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Freud et l'interdit du meurtre

Publié le 17/04/2009

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Ce fondement rationnel de l'interdit du meurtre, nous ne le communiquons pas, mais nous affirmons que c'est Dieu qui a édicté l'interdit. [...] En procédant ainsi, nous revêtons l'interdit culturel d'une solennité toute particulière, non sans risquer par là de faire dépendre son observance de la croyance en Dieu. Si nous revenons sur cette démarche, n'imputant plus notre volonté à Dieu et nous contentant de fonder socialement l'interdit culturel, nous avons certes renoncé à le transfigurer, mais nous avons du même coup évité de le mettre en danger. Mais nous gagnons aussi autre chose. Par une sorte de diffusion ou d'infection, ce caractère du sacré, de l'inviolable, de l'au-delà, pourrait-on dire, propre à quelques rares grands interdits, s'est étendu à tous les autres dispositifs, lois et décrets culturels. Mais ces derniers, bien souvent, portent mal l'auréole du sacré, non seulement parce qu'ils se dévaluent eux-mêmes mutuellement en prenant des décisions opposées en fonction du temps et du lieu, mais aussi parce qu'ils arborent par ailleurs tous les signes de la déficience humaine. [...] il y aurait un indubitable avantage à laisser Dieu tout à fait hors du jeu et à admettre honnêtement l'origine purement humaine de tous les dispositifs et prescriptions culturels. En même temps que le caractère sacré revendiqué par les commandements et lois, tomberaient aussi leur rigidité et leur immutabilité. Les hommes pourraient comprendre que ceux-ci sont créés non pas tant pour les dominer que bien plutôt pour servir leurs intérêts, ils établiraient avec eux un rapport plus amical, se fixeraient pour but, au lieu de les abolir, de seulement les améliorer. Sigmund Freud, L'Avenir d'une illusion (1927)

1 Quelle est la thèse principale du texte et le fil directeur de l'argumentation de l'auteur ?    2 Quel est le seul avantage reconnu par Freud au fondement religieux des lois sociales ? Quels inconvénients le contrebalancent ?    3 Inversement, quels avantages Freud voit-il à reconnaître l'origine humaine des prescriptions morales et sociales ?    4 Trouvez des exemples de grands principes de vie universellement valables. Quelle en est la finalité ?    5 Trouvez aussi des exemples d'interdictions ou d'obligations moins fondamentales, variables selon les époques et les pays, et montrez-en les imperfections. À quelle finalité non avouée obéissent-elles souvent ?  

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« trois moments : la non pertinence de la transcendance (1 ère partie : du début du texte à « mais nous avons du même coup évité de le mettre en danger »), le gain de son fondement social (2 nd partie : de « Mais nous gagnons aussi autre chose » à « mais aussi parce qu'ils arborent par ailleurs tous les signes de la déficiencehumaine ») ; enfin, l'éviction de Dieu de tout rapport infra-culturel (3 ème partie : de « il y aurait un indubitable avantage à laisser Dieu tout à fait hors du jeu » à la fin du texte).

C'est suivant ces trois moments logiques quenous entendons rendre compte du texte. I – L'appel à la transcendance a) La question de l'interdit du meurtre permet à Freud de mettre en exergue le rôle de la religion dans la définition que nous en avons culturellement.

Ainsi le meurtre est-il interdit par Dieu notamment depuis qu'il en a fixél'interdiction dans les tables de la loi comme on le retrouve dans l' Ancien Testament dans le Décalogue.

L'interdit du meurtre ne tire donc pas sa nécessité de l'ordre culturel, c'est-à-dire de la nécessité de vivre ensemble et donc dela volonté du législateur mais d'une norme transcendante, Dieu, ce qui confère alors au meurtre un aspect desacrilège et de crime absolu.

Pourtant, on pourrait très bien comprendre sur un fondement rationnel que le meurtresoit interdit non seulement parce qu'il nuit à la vie en commun mais aussi parce qu'il est capable d'entrer lavengeance et la vendetta, c'est-à-dire de détruire à terme la société.

Néanmoins, ne pas faire référence à cettesimple solution humaine permet de garantir l'immutabilité de l'interdit et de ne pas le soumettre à la contingence desaléas de la volonté humaine.

L'aspect sacré permet ainsi d'établir in fine un contrôle des consciences et de lesdiriger dans un certain sens. b) Néanmoins, cette référence à la norme transcendante et supérieure de Dieu comme garant de la vie et d'une loiqui aurait sa justification dans l'ordre civil fait perdre ce qu'elle fait gagner d'un côté.

En effet, si faire de l'interditdu meurtre une loi divine c'est rendre inviolable cette loi pour tout croyant à moins d'une damnation éternelle, celasuppose que cette condamnation ne repose en réalité que sur l'existence de Dieu.

Dès lors, si Dieu n'existe pas ou sil'on est pas croyant alors le meurtre devient possible ou envisageable.

C'est pourquoi il est tout à fait nécessaire defaire référence à une norme culturelle qui permettra alors de mettre en exergue la nécessité du vie bonne encommunauté plutôt que de faire référence à une hypothétique punition dans un au-delà.

En ce sens, l'ordresurnaturelle de l'interdit du meurtre ne vaut que pour le futur, c'est-à-dire ne prend sens qu'en vue d'une vie aprèsla mort et d'un jugement tandis qu'une norme culturelle est faite pour fonctionner hic & nunc, sans délai.

Il est vraitoutefois qu'elle n'aura pas le prestige du sacré. c) Ainsi faire référence à une norme légale fondée logiquement sur un intérêt social c'est-à-dire la volonté de ne pasdétruire le tissu social et de retourner dans un état de guerre permet justement d'éviter l'écueil de l'incroyant, del'athéisme qui existe dans la société de Freud et encore plus actuellement.

Faire de l'interdit du meurtre une mesure juridique d'origine humaine c'est expliquer en somme la nécessité du vivre ensemble et non pas d'imposer depuis unehauteur insondable une mesure qui peut avoir une justification bien plus simple dans l'ordre humain.

Cetteredescente de l'interdit du meurtre dans le giron lui fait perdre certes sa sacralité donc sa transfiguration mais il engagne en force de persuasion et d'imposition à tous les membres de la société. Transition : Ainsi l'interdit du meurtre a plus de valeur ou plus d'utilité et plus de force lorsqu'il est fondement socialement sur lanécessité de vivre ensemble que sur une norme certes sacrée et transcendante, mais s'imposant de l'extérieur de lasociété et reposant sur une croyance dans l'existence d'un Dieu dont on peu douter. II – Gain du fondement social a) En plus de ce gain en légitimité et en validité, c'est-à-dire dans la fondation de cet interdit du meurtre, lefondement social de ce dernier permet d'une certaine manière de sauvegarder la religion.

Bien plus, cela permet degarder le caractère sacré d'interdit plus important et éminents.

En ce sens, cela permet aussi de conserver unecertaine force de la religion qui sinon se voit systématiquement mise à mal par chaque meurtre et l'impuissancedivine à le parer.

En effet, la référence à la religion ne s'applique pas seulement pour l'interdit du meurtre maiss'étend alors à l'ensemble des mesures qui sont prises par le législateur pour légitimer leurs observances.

L'appel àDieu sert de référence ou de caution morale pour l'observation et la justification de la loi.

Ainsi on se place alorsdans un système législatif que l'on pourrait qualifier de « théolo-législatif ».

Dès lors, tous les lois deviennent. »

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