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Fiche de lecture Christian Baudelot et Roger Establet Allez les filles ! Une révolution silencieuse

Publié le 01/11/2012

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Plan de la fiche : I Présentation rapide des auteurs II Enjeux de l’ouvrage III Synthèse IV Les méthodes sociologiques utilisées V Commentaires critiques, discussion I Présentation rapide des auteurs ♦ Christian Baudelot est un sociologue français né en 1936. Il a fait des études à l'École normale supérieure (1960-1964). Il a une agrégation de Lettres Classiques et un doctorat en sociologie. Il s’intéresse tout particulièrement à l'éducation et à la sociologie du travail. Il enseigne aujourd’hui la sociologie au département de sciences sociales de l'École normale supérieure (Ulm) et travaille comme chercheur au Centre Maurice-Halbwachs (CNRS/EHESS/ENS). ♦ Il a déjà publié plusieurs ouvrages en collaboration avec Roger Establet tels que le niveau monte et l’école capitaliste en France. Il a enseigné à l’ENSAE (Ecole nationale de la statistique et de l’administration économique) et a ainsi participé à la construction des bases théoriques de la statistique française. ♦ Ses premiers ouvrages s’inscrivent dans le paysage marxiste puis peu à peu l’idéologie marxiste disparaît pour laisser place à une sociologie plus Durkheimienne (exemple : Suicide. L'envers de notre monde). ♦ Roger Establet est un sociologue
français né en 1938. Il a fait ses études à l’ENS et a obtenu l’agrégation de philosophie. Il a participé au projet d’Althusser qui consistait en une lecture nouvelle du Capital de Marx. Il est spécialiste de la sociologie de l’éducation et enseigne aujourd’hui à l’université de Provence. II Enjeux de l’ouvrage       La thèse de l’ouvrage est annoncée clairement dès la première phrase de l’avant-propos : « Pour l’instruction des femmes le grand siècle c’est le vingtième siècle. « Les auteurs font le constat d’une progression spectaculaire et régulière des scolarités féminines : montée des effectifs féminins au lycée et dans le supérieur, augmentation des taux d’accès au baccalauréat. Ils mettent même en avant une supériorité féminine dans le domaine de l’éducation : moins de redoublements que les garçons à l’école primaire, moins de départ pour l’apprentissage au collège, plus nombreuses que les garçons au lycée et meilleurs résultats au baccalauréat, plus nombreuses à l’université. Ce mouvement social de grande ampleur est le signe d’un changement de mentalités et de la réduction des discriminations de sexe à l’école.       Mais cette vision optimiste est à nuancer car il existe une ombre au tableau : les progrès scolaires des filles ne se concrétisent pas forcément par des améliorations sur le marché du travail (inégalité de salaire, ségrégation de l’emploi) ou dans les familles (séparation des tâches ce qui laisse les tâches les plus quotidiennes et les plus astreignantes aux femmes). Même dans le
domaine scolaire il faut relativiser les progrès effectués car il y a une forte ségrégation de filières : les filières scientifiques restent « réservés « aux garçons.       Pour un même fait social on constate deux orientations contradictoires : progression des scolarités féminines MAIS persistance de ségrégations hommes-femmes. L’ouvrage va donc chercher à savoir si la progression des filles à l’école doit être considéré comme un fait social de grande ampleur capable de bouleverser les rapports entre les sexes dans la société ou juste comme un fait social à portée limitée qui se contenterait de repousser la barrière entre les sexes vers le haut (sur le marché de l’emploi par exemple). III Synthèse de l’ouvrage « Plus de bachelières que de bacheliers «       Les auteurs constatent la progression fulgurante du nombre total de bacheliers de 1900 à nos jours. En 1971 les filles devancent les garçons en décrochant plus de baccalauréats. L’augmentation du nombre de bachelières ne s’explique pas uniquement par des données démographiques et sociales mais également par leur « énergie scolaire « ce qui montre que les filles ont été les actrices de ce fait social. Cette énergie scolaire féminine se manifeste par d’avantage d’admissions au premier tour du baccalauréat et d’avantage de mentions que les garçons.       Les données statistiques concernant le baccalauréat 2000 (régressions linéaires et cartes) permettent de dégager quelques grandes tendances. En terme de taux d’accès au baccalauréat les filles progressent
dans toutes les séries mais les garçons progressent plus vite que les filles dans les filières scientifiques alors que les filles progressent plus vite que les garçons dans les filières littéraires. Enfin plus le taux d’accès augmente pour les filles moins elles sont nombreuses dans les baccalauréat professionnels et techniques.       Le baccalauréat est le témoin de l’amélioration rapide des scolarités féminines mais aussi des ségrégations qui se créent suivant les filières, les filles étant plus souvent reléguées dans les voies littéraires moins prometteuses. « La poussée des étudiantes, un phénomène mondial «       Le but de ce chapitre, pour les auteurs, est de montrer que la situation des étudiantes est globalement la même partout dans le monde. Cela va leur permettre de généraliser leur analyse de la France à tout le monde : « L’avantage de notre tour du monde, on pourra le faire en restant chez soi «.       La première corrélation positive observée à l’échelle mondiale concerne le niveau de richesse et le nombre d’étudiants. La deuxième relation indique que plus il y a d’étudiants plus il y a d’étudiantes. Enfin la diminution des écarts entre les taux d’accès féminin et masculin est liée au développement social. Dans les pays pauvres le taux d’accès des femmes à l’université est inférieur à celui des hommes alors que c’est l’inverse dans les pays riches.       Un autre fait marquant que l’on retrouve dans la grande majorité des pays est la dominance des femmes dans certaines filières
tandis que les hommes en monopolisent d’autres. Ainsi les formations des artistes, du personnel de santé, des enseignants, des littéraires sont l’apanage des femmes dans la plupart des pays. (Les sciences médicales, de la santé et de l’hygiène sont à dominance féminine dans 78 pays sur 91). « Mixité des structures, sexisme des mentalités «       Des études révèlent l’immobilité des idées, des comportements, des mentalités alors que les institutions (école) se sont transformées pour satisfaire des exigences de mixité, d’égalité hommes-femmes. Pour les deux auteurs, certains stéréotypes traditionnels persistent aujourd’hui. Ils définissent le stéréotype de sexe comme la manière dont « chaque garçon et chaque fille est contraint de construire son identité personnelle en prenant position par rapport à des attentes sociales traditionnellement propres à son sexe. «       Une enquête nantaise avec des lycées professionnels symbolise bien la persistance de stéréotype. On demandait aux élèves quelles étaient les qualités et les défauts des hommes et des femmes. Les qualités accordées aux garçons étaient « le goût du bricolage «, « la force «, « le courage « alors que celles accordées aux filles étaient « la beauté «, « la tendresse «, « la sensibilité «, « la compréhension «. On retrouve donc une opposition entre la guerre, la force et la production d’un côté et le foyer de l’autre.       En ce qui concerne le partage des tâches ménagères vu par des lycéens de terminale, certaines tâches sont considérées comme
pouvant   être partagées (courses, factures, vaisselle) alors que d’autres son considérées comme relevant du domaine exclusivement féminin (ménage et lessive) ou du domaine masculin (entretien de la voiture, bricolage). « Mathématiques, l’égalité des compétences «       Cette discipline occupe une place symbolique fondamentale dans l’univers scolaire car elle est souvent considérée comme celle qui permet de sélectionner les esprits les plus intelligents. Le fait de découvrir une capacité moindre des filles dans cette discipline permettrait de justifier une perpétuation du sexisme. C. Baudelot et R. Establet vont donc, en s’appuyant sur des études quantitatives, renverser une idée reçue, encore trop répandue, de l’infériorité des filles en mathématiques.       Ils se basent sur les évaluations organisées en CE2 et en sixième par la DEP (Direction de l’évaluation et de la prospective). Il en ressort différentes observations : _les filles s’en sortent mieux en français que ce soit en primaire ou au collège (écart net entre les résultats) _ l’écart de résultats pour les mathématiques est bien mois significatif. En CE2 les garçons ont l’avantage puis ce sont les filles en sixième puis de nouveau les garçons en troisième. _la variable de l’origine sociale est plus importante pour comprendre les écarts entre les résultats que celle du sexe, qui n’apparaît qu’en deuxième position. _Suivant les exercices demandés, l’un des deux sexes a de meilleurs résultats : les exercices qui demandent une maîtrise de la
vision en trois dimensions des figures spatiales réussissent mieux aux garçons et les exercices qui demandent une maîtrise efficace de la lecture de données –tableaux, statistiques- réussissent mieux aux filles. « Français, la suprématie précoce des filles «       Lorsque l’on observe les taux de réussite pour chaque exercice de français de ces mêmes évaluations de la DEP, la suprématie des filles est incontestable. En CE2 leur taux de réussite est supérieur 88 fois sur 88 exercices, en sixième 101 sur 107 et en troisième 86 fois sur 91. Comment expliquer ces écarts de taux de réussite ?       Certains exercices clivent car ils sont mieux réussis par les filles : ceux qui consistent à respecter des règles formelles (respect de la ponctuation, orthographe, conjugaison, faire les accords …).       D’autres exercices ne clivent pas c’est à dire qu’ils sont aussi bien réussis par les filles que par les garçons : ceux qui consistent à évaluer la compréhension et la communication du sens (comprendre un mot grâce au contexte, tirer des informations d’un tableau de données, distinguer les différents sens du mot saisir etc…)       Quelle est l’explication donnée par le sociologue ? Malgré la mixité à l’école, les filles et les garçons se constituent un « capital d’expériences, d’intérêts et d’orientations « différent. Autrement dit cette supériorité des filles n’est pas due à une différence de compétences innées mais plutôt à une différence de socialisation, d’orientations (les préceptes inculqués plus particulièrement
aux filles : attention aux autres, respect des règles établies). « Maths au lycée, égalité des compétences, divergence des orientations «       Un paradoxe apparaît au lycée alors que les élèves doivent choisir leur filière. Filles et garçons atteignent le même niveau en mathématiques et pourtant une proportion bien plus faible de filles que de garçons s’engage dans la voie scientifique comme s’il y avait une aversion des filles pour ces disciplines. Or la voie scientifique est le lieu de formation de l’élite scolaire. Cette situation montre le maintien des modèles traditionnels de sexe. On peut expliquer cette contradiction par trois points qui caractérisent le modèle traditionnel qu’on leur assigne:       _moindre intérêt pour ce qui touche à la science, au rationnel : elles sont moins nombreuses que les hommes à considérer les maths comme leur matière préférée (39 % contre 46 %) et sont encore moins à mettre la physique au premier plan (6%)       _ moindre intérêt pour la compétition : les garçons ont tendance à surestimer leurs compétences en mathématiques contrairement aux filles. La majorité des filles ayant des difficultés en maths disent ne pas aimer cette matière alors que les garçons sont plus nombreux à dire aimer les maths malgré leurs problèmes. La socialisation des garçons est différente et les pousse à aimer les maths pour être vraiment considéré comme un homme.       _moindre investissement strictement professionnel : les anticipations masculines et féminines de la vie professionnelle
sont différentes du fait des prévisions des rôles familiaux qu’ils vont devoir assumer conformément à leurs représentations. Ainsi les garçons considèrent comme essentiel de gagner de l’argent (pour subvenir aux besoins du foyer) alors que le souhait essentiel des filles est de trouver un emploi qui laisse du temps libre (anticipation de l’éducation des enfants). « Sexe et origine sociale : deux régimes distincts d’inégalités «       Les deux auteurs après avoir observé les inégalités scolaires dues au sexe veulent regarder le lien entre trois variables : origine sociale, sexe et scolarité. Ils font quelques constats :       _L’origine sociale est la première variable pour comprendre les inégalités scolaires, le sexe la deuxième.       _Les inégalités sociales chez les filles sont moins prégnantes que chez les garçons.       _ Plus l’origine sociale est élevée, plus l’écart de sexe au sein de cette catégorie sociale est faible.       _ Les filles ont l’avantage en ce qui concerne leur socialisation scolaire : dans l’éducation traditionnelle des filles on accorde le primat à la présentation : propreté, image extérieure, soin et rangement. Ainsi elle s’intègrent plus facilement au système scolaire : intériorisation des normes scolaires respect de leur statut d’élève, cahier bien tenu, rangement du casier etc..       _les garçons ont l’avantage en ce qui concerne la compétition scolaire : dans les jeux pratiqués par ceux-ci, ils doivent mettre leur fierté, leur ego, se transformer en héros
(lutte contre les autres). Ainsi ils sont moins intégrés que les filles au cadre scolaire (anti-scolaire, bruyants) mais cela leur permet de prendre plus de distance avec les notes, de garder confiance en eux et de se surestimer, ce qui est très utile pour la décision du passage en S par exemple. « Enseignement professionnel «       Les auteurs tentent ensuite de relever les différences entre lycée professionnel et lycée général. Les élèves ont une conception plus traditionnelle de la vie domestique (l’homme est le pourvoyeur, le producteur, la femme s’occupe prioritairement de sa famille). Pourtant plus on va vers les BEP les opinions traditionnelles se rapprochent de celles des lycées généraux. Or la réussite scolaire généralisée des femmes permet à ces dernières d’accéder aux sections BEP en plus grand nombre que les hommes. « L’école en avance sur la famille et l’entreprise «       Le but des auteurs est ici de déterminer d’où vient la progression des scolarités féminines d’une part et comment elle est accueillie par la société d’autre part.       Certaines variables qu’implique le développement économique aident à la progression de la scolarité et de l’emploi féminin. L’urbanisation a entraîné la quasi-disparition de la famille productive autosuffisante (production de ses aliments, vêtements). L’électroménager a réduit les tâches domestiques ce qui a diminué le travail domestique et permis à la femme de rentrer sur le marché du travail. La mécanisation a transformé les emplois au profit des
femmes puisque la force physique requise pour ces emplois d’ordinaire masculins a diminué. La tertiarisation des sociétés a également créé de nouveaux emplois accessibles aux femmes.       La progression des emplois et de la scolarité féminine ne se traduit pas nécessairement par une égalité des sexes dans l’entreprise et la famille. Il existe une ségrégation du marché du travail entre emplois purement masculins (industrie) et des emplois purement féminins (secteur non marchand, tertiaire). Malgré les progrès de la technique dans la sphère privée, le travail domestique perdure et la répartition des tâches entre les sexes n’a pas beaucoup changé (dans 84% des cas la cuisine est faite par la femme, dans 90 % des cas le lavage du linge est effectué par les femmes). Enfin à qualification égale et dans tous les secteurs le salaire féminin est toujours inférieur au salaire masculin. Donc l’essor des scolarités féminines ne s’est pas répercuté totalement dans la sphère familiale et professionnelle. « Ecole famille et profession quel arbitrage «       En fin d’ouvrage, C. Baudelot et R.Establet font la synthèse des rapprochements qui se sont produits entre les sexes : la médecine s’est ouverte aux femmes, la vie professionnelle est maintenant une valeur pour les deux sexes, la présentation de soi est semblable entre hommes et femmes (jeans pour les femmes, hommes qui prennent soin de leur apparence), l’éducation des enfants est un domaine de plus en plus partagé.       Puis ils donnent les domaines dans lesquels
filles et garçons restent fidèles aux comportements qu’on leur a inculqués. Dans le domaine des loisirs, le sport et la compétition qui l’accompagne est plutôt pratiqué par les hommes alors que les femmes préfèrent le domaine de l’intime (loisirs intérieurs, lecture de romans). Le taux de suicide reste bien supérieur pour les hommes que pour les femmes malgré l’emploi plus important des femmes. L’automobile met en évidence les différences entre deux modes de conduites. Les hommes s’en sortent mieux dans les manoeuvres en ville car ils conduisent depuis plus longtemps mais ils conduisent plus vite, récoltent plus de contraventions et provoquent plus d’accidents que les femmes.       Enfin ils tentent de prévoir les scénarios envisageables dans l’avenir (après 1992). La progression scolaire des filles ne s’arrêtera pas mais la crainte des sociologues se porte sur les changements de la société civile qu’implique cet essor scolaire : changement dans la famille et dans l’entreprise. Pour la famille ils préconisent une politique de l’enfance (investissement dans le capital humain) tandis que pour l’entreprise la priorité est, selon eux, à une modification structurelle des rapports de travail (pénibilité, horaires, modèles hiérarchiques). IV Les méthodes sociologiques utilisées       Il convient tout d’abord de préciser la méthode générale utilisée par les sociologues. L’ouvrage s’articule sur une méthode quantitative dans le sens où il s’appuie sur des études chiffrées comme celle de la DEP (direction
de l’évaluation et de la prospective de l’éducation nationale p.95) qui mesure les connaissances acquises en CE2 puis en 6ème. Ils tentent de découvrir de grandes tendances à partir de données. Par exemple ils étudient les données de l’UNESCO pour évaluer le nombre de personnes accédant aux études supérieures.       Les auteurs ont souvent recours à des graphiques, des tableaux, des digrammes en barres, des schémas, des régressions linéaires pour appuyer leurs travaux sur des outils statistiques. Donnons quelques exemples. Le graphique page 248 montre l’évolution globale du taux de féminisation du corps médical entre 1980 et 2005. Avec une croissance régulière et constante, le taux de féminisation est passé de 20% à 40 % en 2005. Ce graphique rend donc bien visible l’insertion des femmes dans un secteur d’emploi jusqu’alors réservé aux hommes. Le tableau à double entrée page 148 présente la proportion de filles et de garçons qui déclarent que les maths ou la physique sont leur matière préférée selon leur niveau en maths. On observe premièrement que, plus le niveau en maths est élevé plus l’élève fille ou garçon se déclarera aimer les maths. Ce goût pour les maths chez les garçons de bon niveau se reporte sur la physique alors que ce n’est pas le cas chez les filles qui peuvent aimer les maths sans aimer la physique. Ce constat permet aux auteurs de donner une explication aux divergences d’orientations pour les filles et les garçons à partir de la seconde. Les filles même lorsqu’elles aiment les maths ne
s’intéressent peu à la connaissance rationnelle de la nature (exemple la physique) ce qui les pousse à s’éloigner des filières scientifiques. Le diagramme en barre page 152 montre la proportion d’élèves (filles puis garçons) envisageant de faire une première S selon leur niveau réel et le niveau qu’ils estiment avoir. La tendance la plus évidente est que les garçons ont plus confiance en leurs capacités. Parmi les élèves réellement bons, 90 % des garçons se considèrent bons alors que ce n’est le cas seulement pour 55% des filles. La régression linéaire page 37 montre l’évolution de l’accès des filles et des garçons au bac L en 2000 en fonction du pourcentage de bac généraux et ce pour différentes villes françaises. On obtient ainsi deux nuages de points, un pour les filles et un pour les garçons. Les droites obtenues à partir des points montrent que le taux d’accès au bac L est bien plus élevé pour les filles et que son évolution croissante est soutenue à l’inverse des garçons. Les filles se dirigent donc bien plus massivement que les garçons vers les baccalauréats L.       Ces données, quelle que soit la manière de les présenter, permettent au lecteur de suivre la démarche d’analyse du sociologue et parfois même de tirer ses propres conclusions. De plus la présentation des données en tableau ou en graphique permet de donner au lecteur une vision d’ensemble du phénomène, ce qui est justement l’objectif de la sociologie du moins la sociologie durkheimienne : mettre en évidence des régularités sociales. Or
Christian Baudelot s’inscrit souvent dans une sociologie Durkheimienne comme en témoigne la réflexion, dans le dernier chapitre, sur le taux de suicide. Celui-ci reste plus élevé chez les hommes. L’attachement à la sociologie Durkheimienne se laisse également observer par la référence à Durkheim à la page 168 pour rappeler les fonctions que Durkheim rattache à l’école.       Mais si globalement la méthode est quantitative, des études plus qualitatives sont cependant présentes dans la démarche des deux sociologues. Ces études « qualitatives « sont plus pertinentes pour percevoir des changements plus diffus comme les représentations, les conceptions, les mentalités des individus. Ainsi les auteurs reprennent une étude de G. Felouzis dans Filles et garçons au collège : comportements, dispositions et réussite scolaire en sixième et cinquième où l’on demande à des élèves d’écrire un texte dans lequel ils expriment ce que serait l’école qui leur plairait le plus. Le lecteur peut donc lire quelques un de ces textes pour se rendre compte de la différence de conception entre filles et garçons. Il ne s’agit là pas d’une étude qui permet de mesurer quantitativement les représentations des collégiens mais d’une étude qui permet de dégager qualitativement les grandes tendances dans les différences de mentalités des filles et des garçons. C’est une méthode qualitative en tant qu’elle consiste à analyser les discours de collégiens vis-à-vis de l’école. Ainsi les auteurs remarquent souvent chez les garçons des conceptions
anti-scolaires, des descriptions où l’on tourne en dérision l’école alors que chez les filles les descriptions sont plus réalistes, elles proposent des améliorations concrètes pour l’école (plus d’arbres, plus de fenêtres, de bons aliments à la cantine etc…). Une autre étude plus analytique et descriptive que quantitative est mise à profit par C. Baudelot et R.Establet : celle réalisée en 1989-1990 par 40 étudiants en DEUG de sociologie à l’université de Nantes. On demande alors à des lycéens s’ils aiment beaucoup, bien, peu ou pas du tout les maths et pourquoi. Les réponses concernant le goût pour les maths donnent des résultats chiffrés. En revanche l’explication fournie par les élèves donnent lieu à des analyses plus qualitatives. On en conclut que les filles s’expriment en privilégiant la subjectivité et l’affectivité (« j’aime parce que cela m’apporte «) alors que les garçons montrent une certaine objectivité et une distanciation par rapport á la discipline (« j’aime car c’est une matière logique et précise «).       Ensuite, les auteurs privilégient une analyse méso-sociologique puisqu’ils se concentrent sur les relations qu’entretiennent les individus avec une institution : l’école, l’entreprise ou la famille.       Les auteurs adoptent une démarche inductive dans la plupart des cas puisqu’ils partent de l’observation des données recensées dans des cartes de la France par régions, des graphiques, des tableaux pour en tirer de grandes tendances. Le but est ensuite d’expliquer la raison de ces
tendances pour établir une conclusion, voire une théorie. L’analyse du bac 2000 au premier chapitre en est un bel exemple : les auteurs observent les résultats au baccalauréat puis en tirent les principales tendances. Ils remarquent notamment la surreprésentation des filles dans les filières littéraires et la surreprésentation des hommes dans les filières scientifiques. Ils expliquent dans, les chapitres suivants, les raisons des tendances observées en montrant la persistance des représentations et stéréotypes traditionnels. Le schéma de l’analyse est donc le suivant : observation / dégagement de grandes tendances   / hypothèses pouvant expliquer ces tendances / théorie, conclusion.       Enfin, les auteurs nous confient leur réflexion quant à la démarche sociologique qu’ils utilisent.       Ainsi à la page 22 ils expliquent l’utilisation du raisonnement toutes choses égales par ailleurs. La croissance des scolarités féminines peut être biaisée par l’augmentation de la population ou par l’augmentation des établissements secondaires. Par le raisonnement toutes choses étant égales par ailleurs, les auteurs en concluent que l’augmentation des scolarités féminines n’est pas due uniquement à des facteurs démographiques et sociaux mais aussi à la propre « énergie scolaire « des filles. En effet 90 400 diplômes ont été obtenus grâce aux évolutions sociales mais il reste 21 200 diplômes qui ne peuvent être expliqués par ces données et qui sont donc par conséquent les résultats de l’énergie scolaire des filles.
      Au deuxième chapitre ils nous expliquent la raison d’une analyse centrée sur la France. Ils cherchent les grandes tendances concernant le système scolaire au niveau international. Même si bien sûr des nuances entre les pays sont visibles, les auteurs concluent sur l’absence d’un système scolaire particulièrement original sur les rapports hommes/femmes et sur une « monotonie « des systèmes scolaires. Le tour du monde effectué au chapitre 2 leur prouve qu’il n’y a pas de grandes différences entre les pays, ce qui leur permet de justifier une analyse strictement française. Ils partent du principe que cette analyse sera facilement généralisable. C’est ce qu’ils expriment avec cette formulation de phrase : « l’avantage de notre tour du monde, on pourra le faire en restant chez soi. «       Parfois ils vont jusqu’à nous donner des méthodes pour ne pas se laisser tromper par des chiffres. Les auteurs constatent des résultats supérieurs pour les garçons aux épreuves de mathématiques de la DEP en 3ème. Mais nous disent-ils cela ne correspond pas à une baisse de niveau des filles. En effet, en 3ème, une partie des élèves, garçons pour la plupart, ont été réorientés vers la filière professionnelle. Donc les garçons de 3ème sont le résultat d’une sélection (les meilleurs en mathématiques sont restés) contrairement aux filles. Cette situation peut expliquer les écarts de niveau entre filles et garçons. IV Commentaire, critiques, discussions       Premièrement, on pourrait s’interroger sur la pertinence des
études utilisées dans cet ouvrage par C. Baudelot et R. Establet. Expliquons. L’expérience de Georges Felouzis réalisée dans la région d’Aix Marseille consistait à proposer aux élèves une série d’adjectifs qu’il fallait associer soit aux hommes soit aux femmes. Les auteurs en concluent une persistance des stéréotypes de sexe. Or le simple acte du sociologue de sélectionner certains adjectifs plutôt que d’autres laisse peu de liberté de choix aux élèves. La question est de savoir si instinctivement et individuellement les élèves auraient choisi les adjectifs « faible, charmeuse, caressante « pour les filles ou si le sociologue en choisissant ces adjectifs qui renvoient aux stéréotypes incite les élèves à rester dans les conceptions traditionnelles de sexe.       Deuxièmement, une question essentielle doit se poser, à savoir : Les femmes subissent-elles la ségrégation des filières et de l’emploi et les stéréotypes traditionnels où sont-elles tout de même actrices dans l’orientation de leurs études et de leur carrière professionnelle ? C'est-à-dire, les femmes ne regardent-elles pas leur propre intérêt en préférant une filière plutôt qu’une autre ? La thèse des auteurs est plutôt de dire que la socialisation, l’éducation, la société construisent les représentations féminines incitant ainsi les filles en seconde à choisir plutôt la voie littéraire que scientifique. Mais est-ce à dire que les filles ne sont pas libres de choisir, qu’elles sont conditionnées par la société ou ne font-elles parfois qu’exprimer un
goût pour telle ou telle matière ? En effet, une des grandes questions qui émerge à la lecture de ce livre est de savoir si le goût des femmes pour telle ou telle filière est librement consenti ou s’il n’est que le reflet de ce que la société souhaite imposer aux femmes. Les auteurs penchent plutôt pour cette deuxième proposition. Ils expliquent à juste titre que les filières purement scientifiques (première scientifique, prépas scientifiques, écoles d’ingénieurs) se caractérisent par une plus grande compétition, ce qui incite les femmes à éviter ces filières pourtant porteuses de pouvoir, d’argent et de responsabilités. La raison invoquée est que, dans leur éducation, les jeux pratiqués, les valeurs inculquées ne les entraînent pas à la compétition. Le « progrès « pour les auteurs semble être dans l’entrée massive des filles dans les filières scientifiques et compétitives. Mais les femmes préfèrent peut être les filières des relations humaines (éducation, santé) car elles correspondent mieux aux objectifs qu’elles se sont fixées ou à un calcul rationnel : « la compétition ne me convient pas, je serai plus épanouie dans un métier où je me sens utile et au service des autres. « Tout ceci n’est que supposition mais permet d’ouvrir la lecture que nous proposent C. Baudelot et R. Establet vers d’autres horizons qui ressemblent étrangement à une vieille opposition entre lecture holiste ou individualiste, entre une vision déterministe ou une vision qui laisse à l’individu le choix et la possibilité des raisonnements.

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