Devoir de Philosophie

Faut-il craindre le regard d'autrui ?

Publié le 31/01/2004

Extrait du document

Ici, pas de concept particulier; des mots d'usage courant. C'est la question elle-même qui est étrange. Pourquoi faudrait-il craindre le regard d'autrui ? Si vous évoquez votre expérience personnelle, vous trouverez des raisons empiriques (tirées de l'expérience) qui peuvent expliquer que l'on puisse parfois craindre le regard des autres sur soi-même. Le regard porté sur soi peut être gênant, soupçonneux, implorant, méprisant, arrogant, lubrique, etc. Autant de cas où le regard de l'autre me juge, me signifie ma nullité ou me renvoie à moi-même, à ma honte, à mes complexes. Et il faut, dans ce devoir, faire place à toutes ces expériences, pour s'appuyer sur elles. Le tout est de ne pas dresser un inventaire et de ne pas faire, en guise de dissertation, un catalogue d'exemples juxtaposés. Il faut passer de l'exemple concret au concept abstrait. Pour cela, essayez de considérer ce qu'il peut y avoir de commun et de différent entre plusieurs expériences (entre le mépris et la gêne, par exemple).

« y lire : « La conscience de soi est certaine de soi-même, seulement par la suppression de cet Autre qui se présenteà elle comme vie indépendante ; elle est désir.

» La conscience, dans son rapport immédiat avec elle-même, n'est que l'identité vide du Je = Je, une tautologie sanscontenu.

Toute conscience rencontre autrui, l'Autre, une autre conscience de soi.

Il n'y a, en fait, de véritableconscience de soi que moyennant le retour à soi à partir de cet « être-autre ».

Autrement dit, la conscience de soiserait impossible dans un monde où autrui n'existerait pas. Si la conscience est mouvement et retour à soi-même à partir de l'être autre, elle ne peut d'abord l'être que par lanégation de l'autre.

Autrement dit, la relation à autrui se présente d'emblée comme une affaire de conflit.

Le « moi »de l'enfant, par exemple, ne se forme-t-il pas en s'opposant au non-moi ? N'est-ce pas dans l'opposition à sesparents que l'enfant forge sa personnalité ? Toute conscience est désir de reconnaissance de soi et la satisfactionde ce désir ne peut advenir que moyennant la suppression de l'autre, en tant qu'être indépendant. Le premier mouvement du désir serait de détruire et de consommer l'objet.

mais, dans cette expérience, je découvreque mon désir est conditionné par cet objet et que je suis donc dépendant de cet objet que j'avais, pourtant nié : «Le désir et la certitude de soi atteinte dans la satisfaction du désir sont conditionnés par l'objet ; en effet lasatisfaction a lieu par la suppression de cet autre.

Pour que cette suppression soit, cet autre aussi doit être.

» Loin d'atteindre la satisfaction complète et définitive, je découvre que, la satisfaction obtenue, le désir renaît,marquant toujours davantage ma dépendance à l'égard de l'objet, de cet Autre que j'avais annihilé : « Laconscience de soi ne peut donc pas supprimer l'objet par son rapport négatif à lui ; par là elle le reproduit plutôtcomme elle reproduit le désir.

» Dans ce cercle infini et infernal du désir, c'est-à-dire de « ce retour alterné et monotone du désir et de sasatisfaction par laquelle le sujet retombe sans cesse en lui-même et sans supprimer la contradiction », la consciencedécouvre qu'elle ne peut se ressaisir que dans une autre conscience de soi.

La dialectique même du désir le conduità son propre dépassement : de la pure consommation de l'objet à l'intersubjectivité.

Le désir n'est plus seulementrapport égoïste de soi à soi, mais position de l'autre comme être indépendant et libre.

Je ne peux me reconnaîtreque si je reconnais l'autre et réciproquement : « L'opération est donc à double sens, non pas seulement en tantqu'elle est aussi bien une opération sur soi que sur l'autre, mais aussi en tant qu'elle est, dans son indivisibilité, aussibien l'opération de l'une des consciences de soi que de l'autre.

» Ce mouvement de la conscience de soi trouve une illustration dans la fameuse dialectique du Maître & de l'Esclave –dialectique qui peut se lire comme une reconstitution, sans caractère historique, du déroulement de l'histoire réelledes hommes. Le point de départ de cette dialectique, c'est que toute conscience est désir de reconnaissance, désir qui passed'abord par la négation de l'autre.

toute conscience poursuit la mort de l'autre, afin de se faire reconnaître et de sereconnaître elle-même au risque de sa propre vie, comme libre et indépendante de toute attache sensible : « C'estseulement par le risque de sa vie qu'on conserve la liberté, qu'on prouve que l'essence de la conscience de soi [...]n'est pas le mode immédiat dans lequel la conscience de soi surgit d'abord, n'est pas son enfoncement dansl'expansion de la vie.

» Autrement dit, il s'agit pour chaque conscience de se prouver qu'elle n'est pas de l'ordre de l'en-soi (mode del'existence des choses), pure immédiateté, mais qu'elle est seulement un pur être-pour-soi, une personne qui a unevaleur, une dignité : « L'individu qui n'a pas mis sa vie en jeu peut bien être reconnu comme personne, mais il n'apas atteint la vérité de cette reconnaissance comme reconnaissance d'une conscience de soi indépendante.

» A l'issue de cette lutte décisive pour la reconnaissance de soi, la conscience qui n'a pas eu peur de la mort, qui estallée jusqu'au bout dans le risque de la mort, prend la figure du Maître.

L'autre, qui a préféré la vie à la liberté, entredans le rapport de servitude.

L'Esclave n'est plus qu'un instrument aux mains du Maître qui l'a épargné.

Il a perdutoute dignité.

Mais, en travaillant, l'Esclave transforme le monde.

Il peut ainsi se reconnaître dans ce monde qui, parson travail transformateur, porte la marque de son intériorité.

Jouissant, de cette manière, de lui-même commed'une réalité extérieure, il accède alors à une certaine reconnaissance de soi et par là même à la dignité.

En outre,en transformant le monde, il crée quelque chose de stable et de durable en dehors de lui et se libère de l'angoissede la mort qui le liait au monde sensible et qui avait fait de lui un esclave.

En revanche, le Maître, se contentant deconsommer et de détruire les produits du travail de l'Esclave, affirme toujours davantage sa dépendance à l'égard dece dernier.

De plus, sa jouissance n'a aucune valeur de vérité, elle n'intéresse personne et ne lui permet donc pasd'accéder à la reconnaissance de soi. Certes, le Maître est reconnu par l'Esclave.

mais que vaut une telle reconnaissance, puisque l'Esclave n'est qu'unechose ? Quant à l'esclave, il lui suffit de se faire reconnaître par le Maître pour que s'établisse la reconnaissancemutuelle : « Ils se reconnaissent comme se reconnaissant mutuellement.

» La fin de cette dialectique marque la finde l'histoire, c'est-à-dire la fin des guerres, des luttes, des violences.

Hegel pensait que l'histoire prenait fin avec saphilosophie qui en avait découvert le sens...

Mais c'est une autre histoire ! On retiendra que toute conscience ne peut se poser qu'en s'opposant à ce qui n'est pas elle, mais que le conflit. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles