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Faut-il être insouciant ?

Publié le 27/02/2008

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Diogène Laërce, qui composa une oeuvre remarquable en anecdotes concernant les philosophes antiques (Vie, doctrines et sentences des philosophes illustres), dit de Diogène le cynique qu'un jour, ayant vu une souris « qui courait sans se soucier de trouver un gîte, sans crainte de l'obscurité, et sans aucun désir de tout ce qui est agréable », il décida de ne plus se soucier des affaires quotidiennes, afin de vivre en pleine auto suffisance. Dès lors, vivant sur les places publics, dormant, selon l'image, dans un tonneau (tel un chien ; cynique vient de cynos : chien), il ne se préoccupa que des besoins élémentaires, naturels, dont l'homme a besoin. Cet exemple nous montre que certaines préoccupations, et notamment toutes les activités et les désirs habituels des hommes, sont bien plus causes de souci que de tranquillité de l'âme. Par ailleurs, si l'insouciance, le fait de ne se soucier de rien, est étroitement liée à une certaine liberté du sujet devant soi et devant autrui, n'est-ce pas là l'indice paradoxal d'un souci plus profond, plus insigne ? Se soucier de ne pas se soucier, n'est-ce pas un abandon égoïste par rapport à l'autre, au prochain, mais aussi par rapport à soi (ou au Soi comme le propre de chacun, l'original !) en tant que chacun a à exprimer sa part essentielle d'individualité, en sortant d'une quotidienneté médiocre ?  

« b.

Le Dasein (l'homme) est le plus souvent sur le mode de l'absence à soi.

Heidegger identifie cet oubli de soi à une déchéance .

Cette déchéance est donc le fait d'une fuite du Dasein devant sa temporalité finie, ou sa mortalité.

Ouvert à ce qu'il est, le Dasein setrouve exposé au caractère inéluctable de sa propre mort.

Cette déchéanceentrave forcément la quête de l'être, l'ouverture du Dasein à son originarité.La fuite face à la question qu'est tout Dasein pour soi-même confirme ainsi laprimauté de la question de l'être.

De fait, il y va en chaque être humain, entout Dasein, de son être même, c'est-à-dire de son être possible, qui est enattente de décision (et l'absence de décision en est déjà une, à savoir une décision en faveur de l'inauthenticité).

Heidegger part donc du Dasein commed'un être qui est hanté par le souci de son être.

Et c'est la mort qui délimiteessentiellement l'être.

L'ouverture à soi du Dasein est donc une ouverture àsa propre mortalité.

C'est même la « certitude » la plus intime du Dasein.L'homme est là, certes, mais pour un temps seulement (idée qui résume letitre Être et temps ).

Le Dasein est donc bien un être vers la mort, modalité qui lui insuffle une angoisse mortelle, mais dont la prise en charge peut ouvrirle Dasein à son être-possible ou à des possibilités d'être qu'il étouffe tant qu'ils'en tient à des déterminations inauthentiques.

Toute la compréhension del'être du Dasein tient au souci.

Heidegger en débusquera l'indice le pluséloquent dans la tendance du Dasein à comprendre l'être de manière « a-temporelle », c'est-à-dire comme présence permanente.

Ainsi, pour le Dasein(par lequel passe toute compréhension d'être), l'être véritable est celui quiperdure, qui se maintient dans la présence (cf.

Parménide, les Idées dePlaton, l'être substantiel d'Aristote, le Dieu médiéval, et le sujet érigé en fondement absolu par les modernes).Heidegger se demande alors sur quoi repose cet insigne privilège de la permanence, sinon sur un refoulement de latemporalité du Dasein ? C'est ainsi que la compréhension de l'être à partir du temps trouve sa source dans le Daseinlui-même.

Et c'est la relation du Dasein à lui-même (à sa temporalité) qui dictera la compréhension de l'être engénéral et la question du sens de l'être.

Heidegger veut montrer que l'intelligence de l'être à partir de la présencepermanente repose sur un rapport inauthentique du Dasein à sa temporalité et à son être, c'est-à-dire sur unedéchéance et un refoulement dans sa temporalité la plus intime.

Etre et temps s'occupera donc d'entreprendre une Analytique ontologique du Dasein à partir de sa temporalité, qui devait être suivie d'une Destruction de l'histoire del'ontologie.

Le § 5 présente l'intention d'interpréter le Dasein selon la temporalité, savoir montrer en quoi toutes lesstructures du Dasein peuvent être comprises comme des modes de sa temporalité.

La thèse de Etre et temps estque la compréhension de l'être s'effectue toujours dans l'horizon du temps : « il faut montrer que ce à partir de quoile Dasein en général comprend et explicite silencieusement quelque chose comme l'être est le temps » (§ 5).Heidegger esquissera deux temps : le temps originaire et le temps vulgaire (conception courante, comme d'une sériecontinue de maintenants qui se répètent et se perpétuent à l'infini).

L'assise philosophique de cette conception dutemps « vulgaire » se trouverait, selon Heidegger, dans la Physique d'Aristote.

Ainsi la conception aristotélicienne dutemps comme « mesure » du mouvement ponctué d'instants présents aurait dominé toute l'histoire de l'ontologie.

Laconception par contre « originaire » du temps que Heidegger veut opposer à la temporalité vulgaire reste unetemporalité certes vague, mais qui prendrait plus au sérieux la finitude du Dasein.

Le temps ne serait plus àcomprendre comme une succession infinie du présent, mais à partir du futur mortel du Dasein.

On comprend alorspourquoi le temps vulgaire est dit dérivé : c'est pour échapper à sa finitude que le Dasein se rabat sur un tempsobjectivé qui se perpétue sans cesse, c'est-à-dire, finalement, sur un temps qui n'en est pas un.

Le temps vulgaireveut en effet comptabiliser le temps et en disposer.

Or le temps est très justement ce avec quoi on ne peut jamaiscompter, ce dont on ne dispose jamais.

Conclusion On comprend que le souci de soi est fondamental en l'homme, car l'insouciance elle-même rentre dans un cadrecorrespondant à un mode de vie préoccupée.

Rire des choses sérieuses ne nous empêche pas d'en avoir conscienceet de s'en soucier.

Ce rire est déjà lui-même souci.

D'autre part, il y va de la vie de l'homme que de resterinsouciant de tout.

Il s'expose ainsi à la mort s'il ne se soucie pas de sa subsistance, et c'est cette conservation desoi qui peut amener au souci de soi.

Voyez le « zek » (le « détenu » en russe) qui se soucie plus de sa ration depain que de sa liberté ! (A.

Soljenitsyne, Une journée d'Ivan Denissovitch ), car c'est le pain qui lui permet de survivre.

Tout comme le souci de l'autre détenu permet au groupe de maximiser ses chances de n'être pointdépourvu de vivres.

L'insouciance, on le voit au regard de ce type de situation (en l'occurrence ici le bagnestalinien), est l'effet d'une individualité, non d'une collectivité.

Egoïsme (individualisme ?) et solidarité ne s'opposent-ils pas à cause d'un tournant socio-politique (ultra libéral) qui fait de chacun un « objet » sans souci authentique,puisque son « soi » se perd sous tant de tentatives structurées à vouloir faire du moi un citoyen non révolté (ou,plus pervers, pseudo-révolté !) ?. »

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