luxe Donnait du travail à un million de pauvres gens, Et l'odieux orgueil à un million d'autres.

L'envie elle-même, et la vanité, Étaient serviteurs de l'application industrieuse.

[ ...

] Regardez maintenant cette ruche glorieuse, et voyez Comment l'honnêteté et le commerce s'accor­ dent.

La splendeur en a disparu, elle dépérit à toute allure, Et prend un tout autre visage.

Car ce n'est pas seulement qu'ils sont partis, Ceux qui chaque année dépensaient de vastes sommes, Mais les multitudes qui vivaient d'eux Ont été jour après jour forcées d'en faire autant.

En vain ont-ils cherché d'autres métiers : Tous étaient en conséquence excessivement encombrés.

Le prix des terres et des maisons s'effondre; Des palais merveilleux, dont les murs Comme ceux de Thèbes, avaient été élevés par le jeu Sont à louer.

[ ...

] Il n'y a plus d'entreprises de bâtiment, Les artisans sont en chômage.

Aucun peintre n'est plus connu pour son art, Les sculpteurs de pierre ou de bois n'ont plus de nom.

Ceux qui sont restés, devenus sobres, ne sont plus en peine De trouver des dépenses, mais de trouver le moyen de vivre.

[ ...

] MORALE: Cessez donc de vous plaindre : seuls les fous veulent Rendre honnête une grande ruche.

Jouir des commodités du monde, Être illustres à la guerre, mais vivre dans le confort Sans de grands vices, c'est une vaine Utopie, installée dans la cervelle.

Il faut qu'existent la malhonnêteté, le luxe et l'orgueil, Si nous voulons en retirer le fruit.

[ ...

] Ainsi on constate que le vice est bénéfique, Quand il est émondé et restreint par la justice; Oui, si un peuple veut être grand, Le vice est aussi nécessaire à l'État Que la faim l'est pour le faire manger.

La vertu seule ne peut faire vivre les nations Dans la magnificence; ceux qui veulent revoir Un âge d'or, doivent être aussi disposés À se nourrir de glands qu'à vivre honnêtes.

lA FABLE DES ABEILLES (1705), TRAD.

L ET P.

CARRIVE, VRIN, 1998.

le Point Hors-série n• 26 les textes fondamentaux 27. »

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