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François Mauriac, Commencements d'une vie

Publié le 22/02/2011

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.. Enfants, nous ne connaissions guère que les Landes : l'être collectif dénommé «les garçons« et dont je n'étais qu'une parcelle, avait décidé que hors le pays des pins, du sable et des cigales, il n'était pas de vacances heureuses. A peine connaissions-nous la propriété de vignes que plus tard je devais tant aimer. Notre mère assurait que nous n'eussions voulu pour rien au monde du sort des malheureux enfants qui croyaient s'amuser à Royan, à Arcachon ou à Bagnères. Nous en étions nous-mêmes persuadés. Ainsi sont entrés en moi pour l'éternité, ces étés implacables, cette forêt crépitante de cigales sous un ciel d'airain que parfois ternissait l'immense voile de soufre des incendies; alors les tocsins haletants arrachaient les bourgs à leur torpeur. Aussi brûlant qu'ait été l'après-midi, le ruisseau appelé la Hure, et ce qu'il traîne après soi de brouillards flottants et de prairies marécageuses, dispensait, le soir, une fraîcheur dangereuse qu'au seuil de la maison nous recevions, immobiles, et la face levée. Cette haleine de menthe, d'herbes trempées d'eau, s'unissait à tout ce que la lande, délivrée du soleil, fournaise soudain refroidie, abandonne d'elle-même à la nuit : parfum de bruyère brûlée, de sable tiède et de résine — odeur délicieuse de ce pays couvert de cendres, peuplé d'arbres aux flancs ouverts : je songeais aux cœurs que la grâce incendie et qui ont choisi de souffrir. C'est pourquoi l'automne dans la lande est un tel miracle : dans bien d'autres pays, l'arrière-saison « fait saigner les feuillages, change en or sombre les fougères« (ainsi que j'écrivais dans mes narrations qui avaient l'honneur d'être lues devant toute la classe), mais nulle part elle n'est comme dans nos landes consumées, une telle libération : les palombes, sous le trouble azur du mois d'octobre, sont le signe qu'est fini le déluge de feu.

 François Mauriac, Commencements d'une vie, 1932.

Vous organiserez le commentaire de ce texte en soulignant l'enrichissement sensuel, affectif, et spirituel des adolescents au contact de cette région.

« Visuelles : «ciel d'airain que parfois ternissait le voile de soufre des incendies», (contraste).

Correspond à l'été.«Trouble azur du mois d'octobre ».

Contact sensible : succession de la chaleur et de la fraîcheur : «Aussi brûlant qu'ait été l'après-midi...

unefraîcheur dangereuse » (disparité des rythmes dans la protase1 organisée en masses croissantes et l'apodose2 oùles accents d'intensités sont rapprochés (2, 2, 4 // 1, 1, 2, 2, 1, 1, 2) — trouble de la fraîcheur.

Sensation d'écrasement (la chaleur de l'été) / d'affranchissement (la libération de l'automne). 3) Une passionIl faut prendre le nom « passion » au double sens du terme : amour violent et souffrance.1.

Protase : correspond à une conditionnelle.

Rythme : partie ascendante de la phrase.2.

Apodose : correspond à la principale.

Partie descendante. Attachement exclusif : — ignorance du monde extérieur (« nous ne connaissions guère que les Landes ») ;— mépris pour le monde extérieur : « hors le pays des pins, du sable et des cigales, il n'était pas de vacancesheureuses» et «nous n'eussions voulu pour rien au monde du sort des malheureux enfants qui croyaient s'amuser àRoyan » ; « malheureux » et « croyaient » reflètent ironiquement les pensées des enfants...

dirigées par la mère.Jugement qui n'est pas personnel au jeune Mauriac («l'être collectif dénommé les « garçons » et dont je n'étaisqu'une parcelle, avait décidé », « ma mère assurait») — monde pesant (conscience de classe : Mauriac s'attachedans de nombreux romans à peindre cette bourgeoisie de province.) Ce qui est personnel, c'est l'attachement de Mauriac à ce pays : «nos Landes» et surtout «Ainsi sont entrés enmoi, pour l'éternité, ces étés implacables»; «sont entrés — procès achevé ; « pour l'éternité » : force del'attachement, mais surtout sur un plan autre que temporel et terrestre.

Le rappel des narrations scolaires témoignede la profondeur du sentiment.

Souffrance : «Je songeais aux cœurs que la grâce incendie et qui ont choisi de souffrir».

Assimilation des hommesaux arbres, ces arbres « aux flancs ouverts» (interprétation annoncée dans le texte par « éternité », « la face levée»).

Penser aussi à la fin de Thérèse Desqueyroux : «Ce n'est pas la ville de pierres que je chéris, c'est la forêtvivante qui s'y agite et que creusent des passions plus forcenées qu'aucune tempête ». Conclusion Paysage : cadre de l'enfance — attachement particulier, riche en sensations diverses, s'oriente suivant deuxéléments : feu-eau.

Renvoie à l'univers personnel, passionné, dévorant de Mauriac et contribue sans doute, en partie, à l'expliquer.Paysage, mais surtout paysage intérieur.. »

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