Devoir de Philosophie

Francis Ponge, Le parti Pris des choses (1942) : « Le pain »

Publié le 23/07/2012

Extrait du document

ponge

En effet, la manière dont est décrit le processus de fabrication de la croûte est étrange : « four stellaire « pourrait éventuellement être une métaphore pour le Big Bang ou la Création, mais pas pour le four, qui est le comparé de la métaphore. Pour décrire la production du pain, Ponge compare en effet le four à un four stellaire. Il y a un aller-retour métaphorique : il compare le four humain à l’outil divin, le four cosmique ou stellaire, qui lui-même ne peut être appréhendé que par métaphore avec l’artisanat humain. Autrement dit : il rend l’artisanat humain à l’artisanat humain et fait l'économie de Dieu. D'où le passif déjà noté sans complément d'agent.

ponge

« la lumière avec application couche ses feux… ».

Le pain (produit de fabrication humaine) est comparé à la montagne (issue de Dieu, si jamais elle est créée parquelqu'un) mais la montagne est immédiatement décrite à l'aide d'un champ lexical de la fabrication humaine : aller-retour entre l'artisanat humain et l'artisanat divinque l'on retrouve symptomatiquement dans la métaphore du « four stellaire ». B) Une cosmogonie athée En effet, la manière dont est décrit le processus de fabrication de la croûte est étrange : « four stellaire » pourrait éventuellement être une métaphore pour le Big Bangou la Création, mais pas pour le four, qui est le comparé de la métaphore.

Pour décrire la production du pain, Ponge compare en effet le four à un four stellaire.

Il y aun aller-retour métaphorique : il compare le four humain à l'outil divin, le four cosmique ou stellaire, qui lui-même ne peut être appréhendé que par métaphore avecl'artisanat humain.

Autrement dit : il rend l'artisanat humain à l'artisanat humain et fait l'économie de Dieu.

D'où le passif déjà noté sans complément d'agent. Comme dans d'autres pièces du recueil – notamment L'huître – la description commence par retrouver le monde dans le pain, par une espèce de mise en équivalencecosmique de l'extérieur (les montagnes) et de l'intérieur (la maison du poète), ce qui se présente en terme de choses sous l'oeil du poète pouvant donner lieu à desdéveloppements sur les plus grands objets du monde.

Cette mise en équivalence poétique est le ressort qui permet à Ponge de faire de ses petites pièces descriptivesles morceaux d'une « ontologie fictive » comme si chaque chose mimait – présentait sous l'aspect de la fiction – l'être.

Comme si l'objet de Ponge était en fait l'Être,ou l'Univers, qu'il essayait d'atteindre par métonymies successives (la pluie, l'huître, le pain...) « Stellaire » est aussi, d'après le Littré, à l'aide duquel Ponge écrivait ses textes, un terme de botanique : n'est-ce pas pour cela qu'il embraye, avec la description de lamie, sur les fleurs ?C) Botanique de la mie Or, la mie, contrairement à la croûte, est molle.

Le contraste est accusé par l'expression : « sans un regard pour la mollesse ignoble sous-jacente ».

Ignoble signifie cequi n'est pas noble – mais aussi ce qui est monstrueux – ce qui est informe, que l'on ne peut pas regarder.

D'où le « sans un regard ». On reprend le thème de la surface pour le dépasser.

Pour « sous-jacent », le Littré dit : « Terme de géologie.

Roches sous-jacentes, nom donné aux granits, à cause deleur situation, par comparaison aux roches volcaniques dites sur-jacentes.

» Le paradoxe ici, c'est que c'est la mollesse qui est sous-jacente, alors que normalement cesont les roches. Ponge reste dans un cadre cosmologique, mais en faisant du pain une image renversée de la Terre : le mou à l'intérieur et le dur à l'extérieur.

C'est ainsi que labotanique est à l'intérieur de la croûte.

Isotopie botanique : « fleurs », « éponges » (Littré : « Terme de botanique.

Éponge d'églantier, protubérance des rosiersvulgairement nommée bédégar.

»), « feuilles ».

Mais là encore, c'est pour redonner aux hommes (les fleurs sont « siamoises » et ont des « coudes ») et à leur artisanat(la végétation est un « tissu ») le terme final de la comparaison.

Le parti pris des choses ne cache-t-il pas un parti pris des hommes ? (Noter que Ponge projetaitL'homme – cf.

Prôemes) Le parti-pris des hommes, surtout en tant qu'ils sont créateurs. III.

Le parti pris des créateurs C'est ainsi que ce poème, qui prend prétexte du pain, est avant tout un poème sur la création poétique – même une leçon de poésie. A) Cratylisme de Ponge Le texte est un manifeste, dans lequel on retrouve tous les éléments de la poétique pongienne : une apparence de poésie didactique (d'abord, donc, mais, car…) en faitironique car rongé par les jeux de mots.

Par exemple « d'abord » : elle est merveilleuse en un premier lieu ; mais aussi elle est merveilleuse à aborder.

Ce sont cessyllepses qui sont la plupart du temps responsables des distorsions syntaxiques de Ponge.

C'est l'objeu. Plus profondément, il y a un parti-pris linguistique chez Ponge, que l'on peut nommer le cratylisme – du nom du dialogue de Platon : les mots ressemblent aux choses.Ainsi, par exemple :* Les montagnes : Le choix de ces montagnes peut aussi s'expliquer par la graphie : on peut penser que « Alpes » et « Andes » sont de bons noms de montagne àcause de leur grand « A » qui mime la montagne, et derechef la croûte du pain.* « sous-sol » reprend « mollesse », « elle », « vallées », « stellaire », etc.

« masse », « rétrecissent » qui viennent mimer le caractère siamois* Les « … » miment la phrase friable qui se décompose.* Ainsi, « articulés » d'autant que le poème vient précisément d'articuler – bien aidé par les virgules qui permettent cette articulation dans le texte : « vallées, crêtes,ondulations, crevasses… » – ces mots d'ailleurs choisis parce qu'ils miment le réel : « vallées » et « crevasses » ont un « v », comme un trou entre deux montagnes,« ondulation » ondule, et « crête » à un « ^ » qui ressemble à une crête.* Performativité « brisons »* ponge / éponge ? comme dans « l'orange », l'éponge – qui représente l'auteur dans un système où les choses sont leur nom – vient se comparer, se mesurer, à l'objetà décrire.

Manière de décrire l'auteur comme « lâche » et « froid ».

C'est ce qui se dit de lui, d'ailleurs.

D'autant que la « mie » est aussi la femme.

Sa femme estcomme Ponge ? B) Un art poétique « En train d'éructer » ? la seule chose qui est en train d'éructer, c'est Ponge.

Car « éructer » n'existe pas dans le Littré – seulement « éructation », et qui n'est pas« éruption », qui est le mot avec lequel joue « éructer » par paronymie.

Et comme « Pour nous » (à notre place / à notre intention) ? pour le lecteur, on peut et doitconsidérer ce paragraphe comme un paragraphe de poétique : et puisque les métaphores sont piégées et qu'on ne peut les suivre ou les croire, il faut considérer quec'est du poème qu'on est en train de parler. La suite rappelle les jeux d'ombre et lumière qu'on avait déjà vu avec la Bougie : le poème comme projection de lumière qui déplace les lignes du réel.Complémentairement, ce qu'on a déjà vu, avec la bougie, le cageot et la cigarette : la métamorphose.

Ponge, contrairement à ce qu'il prétend, montre moins deschoses que des métamorphoses.

La lumière fait exister ce qui n'existait pas et rend à l'ombre ce qui existait : elle modifie le réel – c'est pourquoi elle est si importante,notamment à travers la figure du feu, dans le Parti pris. Le pain est moins une Terre qu'un texte : une « impression ».

Sinon, à prendre impression dans le sens de « sentiment », on ne comprend pas pourquoi cetteimpression n'est que « quasi » panoramique.

Ce n'est donc pas un hypallage, mais une métonymie : l'impression est quasi panoramique, si l'on veut dire « l'imprimé ».Le pain est en quelque sorte une impression (une écriture, un texte), comme l'est un panorama, qui n'est pas une vision, mais une table imprimée : « Tableaucylindrique disposé de manière que le spectateur placé au centre voit les objets représentés » (Littré).

Le pain est donc un imprimé.

Un livre.

Décrire le pain, c'estdonc faire un art poétique.

C'est ce que l'on retrouve avec l'idée du « Tissu » (étymologie de « texte »). C) Le verbe fait chair On a déjà parlé de la cosmogonie, c'est-à-dire de la création du monde par un dieu (ici absent).

Autre élément en rapport avec la religion : l'aposiopèse finale qui faitpenser au dernier repas de Jésus.

« Mais brisons-la : » syllepse : « brisons » le pain et « arrêtons-nous ».

Caractère performatif.Noter qu'il s'agit bien du pronom complément d'objet « la » et non du pronom complément de lieu « là » : brisons la mie ou la masse du pain, c'est-à-dire. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles