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Faut-il craindre les lois ?

Publié le 08/02/2004

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La peur du châtiment est-elle le meilleur moyen d'inciter les hommes à vouer à la loi un respect authentique, et non seulement contraint et extérieur ? Faut-il même craindre la loi pour que celle-ci en sorte légitimée et renforcée ?On comprend tout l'enjeu du questionnement : la loi est-elle seulement une nécessité pratique pour la paix civile et une moralité au moins apparente et extérieure entre les hommes ? Ou bien doit-elle être fondée par un vrai respect, qui suppose qu'elle remplisse certaines conditions ? [I. Il est nécessaire que les hommes craignent la loi] Glaucon l'explique parfaitement à Thrasymaque et à Socrate au tout début du livre II de La République : un berger nommé Gygès déroba un jour, sur le cadavre d'un homme, un anneau d'or dont il apprit progressivement qu'il avait le pouvoir de le rendre invisible à ses congénères. Doté de cette force nouvelle et inattendue, Gygès séduisit alors la reine, tua le roi, et s'empara du trône. La morale de Glaucon est la suivante : « [...] nous ne trouverons aucun homme d'une trempe assez forte pour rester fidèle à la justice et résister à la tentation de s'emparer du bien d'autrui, alors qu'il pourrait impunément prendre au marché ce qu'il voudrait, entrer dans les maisons pour s'accoupler à qui lui plairait, tuer les uns, briser les fers des autres, en un mot être maître de tout faire, comme un dieu parmi les hommes ». Autrement dit, personne n'est juste par choix, mais par contrainte, par la peur de se faire prendre et d'être châtié (emprisonné, etc.

« [II.

Le garant le plus efficace de la loi est le respect et non la crainte] Fonder uniquement la loi sur la crainte est critiquable.

Car tout porte à penser (et c'est bien ce que montre la fable del'anneau de Gygès) que, dès que les hommes le pourront, ils l'enfreindront.

Si ce qui pousse certains automobilistes àrespecter les limitations de vitesse est uniquement la « peur du gendarme », alors, dès que le gendarme aura le dostourné, les excès reprendront.

En revanche, s'ils comprennent le bien-fondé d'une telle limitation (pour la vie d'autrui et laleur), alors, ils s'astreindront d'eux-mêmes à la respecter.

Ce respect ne sera plus une contrainte extérieure mais uneobligation intérieure.

Et la loi en sera renforcée.C'est donc ce respect que la loi doit rechercher, si elle entend se maintenir.

Mais comment le susciter ? Selon Kant, lerespect n'est pas la cause mais l'effet de la loi.

Il ne relève pas du plaisir ou de la peine, mais plutôt de l'admiration pourquelque chose qui nous dépasse et nous humilie.

Si l'homme se sent obligé, intérieurement, d'obéir à la loi morale (Agisuniquement comme tu voudrais que l'autre se comporte aussi avec toi, en suivant la seule raison), c'est parce qu'il encomprend le bien-fondé et sait que suivre cette loi, c'est manifester sa grandeur et sa dignité d'homme.Si jamais l'homme doit craindre la loi, c'est donc uniquement parce qu'en l'enfreignant, il donnerait de lui et aux autres uneimage dégradée de l'humanité.Mais comment la loi peut-elle être en elle-même respectable ? Kant explique qu'elle exprime la raison qui est commune àtous les hommes, qu'elle s'adresse donc à tous sans exception.

Rousseau nous aide à le comprendre, sur le plan politique cette fois.

Nul n'est en effet obligé intérieurement de respecter une loi qui lui sembleinjuste.

On peut tout au plus le contraindre extérieurement à ne pas désobéir.

Enrevanche, si tout homme vote la loi en pensant au bonheur de tous les autres (etréciproquement), alors, on sera assuré que la loi qui en résulte exprimera l'intérêtbien compris.

C'est ce que Rousseau nomme la « volonté générale », qui pose unprincipe simple : si la loi exprime bien le bien commun, alors, elle n'encourt aucunrisque d'être bafouée, et elle n'est pas crainte, mais aimée et protégée. ROUSSEAU : l'État, expression de la volonté générale Selon Rousseau, les hommes sont contraints de s'associer pour survivre.

Leproblème est de « trouver une forme d'association qui défende et protège de toutela force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacuns'unissant à tous, n'obéisse pourtant qu'à lui-même et reste aussi librequ'auparavant ».

Sa solution, c'est le contrat social.

Rousseau l'énonce ainsi : «Chacun de nous met en commun sa personne et toute sa puissance sous la suprêmedirection de la volonté générale, et nous recevons en corps chaque membre commepartie indivisible du tout.

» Par ce contrat chaque individu préserve doncintégralement sa liberté puisqu'il décide librement d'obéir à la volonté générale, etson égalité, puisque chacun participe également à cette volonté générale.

L'Étattrouve sa légitimité dans cette volonté générale dont il ne doit être que l'expression.Dès que l'État ne représente plus cette volonté générale, le contrat est rompu, et l'État devient illégitime. « Trouver une forme d'association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens dechaque associé et par laquelle chacun s'unissant à tous n'obéisse pourtant qu'à lui-même et reste aussi librequ'auparavant» (Rousseau) Le Contrat Social propose une solution à ce difficile problème : Le souverain c'est l'ensemble des membres de lasociété.

Chaque homme est donc à la fois législateur et sujet : il obéit à la loi qu'il a lui-même établie.

Cela supposel'existence d'une volonté générale distincte de la somme des volontés particulières.

Chaque homme a comme individuune volonté particulière qui le conduit à vouloir son intérêt particulier et qui en ce sens le conduit à s'opposer auxautres ; mais il a aussi comme citoyen une volonté générale qui lui fait vouloir le bien de l'ensemble dont il estmembre.

Il appartient à l'éducation de former cette volonté générale et Rousseau développera ce thème dans sonprojet de gouvernement pour la Pologne.

« C'est l'éducation qui doit donner aux âmes la force nationale et dirigertellement leurs opinions et leurs goûts qu'elles soient patriotes par inclination, par passion, par nécessité.

Un enfanten ouvrant les yeux doit voir la patrie et jusqu'à la mort ne doit plus voir qu'elle ».

Les personnages historiques deMoïse ou de Lycurgue sont des exemples de législateurs qui sont parvenus à former leur peuple.

Il est vrai que denos jours, on ne peut guère espérer rencontrer de tels hommes ; c'est pourquoi, à défaut d'unanimité, les loispourront ne traduire que la volonté de la majorité. [Conclusion] Il faut donc craindre la loi si, par crainte, on désigne le sentiment suscité par l'idée d'une valeur intrinsèque de la loi.

Alorson la craint au sens où on la respecte et où on la protège, de peur que quelqu'un ne s'avise de rompre ce qui nous semblele plus correspondre à l'expression du bien commun.

Mais si la loi se maintient uniquement par la crainte, alors on risquesoit le despotisme, soit (et les deux choses peuvent aller de pair) l'anarchie, comprise au sens de rejet absolu de touteforme de contrainte politique ou morale.. »

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