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Les fables sont-elles morales ?

Publié le 23/07/2012

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Les caractéristiques du naturalisme renforcent donc le côté péjoratif d’un fond souvent mal vu, parfois sordide. L’effort réaliste et naturaliste d’associer ses deux choses donne l’impression d’une envie forte de peindre la laideur et la bassesse. Cependant, pouvons-nous considérer les choses autrement ? Est-il réellement pertinent de penser que les courants naturalistes et réalistes peignent seulement la laideur ? Si l’on se fie aux définitions respectives du naturalisme et du réalisme, il n’est nullement mention du besoin de peindre la laideur. La préface de Germinie Lacerteux des frères Goncourt annonce que le naturalisme décrira le peuple et des sujets jusqu’alors ignorés mais ce manifeste ne doit néanmoins pas être considéré comme la base du naturalisme. Des écrits comme Le Roman Expérimental (roman, 1880) de Émile Zola ou Le Réalisme en 13 points de Champfleury n’affirment en aucun point que les choses basses doivent faire parti du naturalisme. 

« plupart des histoires où l'amour est représenté.

L'amour n'est pas laid mais est souvent dissimulé derrière une histoire tragique dans le naturalisme ou le réalisme.Dans la critique de Huysmans À Rebours en 1884, l'homme de lettres décrit le naturalisme comme étant souvent la décortication du péché de la luxure.

De plus,Huysmans associe « l'éternelle séduction et le non moins éternelle adultère ».

Si l'adultère est laid, la séduction est belle et ce dans n'importe quelle classe de lasociété.

Le peuple semble donc apprécier cette forte beauté car il s y intéresse beaucoup.Ainsi il ne faut pas généraliser en affirmant que le naturalisme ou le réalisme agissent en tant que peinture du laid.

D'ailleurs, cette ambivalence entre la beauté et lalaideur est observée clairement dans le titre d'une des œuvres de La Comédie humaine de Balzac.

En effet, le titre Splendeurs et misères des courtisanes est basé surune antithèse entre les termes « splendeurs » et « misères.

Il reste que les exemples fort de cela sont La Joie de vivre (roman faisant parti de la collection des RougonMacquart, 1884) de Zola et Fort comme la mort (roman, 1889) de Maupassant.

Fort comme la mort a pour thèmes principaux l'amour et le vieillissement.

Dans LaJoie de vivre, l'antithèse est dressée de telle sorte que le personnage principal, Pauline Quenu mue par des sentiments d'amour d'autrui, et d'espoir face à la vie, estconfronté à un destin injuste et triste.

Cette opposition est aussi faite entre elle, qui aime la vie et le personnage de Lazare qui lui craint la mort de façon maladive.

Lepeintre Vincent Van Gogh s'est inspiré de ce roman pour réaliser le tableau Nature morte avec la Bible.

Il s'agit d'une bible, disposée sur une table, halée de lumière,sur un fond noir.

L'opposition entre la lumière et la noirceur représente les oppositions : Vie/Mort, Pauline/ Lazare, Beauté/Laideur.

Ce tableau au fond sombre a uncentre lumineux.

Il y a un symbole d'espoir derrière.

Il est donc clair que le naturalisme ou le réalisme peuvent peindre la laideur mais peignent le plus souvent labeauté qui va avec en parallèle.

La nature et la réalité sont ainsi faites.En outre, malgré un contenu proche de la tragédie, certaines œuvres naturalistes ou réalistes s'achèvent avec une note d'espoir.

La britannique George Elliot abrillamment effectuée une critique sociale de certains aspects de l'époque victorienne dans son étude de mœurs Middlemarch: Study of a provincial life.

On constateque ce livre s'achève sur une note positive.

On pourra aussi citer La débâcle (roman faisant parti de la collection des Rougon-Macquart, 1892).

Jean Macquart,malgré l'homicide involontaire qu'il a effectué contre son meilleur ami, ressort de son aventure marié et confiant d'un avenir meilleur comme on le comprend dans lacitation suivante : « C'était le rajeunissement certain de l'éternelle nature, de l'éternelle humanité, le renouveau promis à qui espère et travaille, l'arbre qui jette unenouvelle tige puissante, quand on a coupé la branche pourrie, dont la sève empoisonnée jaunissait les feuilles… et Jean, le plus humble et le plus douloureux, s'enalla, marchant à l'avenir, à la grande et rude besogne de toute une France à refaire.

» Il est à noter que quelques romans naturalistes ou réalistes ont un contenu et uneissue assez heureuse comme par exemple le roman Au Bonheur des Dames (roman faisant parti de la collection des Rougon-Macquart, 1883) de Zola.Pareillement, la peinture naturaliste, peint, certes des milieux paysans, mais souvent dans un très beau fond et dans un décor illuminé.

Les paysans représentésarborent souvent un air serein.

Telle est la conclusion de l'étude des tableaux Les foins de Jules Bastien-Lepage, Le Chant de l'alouette de Jules Breton ou enfin LaVache à l'abreuvoir de Julien Dupré. A posteriori, lorsque l'on analyse ce mélange entre la beauté et la laideur, on constate que cet effort de style crée une ambiguïté.

Cela dit, il est donc impossible dedéfinir ces courants comme étant beau ou laid.

Il est toutefois possible d'envisager ce sujet d'un point de vue plus large.

La laideur pourrait-elle être « belle » et àl'opposé la beauté pourrait-elle s'avérer être « laide » dans certains cas ? Ces questions en apparence paradoxale peuvent être étudiées en se détachant de la simplelogique des mots « beau » et « laid ».Comme il a déjà été énoncé, la description des lieux effectuée par un narrateur externe ou omniscient, dans le naturalisme ou le réalisme, est faite avec soin etminutie.

Ce zèle est la base même de ces courants littéraires et dans son objectivité, il reste que sa fonction n'est pas seulement de décrire.

Ainsi, par exemple, ladescription de l'opulence n'est jamais faite au hasard.

Quoique le luxe et la richesse suggèrent la beauté, la description frénétique qui y est associée est exécutée detelle sorte qu'on la mettra en opposition avec la description tout aussi détaillée faite des environnements pauvres.Par exemple, Émile Zola dans sa série romancière Les Rougon-Macquart peint pour certains Rougon des milieux grandioses à la richesse outrageuse en oppositionpour certains Macquart à une pauvreté ignoble, des conditions misérables et des péripéties inhumaines.

En effet, lorsque l'on étudie les romans Son ExcellenceEugène Rougon (roman, 1876) et L'Assommoir.

Il est impossible de ne pas être saisi par le monde qui sépare les deux œuvres.

Dans le premier, Zola dépeint lessalles impériales avec force détails, leur luxe saisissant et vertigineux, et les toilettes hors de prix des femmes mondaines.

Dans le deuxième, l'écrivain dresse untableau ouvrier, pauvre et ravagé par l'alcoolisme.

Le destin qui attend les personnages est cruel.

Ce sont des thèmes d'un roman jugé comme la description d'unebasse classe.

En comparant, ces deux romans, le lecteur peut éprouver de la répulsion pour la richesse.

En effet, l'injustice est criante.Ce cas de figure est également présent dans le roman La Curée (roman, 1872) de Zola où celui-ci se plaît à peindre l'hôtel Monceau avec une telle frénésie et une telleminutie descriptive qu'en somme cette impression de « trop » agit comme une critique sociale de la richesse et de l'opulence ostentatoire des parvenus sous le SecondEmpire.

La « laideur » de la curée de Paris est ainsi mise à jour.Dans Boule De Suif (nouvelle, 1880) la prostituée Élisabeth Rousset écorche son honneur et son égo pour permettre aux compagnons de sa diligence de fuir lesprussiens qui les poursuivaient.

Elle offre son corps et sa sexualité féminine fraîche et mûre pour divertir et calmer l'officier prussien chargé d'arrêter la diligencefrançaise dans laquelle ils se trouvaient.

Dans ce cas-ci, son action assez noble ne cie pas avec son statut assez bas.

Ces compagnons qui sont des bourgeois laméprisent et sont hypocrites envers elle.

Les « beaux » bourgeois se voient rabaissés au statut de laid, tandis que la « laide » prostituée devient belle.À un autre niveau, le beau sexe, la femme dans toute sa splendeur et ses attraits, est liée au vice quoique parfois indirectement.

Cela est clair dans les livres faisantparti de la collection des Rougon-Macquart, La Curée (roman, 1872) Nana (roman, 1880) ou Pot-bouille (roman, 1882) d'Émile Zola.

Pour le premier, la femme ainsidécrite sera Renée Béraud Du Châtel, dans le deuxième, ce sera Nana, dans le troisième, il s'agira de Caroline Hédouin.La laideur décrite de façon naturaliste ou réaliste a pour certains quelque chose d'attirant.

La minutie descriptive ajoute un effet particulier.

Quoique cette impressionreste personnelle et subjective, il est fort possible que certains soient fascinés par les innombrables détails naturalistes.

Les métaphores et les figures de style nepeuvent que rajouter à l'exaltation descriptive.

La réalité enivrante et l'impression d'entrer dans la réalité sans pourtant y être est tout à fait particulière.

Lesnaturalistes de talent ont le pouvoir de créer cette impression.

Paul Alexis affirme que plusieurs d'entre eux ont le pouvoir d'animer l'intrigue et l'atmosphère de leursœuvres naturalistes d'une façon particulière grâce à leur style respectif: « le ton de procès-verbal de Stendhal, la sécheresse impitoyable de Duranty trouvent grâcedevant lui autant que le lyrisme concentré et impeccable de Flaubert, que l'adorable nervosité de Goncourt, l'abondance grandiose de Zola, la pénétration malicieuseet attendrie de Daudet.

»Huysmans reconnait d'ailleurs dans son préface À Rebours en 1884 qu'Émile Zola a le pouvoir de subjuguer ses lecteurs par ses illusions dumouvement et de la vie précises.

Chaque pièce, chaque nouveau milieu, chaque pan important de l'histoire écrite est décrit avec minutie.

Les textures et à plus forteraison, les couleurs sont détaillées.

À la rigueur, un milieu recélant des actions troublantes ou des conversations empoisonnées, peut avoir une atmosphère picturaletelle que sa description éclipsera l'action des personnages.

Cet argument est appuyé par une citation du respectable Paul Gauguin: « Le laid peut être beau, le joli,jamais» (quoique l'on puisse désapprouver la dernière partie de son affirmation).Les milieux qui nous ont été présentés comme laids grâce à l'atmosphère picturalenaturaliste peuvent devenir beau.Une Charogne, un poème de Charles Baudelaire, quoique non naturaliste, dresse une description d'une précision quasi-scientifique d'une charogne sur un chemin.

Sila charogne était observée dans la vie réelle telle que décrite par Baudelaire, il n y a aucun doute qu'elle serait abhorrée et jugée repoussante par n'importe quelindividu sensé.

Cependant, lorsque l'on analyse la manière dont le poète dépeint cette charogne, il est possible de se demander si la minutie descriptive qu'il y prête nerenverrait pas à une idée de beauté.

Baudelaire était un esthète et cette pensée corrobore bien à son profil psychologique et au titre du recueil du poème Les Fleurs DuMal.

Malgré que le courant littéraire diffère, ne parle-t-on pas parfois d'esthétisme naturaliste ? Cette thèse a une portée encore plus grande lorsqu'il s'agit de lacritique de la richesse ostentatoire et du cynisme du Second Empire.

En effet, avant tout, quelque chose de beau aura souvent une atmosphère picturale belle.

Laminutie descriptive apparaîtra pour d'aucuns comme une critique de quelque chose ayant une signification laide mais ayant un physique des plus attrayant.

La voluptéet la frénésie des couleurs, l'illusion enivrante peut tout aussi entrainer le lecteur dans la rêverie.

Il est donc important de détacher la signification laide et le physiqueattrayant.

En conséquence de quoi il règne une ambiguïté palpable sur la beauté et la laideur peinte par le naturalisme ou le réalisme qui ont pour but de seulementreprésenter seulement la réalité.

L'objectif est donc de distinguer la signification figurée de la forme physique ou de la critique posée sur l'objet étudié si l'on souhaiterépondre à la question posée. En conclusion, l'étude a permis de démontrer qu'il est important de nuancer l'idée émise au départ qui stipulait que les courants naturalistes et réalistes peignent lalaideur et les choses basses.

En effet, si les écrits naturalistes et réalistes ont pour cadre des classes sociales basses ou possèdent une intrigue basée sur des actionsmauvaises, il ne faut en aucun cas oublier que cette réalité peinte contient bien souvent de bons côtés.

Par ailleurs, ces courants littéraires associent minutiedescriptive et objectivité, créant une atmosphère picturale particulière qui lorsque rajoutée à une valeur critique et a une intrigue sordide, crée une ambiguïté parrapport à ce qualificatif de « beau » ou de « laid ».Pour finir, il est à noter que cet avis nuancé face à la beauté ou la laideur est un thème récurrent dans le symbolisme.

Ce travail de mêler la beauté à la laideur avaitété pareillement effectué par Paul Verlaine dans son recueil de poésie Les Fêtes galantes en 1869.. »

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