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FRANK: Journal

Publié le 28/02/2011

Extrait du document

L'adresse à une Kitty fictive — procédé qui, d'ailleurs, ne s'est imposé qu'après quelques mois dans l'esprit d'Anne — pose enfin, par ricochet, le problème de la littérature épistolaire : quel est le statut du mot dans une existence humaine, et, partant, dans la littérature ? Quel est le rôle de la lettre dans une relation humaine, d'amitié — Kitty représentant ici l'Amie idéale — ou d'amour — les rapprochements entre ces deux domaines pouvant être multiples ?    Enfin, par la comparaison entre ce qu'Anne écrivait de ses projets et ce que nous savons maintenant qu'il en est advenu, on peut également amorcer une réflexion sur la réception de l'œuvre littéraire, qui, aussitôt écrite, et quelle qu'elle soit, échappe à son auteur pour être façonnée pour moitié par le lecteur : autant dire que, par notre histoire personnelle, nous ne lisons jamais le même livre que notre voisin...   

« Le journal s'étend sur une période de deux ans, du treizième anniversaire d'Anne, jour où elle reçoit le fameux cahierà carreaux rouges et blancs, le dimanche 14 juin 1942 (elle est née en fait le 12 juin) jusqu'au mardi 1er août 1944,trois jours avant l'arrestation et la déportation des membres de l'Annexe et de certains de leurs protecteurs.

Il sedéroule presque au jour le jour, suivant le rythme propre d'un journal, mû par la variété des états d'âme, les aléasdes coups de cœur, les imprévus de la vie en communauté.

Il est scandé également par les événements historiques,perçus, comme tous les bruits du monde extérieur, à travers le filtre des fenêtres occultées par des rideaux opaques— rien ne devant trahir une présence clandestine —, celui des bruits nocturnes impossibles à identifier, doncterrifiants, celui des récits de leurs protecteurs, et enfin celui des nouvelles diffusées par un poste de radio qui avaitéchappé aux perquisitions. Sous ce rythme naturel, qui est le déroulement linéaire de la vie, on peut néanmoins déterminer cinq mouvementsessentiels, qui, pour artificiels qu'ils puissent paraître, s'appuient néanmoins sur des événements importants del'existence d'Anne : 1.

La vie en semi-liberté : du 14 juin 1942 au 5 juillet 1942 (pp.

13 à 27).

Ces quelques pages relatent l'existencepresque normale d'une écolière vive, spontanée, enthousiaste, incorrigible bavarde malgré les punitions successivesinfligées par ses professeurs, et dont le monde est celui des adolescentes de son âge : la famille, les résultatsscolaires, les copains, les sorties...

; mais Anne déplore déjà de n'avoir pas de véritable amie, et l'on sent, tout aulong de cette première partie, la montée, lente mais inexorable, de l'angoisse qui va désormais peser sur cettefamille, et qui va culminer lors de la convocation de Margot par les S.

S.

; c'est alors qu'Anne commence à seheurter à des problèmes qui lui étaient antérieurement étrangers : les injustices raciales, la peur de la déportation... 2.

L'installation à l'Annexe : du 8 juillet 1942 (en fait l'installation est effectuée le 6) au 19 novembre 1942 (pp.

28 à78) ; c'est dans ces pages que se met en place le cadre matériel et humain qui sera celui de toute la suite dujournal : exiguïté, inconfort, précarité, et surtout promiscuité qui interdit à chacun toute chance de solitude, saufpeut-être à Peter qui a le privilège de ne partager sa chambre qu'avec son chat Mouschi ; 3.

L'existence quotidienne à l'Annexe : du 20 novembre 1942 au 5 janvier 1944 (pp.

78 à 164); tour à tour comiques(les taquineries anodines) et angoissants (les effractions nocturnes dans le bureau, les alertes), les épisodes sesuccèdent au rythme des nouvelles, peu réjouissantes, que distille la radio.

Dans le deuxième volet de cette étape,un ton légèrement différent dévoile l'intériorisation de l'expérience, Anne s'impliquant plus profondément dans lesévénements qu'elle vit, qu'ils soient extérieurs comme l'attente d'un débarquement toujours espéré, ou intérieurs àl'Annexe, comme ses tentatives en direction de Peter ; 4.

Enfin, le quatrième mouvement s'organise autour de Peter : du 6 janvier 1944 à la fin du journal (pp.

165 sqq.).Peter est devenu le centre d'intérêt de l'adolescente, Peter dont la présence donne vie et couleur à l'instant le plussordide ; c'est l'éveil d'une amitié vaguement amoureuse, dont la fragilité apparaîtra vite aux yeux de l'exigeante etlucide adolescente qui préfère la déception aux faux-fuyants. 2.

Les personnages1 Les sept autres habitants de l'Annexe prennent vie à travers le regard, tour à tour indulgent et/ou impitoyable, de lanarratrice. a/ Ce sont d'abord le Père (Pim ou Pappie), la mère, la sœur aînée Margot, qui forment une famille autrefois très uniemais dont la promiscuité terrible de deux années a, sinon distendu les liens, du moins mis en évidence les inévitablesfaiblesses humaines ; la mère, surtout, est l'objet de très vives critiques de la part d'Anne, qui ne lui pardonne pasde n'être pas, en permanence, conforme à l'idéal de mère tel que, enfant, elle se l'est forgé ; le père, lui, à la foisprofesseur et confident, bénéficie d'une réelle tendresse, au moins jusqu'à ce que Peter le supplante partiellement ;Margot, pour sa part, est un personnage difficile à cerner : trop parfaite aux yeux d'Anne qui lui sert de faire-valoir,aimée de tous, sans cesse citée en exemple à l'insupportable petite sœur, elle sait cependant être aussi désarméeque sa benjamine devant l'adolescence et ses tourments ; mais ses rêves d'avenir apparaissent trop modestes àl'ambitieuse Anne. b/ La peinture des autres membres de l'Annexe est moins chargée émotionnellement, et donc moins soumise auxélans du cœur.

Peter lui-même, le confident et l'ami de quelques jours, celui avec qui Anne partage les émois dupremier baiser, se révèle vite comme un compagnon de hasard, attendrissant certes dans sa gaucherie, mais veule,opportuniste et indigne de partager les rêves d'idéal de la jeune Anne, qu'il admire malgré tout.

Les portraits qu'euebrosse des parents de Peter — tous trois ont rejoint les Frank dans leur abri le 13 juillet — appartiennent le plussouvent au registre de la caricature : Monsieur, Putti, se signale surtout par ses perpétuels éclats de voix, sessautes d'humeur liées à la présence fluctuante de son stock de cigarettes...

Madame est égoïste, vaniteuse,superficielle, douillette, coquette et minaudière, essayant ses charmes auprès de Pim, insensible, puis de Dussel,jalouse et mesquine, insupportable (p.

46), une chipie, cachant draps et ustensiles pour éviter de les prêter à lacollectivité ; Anne lui reconnaît cependant ordre et efficacité. Dussel, le dentiste, choisi d'un commun accord par les familles Frank et Van Daan pour partager leur réclusion àpartir du 16 novembre 1942, se révèle rapidement, vis-à-vis d'Anne, comme un être égoïste et puéril (il prend. »

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