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LA FONTAINE, Le Savetier et le Financier (Fables, VIII, 2)

Publié le 09/10/2010

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fontaine

 

INTRODUCTION:

 

     Jean   de   La   Fontaine   (1621-1695)   est   un   des   écrivains   majeurs   du   Classicisme.

 

     En 1668, il publie un premier recueil de 124 Fables, en VI livres, qui obtient immédiatement un succès considérable. Ce recueil s'inspire du genre antique de l'apologue, qui vise à instruire le public en le distrayant.

 

     La fable intitulée Le Savetier et le Financier (inspirée notamment du poète latin Horace) • appartient au deuxième recueil (qui comprend les livres VII à XI), édité en 1678-1679. Ce deuxième recueil se caractérise par une plus grande diversité dans l'inspiration, un travail plus complexe de la forme, une place plus grande accordée à la confidence personnelle du poète.

 

     Cette fable, constituée d'une seule longue strophe de 49 vers, relate les mésaventures d'un joyeux savetier auquel la possession d'argent enlève soudain toute sa sérénité.

 

     Notre lecture analytique étudiera comment La Fontaine, à travers ce personnage, propose sa conception du bonheur.

 

     I - La Fontaine construit un portrait élogieux du Savetier, qu'il met en évidence par un contraste avec le Financier:

 

     1) le fabuliste met en scène la joie de vivre, par antithèse avec un caractère aigri

 

     a- il multiplie les indices montrant la bonne humeur du savetier:

 

      cf. le lexique de la musique ("chantait", "ouïr", "des passages"), suggérant la gaieté

 

     cf. les hyperboles qui expriment la félicité du savetier: "merveilles" (répété), et la référence mythologique du v.4 (dans une comparaison disproportionnée) cf. la caractérisation dessinant un bon vivant: "rieur", "gaillard" (v.17-18)

 

     cf. aussi le nom "naïveté" (v.30), traduisant son naturel, sa franchise

 

     b - tout cela ressort par contraste avec le tempérament sombre du financier:

 

     Au v.5, la locution "au contraire" nous prépare à un contraste entre les deux protagonistes. La F. suggère en effet une existence triste chez le financier

 

     cf.   La gradation du v.6 entre deux plaisirs qu'ignoré le financier ("chantait peu, dormait moins encore"); notons de même l'adverbe "parfois", au v.8.

 

     cf.   Le court v.7 (octosyllabe), qui précise le métier de ce personnage (comme explication de ses insomnies)

 

     2) il dépeint une vie modeste, voire précaire, qu’il oppose à la puissance de l'argent.

 

     a- le savetier se caractérise par une relative pauvreté:

 

      cf. les négations des v.18 et 19

 

     cf. l'expression imagée ("j'attrape...") du v.21, soulignée par l'enjambement

 

     cf. la formulation généralisante du v.22, révélant un individu vivant au jour le jour

 

     cf. l'explication qu'il donne à partir du v.24, qui comporte une satire légère de l'Eglise

 

     = il peint donc un personnage sympathique par sa simplicité et sa capacité à se satisfaire de peu

 

     (cf. le verbe "il suffit...", v.20)

 

     b - par antithèse avec la fortune et l'autorité du financier:

 

     cf. la métaphore expressive et amusante ("tout cousu d'or") pour traduire la richesse

 

     cf.  le lexique de l'argent: "homme de finance" (v.7), "fait vendre" (il aimerait que tout s'achète ! v.12), la question répétée avec insistance "que gagnez-vous?" (v.16 et 23), "mettre...sur le trône" (=rendre aussi riche qu'un roi, v.31), et "cent écus" (v.32)

 

     A cette idée de l'aisance matérielle, La F. associe l'idée de l'autorité de celui auquel rien, habituellement, ne résiste:

 

     cf. le ton flatteur et habile, au v.15 ("sire Grégoire...", titre déplacé ici)

 

     cf. la question pressante (v.16 et 23), voire agacée (cf. "eh bien!")

 

     cf. la formulation d'ordres, à l'impératif ("prenez...gardez...", au v.32), qu'accompagné l'emploi de "je veux" (v.31)

 

     Tr : La Fontaine met donc face à face deux personnages à la dimension symbolique qui deviennent les acteurs d’une scène pleine de vie.

 

     II - Le fabuliste les met en scène dans une comédie savoureuse:

 

     1) il exploite la vivacité du dialogue, rapporté en style direct (comme au théâtre).

 

     - dans la longue séquence centrale de la fable (vers 15 à 33), qui mène au don d'argent impressionnant (et intéressé !) effectué par le financier

 

     - et à un autre moment-clé du récit, dans sa clôture (v.48-49), qui offre un dénouement frappant

 

     2) // crée un renversement saisissant chez le savetier, puisqu'on assiste, du v.34 au v.46, à sa totale métamorphose. L'homme tranquille laisse en effet la place à un être de plus en plus tourmenté:

 

     - on souligne d'abord sa stupéfaction: cf. les hyperboles "tout l'argent" (v.34) et "plus de cent ans" (v.35)

 

     - puis le souci apparaît, avec un sentiment d'urgence que suggèrent les présents de narration ("il retourne...il enserre...") et l'enjambement du v.37 sur le v.38, qui crée une accélération

 

     - dès lors, La Fontaine souligne la disparition de sa gaieté, en associant étroitement cela à la possession de l'argent (v.38):

 

     cf. les verbes négatifs: "perdit", "quitta"

 

     cf. la périphrase "ce qui cause nos peines" (= l'argent) au v. 40

 

     - il le dépeint malheureux:

 

     cf. l'abondant lexique de l'inquiétude, qu'il énumère avec un effet de gradation ("soucis…soupçons...alarmes vaines"), dans une phrase construite sur un enjambement; l'inquiétude est sensible aussi dans "l'oeil au guet"

 

     cf. l'hyperbole "tout le jour... la nuit": sa sérénité a totalement disparu, ses angoisses l'obsèdent, constantes (cf. l'imparfait avec sa valeur de répétition)

 

     Ces angoisses sont même infondées: cf. "vaines" (= sans raison), et le travail de son imagination, à propos du chat, au v.46

 

     = ainsi, La Fontaine modifie totalement l'image qu'offrait le savetier, en soulignant son caractère maintenant pathétique ("le pauvre homme") plus rien ne le distingue donc du financier soucieux qu'on décrivait initialement !

 

     3) et il propose un dénouement qui renverse à nouveau la situation.

 

     La dernière phrase offre une « chute « suggérant l’urgence que le savetier éprouve à se débarrasser de cet argent qui le tourmente: cf. le verbe de mouvement expressif « s’en courut « et la brièveté (symbolique) du dernier vers (un octosyllabe)

 

     Les deux derniers vers, en discours direct, expriment clairement le refus catégorique du savetier: cf. les impératifs « rendez-moi « et « reprenez «; il refuse la fortune et lui préfère les plaisirs simples de l’existence (la musique, le sommeil)

 

     TR : Si La Fontaine compose ainsi une anecdote distrayante, c’est pour nous faire méditer sur les conditions du bonheur.

 

     III - Mais la fable constitue un apologue qui offre, au-delà du récit, une leçon sur le bonheur:

 

     1) La Fontaine s’interroge sur les rapports entre les biens matériels et le bonheur. C’est la problématique qu’aborde la fable.

 

     Elle mêle en effet deux thèmes: la tranquillité de l’existence (le chant, le repos) et la question de l’argent (cf. ces deux lexiques, qui parcourent la fable)

 

     2) et nous délivre un enseignement implicite:

 

     Aucune morale n’est ici formulée par l’auteur

 

     La fable est en effet constituée uniquement d’une strophe narrative:

 

     cf. les indices du récit: emploi des temps du passé (ex: « chantait «) et du présent de narration (ex: « fait venir «, « il retourne «); mise en scène de personnages précis, placés dans un contexte; récit d’un épisode qui se déroule dans le temps et aboutit à un dénouement; et présence d’un dialogue Au lecteur, donc, d’interpréter l’anecdote, d’en déduire son sens général

 

     3) cet enseignement, c’est une recette de bonheur simple.

 

     a- La Fontaine montre que le bonheur et la possession de biens matériels ne sont pas liés, en révélant un paradoxe frappant chez chacun des deux personnages: la situation matérielle contredit à chaque fois l’état d’âme du personnage, puisque le savetier éprouve une belle joie de vivre, malgré sa pauvreté, tandis que le financier est d’humeur sombre, malgré sa fortune.

 

     b- il prône donc une existence modeste, faite de plaisirs immédiats et accessibles à tous; à travers le personnage du savetier (personnage le plus sympathique...) et du choix qu’il opère finalement (cf. les v.48-49), l’auteur exprime un mépris de la fortune et un refus des tracas qui vont avec. Rien ne vaut la sérénité. = un art de vivre fidèle à la philosophie épicurienne

 

     NB: L’EPICURISME est une doctrine datant de l’Antiquité grecque fondée sur l’idée que tout, dans l’univers, n’est que matière; aucune « âme « n’existe donc en l’homme, ainsi rien en lui ne survit après sa mort qui puisse éprouver des joies ou des tourments; l’homme doit par conséquent jouir des plaisirs naturels durant le temps de son existence

 

     Eléments de CONCLUSION :

 

     Synthèse répondant a la problématique

 

     Création d’un apologue qui réussit à plaire et à instruire

 

     Leçon  de vie = épicurien

 

     Ouverture : Le songe d’un habitant du Mongol (forme originale)

 

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