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Le fanatisme, ce redoutable amour de la vérité. Amour ou peur de la vérité ?

Publié le 17/03/2004

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amour
Dans le fanatisme une liberté se renie au profit de fins qu'elle prétend absolues et qu'en réalité le sectarisme du fanatique accepte toutes faites du clan ou du groupe. « Vérité » de parti, c'est-à-dire partialité qui exclut, excommunie, condamne, exécute. L'expérience morale authentique requiert un choix toujours difficile, parfois douloureux dans la multiplicité des possibles. La référence à la règle, au dogme, au statut du parti politique, l'invocation du devoir dans son observance stricte, masque une désertion fondamentale. Ainsi s'affirme dans le fanatisme la méconnaissance de la signification personnelle des valeurs. Le fanatique s'engage mais n'assume pas son choix, il se soumet à une vérité préformée telle qu'il la reçoit du dehors, de sa secte.Le fanatisme signifie donc dépersonnalisation de l'homme et des hommes. Les formules du dogme, les impératifs de l'éthique, les mots d'ordre de parti s'adressent à un schéma abstrait. Le devoir-être est entièrement déterminé par cet attachement forcené à cette transcendance immuable. Dès lors s'éclaire le redoutable paradoxe du fanatisme qui sacrifie l'homme concret, l'individu réel, au profit d'un homme abstrait, le porteur des valeurs aux valeurs elles-mêmes.
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« confirme et rassure.

Mais on peut se demander si ces deux sortes de fanatisme ne constituent pas des pôles entrelesquels oscille plus ou moins tout fanatique.Pour y répondre, nous nous appuierons sur les analyses d'Alain chez qui la réflexion sur le fanatisme est un thèmecentral.

La croyance plaît et c'est la croyance non le doute qui est un mol oreiller.

« Par-dessus tout il est agréablede croire à quelqu'un ; et un homme à qui on croit est heureux aussi d'être cru, et de croire ceux qui le croient, etde se croire lui-même.

» Car la croyance dispense de penser.

Je veux bien faire l'essai de persuader, je veux bien lafaire juge de ce que je dis, mais s'il résiste, je me sens offensé « bien aisément, je suppose en lui quelqueobstination symbolique.

Le fanatisme est la plus redoutable des passions, mais il faut aussi dire qu'il y a du fanatismedans toutes les passions.

» Ainsi « toute discussion est un commencement de guerre, et l'homme se jette lui-mêmeen gage pour un démenti.

C'est qu'il reconnaît en lui le pensant, le frère de lui-même, celui avec qui il doit s'accorder; ne le pouvant, il s'irrite.

H se sent législateur universel, et responsable de cet office devant lui-même.

C'estpourquoi on s'est battu tant de fois pour des opinions.

» Le fanatique ne peut donc pas supporter la contradictionpour ce qui lui importe.

« La pire injure qu'on puisse lui faire, c'est de penser autrement que lui, c'est de vivred'après d'autres maximes que les siennes ; c'est de mépriser ce qu'il honore.

Un mahométan de la grande époque,magnanime et hospitalier, aurait puni de mort aussitôt l'opinion qu'il y a plusieurs dieux.

On nomme fanatisme cepremier état de l'esprit.

» Le fanatique se figure qu'il veut persuader, mais il n'a pas la patience.

Un esprit ne tolèrepas qu'un autre esprit ne pense pas comme lui, il est déçu et blessé que cette vérité qu'il apporte ne soit pas reçuecomme un bienfait.

« Le travers, où il y a de l'estime et même de l'amour trompé, a fait les bûchers d'autrefois, etles grands bûchers d'aujourd'hui, qui sont les guerres.

»Dans cette manière de « penser convulsivement » Alain dénonce une sorte d'impolitesse foncière.

« On sent lapassion nouée et cette peur de soi qui est timidité.

» Il y a dans le fanatisme une peur de ne pas bien soutenir ceque l'on croit, et « enfin, comme la peur n'est guère supportée, une fureur contre soi et contre tous, ce quicommunique une force redoutable aux opinions les plus incertaines.

» De telle sorte que le fanatisme reposeraittoujours sur la peur de penser, la peur d'examiner, et pour n'avoir pas à examiner, il est plus simple de forcer.

« Lepassage de la peur à la fureur est naturel et commun dans l'homme.

» C'est peut-être le sens qu'il faut donner à lafable du Sphinx.

Le Sphinx guettait l'homme et lui proposait quelque énigme ; qui ne devinait pas était dévoré.

Maisc'est l'homme qui se dévore lui-même ; il ne s'accorde pas de délai, il se précipite pour juger comme le fou qui offrecomme une image grossie de l'homme naïf.

« Ce mélange de vertige, de peur et de colère est souvent sensible dansles noeuds du visage et dans le son de la voix.

Quand le fanatique pense, ne vous mettez pas en travers.

» Tel est« le fanatisme si naturel des hommes qui ont une opinion mais sans savoir laquelle.

» C'est pourquoi « la dissidenceet la critique...

sont odieuses parce qu'elles obligent à savoir ce qu'on pense.

» Cela va même jusqu'à ce point, cequi est très manifeste, par exemple, dans plusieurs passages du Mein Kampf de Hitler, que « souvent le fanatismes'irrite même d'être approuvé et expliqué, le vrai croyant refuse les preuves.

Très prudemment il les refuse, car unepreuve est une grande aventure.

Que va-t-on trouver dans la preuve ? » Expliquer et justifier, c'est plus ou moinslaisser entendre que d'autres opinions sont plausibles, que d'autres conduites sont acceptables.

C'est un risque qu'ilfaut s'interdire et interdire.

« La seule idée qu'il y a des dissidents quelque part, que le monde entier des hommesn'est pas encore converti, jette aussitôt le fanatisme dans la plus folle des entreprises, la guerre.

» Car le pire estqu' « un fanatisme en rencontre un autre.

Et il ne s'agit plus alors de chasse, ni de pêche, ni d'industrie, on n'ypense même pas.

Il s'agit d'exterminer les schismatiques et les hérétiques.

»On comprend que paradoxalement le refus et la haine d'une vraie pensée se traduisent par le dogmatisme, quiconsiste dans cette « assurance que les choses qui nous intéressent sont dès maintenant expliquées et prouvéesde façon tout à fait systématique », et le fanatique s'enfonce dans le dogmatisme comme s'il détenait uneconnaissance incontestable.

Et bien qu'il s'attache à sa vérité « comme un chien à l'os ».

En réalité, cetteconnaissance n'est que croyance.

« Chacun, depuis des siècles, a pris le parti de croire avant de savoir.

Or cecroire fanatique est la source de tous les maux humains, car on ne mesure point le croire, on s'y jette, on s'yenferme, et jusqu'à ce point extrême de folie où l'enseigne qu'il est bon de croire aveuglément.

» Alain voit danscette attitude un genre d'ivresse qui est refus de réfléchir ou assurance d'avoir tout devant soi-même.

« Il y a undegré d'extravagance qui ne se guérit que par une extravagance pire..., car c'est la honte la plus grande de rougirdevant l'esprit.

Celui qui sent que la preuve est mauvaise court à la conséquence et accomplit toute erreur possible.Le refus d'entendre est de fureur plus souvent que de paresse.

Dans la moindre discussion, cela se voit, et enproportion de la difficulté et de l'incertitude.

Le faux va à l'excès du faux.

» Notation pénétrante, s'il est vrai que lefanatique est d'autant plus « enragé » qu'il est moins en mesure de prouver ; il compense par la violence.

« Plus leproblème est compliqué, moins on se croit en droit d'ajourner.

La mort, Dieu, l'âme, la justice, comment ajourner ? »Cette dangereuse « solution » de facilité est la tentation inhérente au fanatisme et qui menace chacun de nous.Penser ne va pas de soi ; il faut tenir compte de tous les aspects de la question, donner à chacun leur poids.

Il n'ya qu'à laisser aller pour croire et c'est pourquoi chacun tend aisément à remplacer la pensée par la croyance.

Nuln'échappe tout à fait à ce mouvement.

Tout socialisme regarde au communisme, et sent comme une attraction parlà, qui le guérirait du mal de composer.

Tout modéré regarde de même vers le despotisme et vers la bienfaisanteguerre, qui sont d'héroïques remèdes aussi, et une ivresse convoitée.

L'emportement absout.

» En effet, l'horreur dela guerre attise le fanatisme plutôt qu'elle ne l'éteint.

Ce qui touche l'âme dans ce culte fanatique de la patrie, « cequi l'élève au-dessus de n'importe quel intérêt, c'est la grandeur du sacrifice.

Outre que la résolution de mourir rendtoutes choses petites, l'entassement des morts fait preuve, preuve violente qui rassemble l'admiration et l'horreur.Le sublime, l'orgueilleux et le tendre en chacun sont touchés droit par ce raisonnement : « Le Dieu vaut plus que cequ'on lui sacrifie.

» C'est par là qu'une guerre en annonce une autre.

» Au plus profond, ce qui rend le fanatiquedangereux, c'est cette ivresse aveugle, « car il est plus facile qu'on ne croit de payer et prouver de sa personne ;d'où la danse des poignards, le fanatisme et les sacrifices humains.

» Fanatisme, fruit de violence.

Il faut conclureavec Alain : « La violence intérieure, la violence de pensée me semble être à l'origine de tous les maux.

»Au terme de ces analyses le fanatisme apparaît comme une démission originaire de l'homme devant ses véritablesresponsabilités, une tentative d'escamotage de la vie morale et de ses difficultés, qui en soi est un échec, mais qui. »

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