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fascisme

Publié le 19/02/2013

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1   PRÉSENTATION

fascisme, terme qualifiant au sens strict le régime dictatorial et totalitaire établi par Benito Mussolini en Italie entre 1922 et 1945 et, au sens large, la doctrine politique qui a servi de fondement à l’expérience italienne et de modèle théorique à certains mouvements nés durant l’entre-deux guerres.

Exaltant les valeurs de la famille, du travail, de la solidarité nationale, de la domination des intérêts nationaux dans tous les domaines, de l’ordre et de la discipline, les fascistes rejettent le pouvoir de l’argent et la démocratie libérale, considérée comme corrompue et inefficace. L’épanouissement de l’idéologie fasciste s’inscrit dans un contexte, celui de la montée des nationalismes consécutifs à la Première Guerre mondiale et à la crise économique de 1929, et dans un mouvement global, celui de la recherche d’une troisième voie, alternative au capitalisme libéral et au communisme marxiste, dans le cadre d’une révolution conservatrice.

2   LE FASCISME ITALIEN
2.1   La conquête du pouvoir

En tant que phénomène historique et modèle politique, le fascisme est apparu en Italie après la Première Guerre mondiale, dans un contexte de crise économique et de déception liée aux traités de Saint-Germain-en-Laye (1919) et de Rapallo (1920), considérés par beaucoup d’Italiens comme une trahison par rapport aux gains territoriaux qui avaient été promis à l’Italie par les Alliés lors de son entrée en guerre (mai 1915). Le vide politique laissé par l’effondrement des Empires austro-hongrois et ottoman, le choc de la révolution russe contribuent également, mais dans une moindre mesure, à créer un climat d’instabilité propice à l’émergence du fascisme.

Le mot fascisme est employé pour la première fois par Benito Mussolini en 1919 ; le terme fait référence aux faisceaux (fasci), assemblage de verges liées autour d’une hache, qui représentait l’unité civique et l’autorité de Rome. Personnalité complexe, Mussolini, créateur en 1919 des Faisceaux italiens de combat, puis fondateur en 1921 du Parti fasciste italien, commence sa carrière politique sous l’étiquette socialiste, mais il ne tarde pas à infléchir son programme, à l’origine très influencé par l’anarchisme et le syndicalisme révolutionnaire, pour mettre le bras paramilitaire de son mouvement, les Chemises noires (appelées ainsi par opposition aux Chemises rouges de Giuseppe Garibaldi) au service des intérêts des puissants industriels et des propriétaires terriens, alliés à l’Église catholique et à l’armée, dans le but de faire échouer l’agitation ouvrière.

2.2   La dictature de Mussolini

En octobre 1922, dans un climat de décomposition politique et d’affaiblissement du mouvement syndical, Mussolini, à la tête de 25 000 hommes, lance la marche sur Rome, manifestation de force purement symbolique puisque le roi a déjà décidé de l’appeler au gouvernement. Nommé président du Conseil, il forme un gouvernement d’union nationale et prépare la conquête totale du pouvoir, qui ne sera effective qu’en 1926 avec la promulgation des lois « fascistissimes « restreignant les libertés, interdisant les partis et attribuant les pleins pouvoirs au Duce (italien, « chef «).

Opérant graduellement la fascisation des institutions et des consciences, il introduit le principe de la nomination à tous les postes politiques, la prestation de serment pour tous les fonctionnaires et le corporatisme dans toutes les professions ; il embrigade la jeunesse dans des formations paramilitaires et fait pourchasser les opposants politiques par une police redoutée pour son efficacité. Dans le domaine économique, le régime, qui se contente au départ d’apporter certaines améliorations sociales (institution d’un Fonds national des assurances sociales, par exemple) sans remettre en cause le modèle libéral, oriente bientôt le pays vers un véritable capitalisme d’État, fondé à l’intérieur sur une politique de grands travaux et d’industrialisation à marche forcée, et vis-à-vis de l’extérieur sur l’autarcie, annonciatrice d’une économie de guerre.

À l’extérieur, dans la tradition de la Rome antique, le régime entreprend une politique de conquêtes coloniales (guerre d’Éthiopie en 1935-1936). Proche des autres régimes autoritaires, l’Italie fasciste soutient militairement le régime du général Francisco Franco pendant la guerre d’Espagne, noue des liens privilégiés avec l’Allemagne nazie et entre en guerre contre les Alliés en juin 1940. Défait militairement, le régime s’effondre à Rome en juillet 1943. Il survit jusqu’en avril 1945 dans la république de Salò, État fantoche aux mains des nazis, dans le nord de l’Italie.

Le modèle italien reste l’exemple le plus achevé des régimes fascistes, mais ses traits dominants l’inscrivent dans un mouvement intellectuel qui permet de souligner ses parentés avec d’autres courants.

3   LES TRAITS CARACTÉRISTIQUES DU FASCISME
3.1   Fondements théoriques

On peut identifier certaines des sources doctrinales du fascisme, et c’est l’inscrire alors dans une mouvance où l’on retrouve aussi bien Friedrich Wilhelm Nietzsche pour le nihilisme que Pierre Joseph Proudhon pour l’exaltation de la communauté de producteurs comme base de l’organisation sociale, Georges Sorel pour la dénonciation du capitalisme, Maurice Barrès pour l’exaltation du nationalisme ou Gabriele D’Annunzio pour l’esthétique individualiste et virile teintée de romantisme, énumération qui souligne bien l’extrême hétérogénéité des fondements du fascisme.

S’opposant à des valeurs telles que l’individualisme, la démocratie (et ses corollaires, le régime parlementaire et le multipartisme), le rationalisme et la laïcité qui procèdent des Lumières, le fascisme est issu d’un courant qui prend globalement le contrepied des idéaux incarnés par la Révolution française. Ainsi, les fascistes italiens répondent-ils au slogan révolutionnaire « Liberté, Égalité, Fraternité « par « Croire ! Obéir ! Combattre ! «. Dans cette logique, le fascisme est nécessairement caractérisé par le rejet des institutions démocratiques, afin de réaliser l’absorption du pouvoir législatif par le pouvoir exécutif. Faisant un large usage d’une rhétorique anticapitaliste soulignant l’aliénation propre à la condition ouvrière, le discours fasciste se rapproche sur ce point du discours marxiste.

Pourtant, les différences entre les deux idéologies sont très marquées. Si l’idéal marxiste correspond à une société sans classes, l’idéal fasciste est celui d’une communauté nationale structurée de manière autoritaire, dans laquelle les classes sont remplacées par les corporations professionnelles, la lutte des classes par la solidarité sociale et l’atomisation de la société par l’exaltation du modèle familial.

Le fascisme induit une organisation verticale du pouvoir, inspirée du système militaire, dans lequel tous les aspects de la vie politique, économique et sociale sont fortement encadrés sous l’autorité d’un État centralisé s’appuyant sur un parti unique (le multipartisme étant considéré comme un facteur d’affaiblissement) et un appareil répressif contrôlant tous les moyens d’expression (devenus inutiles puisque le chef est l’incarnation du corps social).

L’individualisme disparaît au profit du groupe, producteur d’un homme nouveau, incarnation des valeurs de jeunesse, d’héroïsme et de modernité qui constituent l’horizon symbolique du fascisme. Fondamentalement anti-intellectuelle, volontiers empreinte de mystique, l’idéologie fasciste exalte la personne du chef suprême de la nation, combattant visionnaire, et l’image de la guerre, que popularise une esthétique faisant une large place aux symboles guerriers.

L’État fasciste, fondé sur l’idée de supériorité nationale, se donne pour objectif le renforcement de la puissance militaire du pays, avec généralement pour corollaire une politique d’expansion territoriale. La plupart des idéologues fascistes reprennent les principes du darwinisme social, qui postule l’existence d’une compétition interne et externe des États, et de la nécessaire évolution des forts conduisant à l’écrasement des faibles, ces idées impliquant souvent un racisme sous-jacent, orientation loin d’être systématique, comme le montre l’exemple italien.

3.2   Analyse du phénomène fasciste

Le fascisme a donné lieu à de nombreuses interprétations qui continuent de susciter un débat, preuve, s’il en était besoin, qu’il est impossible de présenter une analyse définitive d’un phénomène aussi complexe.

Un premier angle d’analyse consiste à comparer l’expérience italienne à l’Allemagne nazie, pour mieux isoler les caractéristiques fondamentales de chacun des régimes. Si l’on peut observer que le national-socialisme et le fascisme se sont épanouis dans deux pays qui étaient ressortis frustrés de la Première Guerre mondiale, on doit pourtant remarquer que l’Italie a justifié ses tentatives d’expansion territoriale par la rhétorique de la toute-puissance de l’État, et jamais par l’exaltation d’un espace vital aux contours définis par la « race «, comme l’a fait l’Allemagne, empreinte d’une forte tradition pangermaniste, et qu’elle n’a pas fondé son régime sur une politique d’élimination systématique et obsessionnelle des « races « dites « inférieures «. On peut cependant rapprocher les deux modèles dans le cadre d’une analyse du totalitarisme, si l’on reprend les trois critères définis par Hannah Arendt : l’exaltation du sentiment national, le culte du chef, l’organisation de la société sur le modèle militaire.

D’autres interrogations ont porté sur les origines du fascisme. Conçu par certains comme une « monstruosité «, un accident de l’histoire sans passé et sans avenir, en contradiction totale avec l’évolution naturelle des nations occidentales vers la démocratie, le fascisme fait également l’objet d’interprétations de nature économique : dans ce cadre, les analystes mettent l’accent sur les conséquences économiques et sociales de la crise de 1929, conduisant à la paupérisation de la classe ouvrière, mais également des classes moyennes, source de recrutement privilégiée des mouvements fascistes. L’analyse marxiste va plus loin, qui voit dans le fascisme une révolution conservatrice sinon inspirée, du moins encouragée par le grand capital pour mieux résister à l’expansion du socialisme.

En parallèle des analyses d’ordre psychologique ou psychanalytique qui expliquent l’adhésion individuelle au fascisme par la peur de l’isolement et le besoin d’appartenir à un groupe, l’histoire des idées politiques met en relief l’aspect synthétique de l’idéologie fasciste, héritière de courants de pensée remontant à la fin du XIXe siècle. Ainsi l’universitaire Zev Sternhell, dont les thèses ont suscité de très vifs débats, a relié le fascisme à des origines spécifiquement françaises, où l’on retrouve les penseurs de l’Action française et ses satellites comme Georges Valois, les élucubrations antisémites d’Édouard Drumont ou les théories sur l’inégalité des races de Joseph Arthur Gobineau. Pour leur part, certains de ses détracteurs l’ont accusé de sous-estimer la dimension nationale des phénomènes fascistes, accentuée par les incidences de la crise économique et du règlement de la Première Guerre mondiale, tout en négligeant l’éclectisme idéologique qui fonde le fascisme.

4   LA DIFFUSION DU MODÈLE
4.1   Mouvements et expériences fascistes dans l’entre-deux-guerres

Le régime de Mussolini fournit un modèle aux fascismes des années 1920-1930 qui fleurissent dans un contexte de crise économique, politique, morale et remportent le plus grand succès dans des pays sans grande tradition démocratique. Cependant, l’identification de tout mouvement fasciste à un chef charismatique fait tellement partie de sa doctrine, et les fondements idéologiques du fascisme sont tellement hétérogènes, qu’on ne peut parler que de fascismes au pluriel, en fonction de la composition sociale de chacun de ces mouvements, de ses relations avec des institutions comme l’Église ou avec le capitalisme.

En Allemagne, dans les années vingt, l’idéologie fasciste a eu plusieurs théoriciens comme Mœller Van den Bruck. Le national-bolchevisme d’Ernst Niekisch est également idéologiquement proche du fascisme. À la même époque, les Freikorps, groupement paramilitaire d’anciens combattants de la Grande Guerre, représentent une force typiquement fasciste. Au début des années trente, ils sont absorbés par le mouvement nazi.

On retrouve les tenants de l’idéologie fasciste à la même époque en Espagne avec José Antonio Primo de Rivera, chef de la Phalange, qui rejoint le général Francisco Franco au début de la guerre d’Espagne ; au Portugal avec António de Oliveira Salazar, fondateur d’un régime à tendance corporatiste ; en Hongrie avec Gyula Gömbös, leader du mouvement fasciste des Croix fléchées ; en Belgique avec le rexisme de Léon Degrelle ; en Roumanie avec Corneliu Codreanu, chef de la Garde de fer, formation politique de première importance à la fin des années trente ; en Yougoslavie, avec les autonomistes croates dirigés par Ante Pavelić, fondateur du mouvement fasciste des oustachis et collaborateur des nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. Des mouvements fascisants ont aussi connu un certain succès dans les démocraties occidentales, sans toutefois accéder au pouvoir.

En Norvège, le fascisme a attiré quelques personnalités, comme Vidkun Quisling et l’écrivain Knut Hamsun. En Grande-Bretagne, l’Union britannique des fascistes dirigée par sir Oswald Mosley a connu un bref succès d’opinion. L’Amérique latine n’a pas été épargnée, et l’Action intégraliste brésilienne, le premier mouvement authentiquement fasciste dans cette région du monde, a été créée au Brésil à la même époque. Elle a apporté son soutien au président Getúlio Vargas qui, en 1937, instaure un « État nouveau « (Estado Novo) et s’engage dans de vastes réformes sociales qui lui valent le surnom de « père des pauvres «. En Asie, le régime impérial japonais des années trente, ultranationaliste et expansionniste, présente de nombreuses caractéristiques propres au fascisme.

En France, plusieurs organisations dont les Jeunesses patriotes de Pierre Taittinger, le francisme de Marcel Bucard, d’inspiration agrarienne, les Croix-de-Feu du colonel de La Rocque, ainsi que des personnalités du milieu intellectuel telles que Robert Brasillach (transfuge de l’Action française) ou Marcel Déat sont, de façon plus ou moins étroite, sympathisants ou proches du fascisme. En 1934, en conflit avec le Parti communiste, Jacques Doriot, membre du Comité central, fonde le Parti populaire français (PPF), exemple le plus représentatif du fascisme français, dont sont proches des intellectuels et des écrivains comme Drieu La Rochelle.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les régimes fascistes en place s’allient plus ou moins ouvertement avec l’Allemagne nazie. Plusieurs pays (Pays-Bas, Belgique, France) envoient des volontaires ou des troupes régulières (Roumanie, Espagne) pour aider la Wehrmacht à combattre l’Armée rouge.

4.2   Postérité du fascisme

La défaite de l’Allemagne et de l’Italie dans la Seconde Guerre mondiale discrédite le fascisme de manière fondamentale en Europe et le climat de reconquête économique de la période dissipe le mécontentement social qui avait contribué à alimenter le fascisme dans les années 1930. Juan Domingo Perón, élu président d’Argentine en 1946, met en place le seul nouveau pouvoir apparenté au fascisme de l’après-guerre. Reposant sur une base électorale populiste, il présente, toutefois, peu de points communs avec le fascisme européen d’avant-guerre.

En Europe occidentale, le néofascisme est apparu dans les années soixante-dix, s’exprimant alors essentiellement dans le cadre de groupuscules souvent paramilitaires qui exaltent un nationalisme teinté de xénophobie et prônent un retour à l’ordre général. Dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, le mouvement, se nourrissant de la désillusion à l’égard des partis politiques établis, s’institutionnalise avec la création de véritables partis. L’Alliance nationale (AN) italienne (l’ancien Mouvement social italien, MSI) est le plus puissant d’Europe. Comme en 1994, il participe aux côtés de Forza Italia et de la Ligue du Nord au gouvernement de Silvio Berlusconi formé en juin 2001. Son dirigeant, Gianfranco Fini, devient même vice-président du Conseil.

Le vide politique et idéologique qui a accompagné la désintégration de l’URSS et du bloc communiste a permis l’émergence de plusieurs partis néofascistes dans les anciens pays du pacte de Varsovie ; en Russie, le Parti libéral démocrate de Vladimir Jirinovski et l’Unité nationale russe d’Alexandre Barkachov, au discours ultranationaliste et xénophobe, rencontrent une certaine audience.

Si, de nos jours, le fascisme n’existe plus en tant que mode d’organisation d’un régime politique, les éléments de l’idéologie fasciste sont toujours présents dans un certain nombre de discours, plutôt sous la forme de références éparses, utilisées en fonction des contextes politiques nationaux, que comme corps de doctrine constituée.

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