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Front populaire [France]

Publié le 19/02/2013

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1   PRÉSENTATION

Front populaire [France], coalition de différents partis de gauche qui a gouverné la France de juin 1936 à avril 1938.

2   FORMATION DU FRONT POPULAIRE

Le Front populaire est né sous la IIIe République d’une commune répulsion des formations de la gauche française à l’égard des ligues d’extrême droite. Les émeutes du 6 février 1934 avaient mis en péril la République (voir Stavisky, affaire). Les partis de gauche répondent par la manifestation du 12 février suivant au cours de Vincennes. Les deux cortèges, d’abord séparés du Parti communiste français (PCF) et de la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO), se réunissent spontanément ; d’autres manifestations d’union contre la menace fasciste ont lieu en France. Le PCF de Maurice Thorez obtient alors du Komintern (voir Internationales ouvrières) l’autorisation d’abandonner la stratégie « classe contre classe « jusque-là exclusivement suivie, et peut ainsi officialiser ses contacts avec les formations de la gauche réformiste jusqu’alors considérées comme « social-traîtres «. Le 14 juillet 1935, un immense rassemblement antifasciste unit communistes, socialistes, radicaux, socialistes indépendants de l’Union socialiste et républicaine (USR), syndicalistes de la Confédération générale du travail (CGT) et de la Confédération générale du travail unitaire (CGT-U) — qui se réunifient en mars 1936 —, et des membres d’une association d’anciens combattants (ARAC), du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes, du Mouvement contre la guerre et le fascisme, dit comité Amsterdam-Pleyel, auquel appartiennent Henri Barbusse et Romain Rolland, et de la Ligue des droits de l’homme (LDH) (voir antifascisme) ; ce succès permet que, dès le lendemain, des contacts en vue d’une alliance électorale pour les législatives de 1936 soient établis. La plate-forme commune, très modérée, correspond en gros au programme du vieux parti radical ; elle est la base politique des désistements du second tour, tandis que les partis défendent au premier tour leur programme spécifique.

Les élections ont lieu le 26 avril et le 3 mai 1936. Par rapport à celles de 1932, le progrès global de la gauche est, somme toute, modéré (300 000 voix en plus au soir du premier tour, alors que la droite recule de 70 000 voix par rapport à 1932). Mais l’équilibre politique se trouve complètement bouleversé entre les formations du Front populaire. Les radicaux reculent sensiblement, passant de 160 élus à 106 ; les socialistes stagnent en voix (60 000 en moins) au premier tour, mais progressent en sièges, passant de 97 à 147 élus ; les communistes qui doublent leur électorat passent de 11 à 72 élus. Le Front populaire est composé de 376 députés face à 248 députés conservateurs à droite.

3   VICTOIRE DU FRONT POPULAIRE

La victoire est éclatante : après quelques hésitations, Léon Blum est nommé président du Conseil par Albert Lebrun et son gouvernement est présenté le 4 juin 1936 au Parlement. Un gouvernement qui ne comprend pas de communistes, qui ont choisi la stratégie du « soutien sans participation « ; les 35 portefeuilles sont donc répartis entre les socialistes et les radicaux. Édouard Daladier, vice-président du Conseil, est le numéro deux du gouvernement et dirige le ministère de la Défense nationale. On y trouve à l’Intérieur Roger Salengro, aux Finances Vincent Auriol, à l’Éducation nationale Jean Zay et aux Sports (création qui fait scandale à droite) Léo Lagrange. Surtout, trois femmes deviennent ministres d’une République qui refuse encore aux femmes le droit de vote : Mesdames Brunschwig, Joliot-Curie et Lacore sont les premières femmes à exercer une fonction politique dans l’histoire de la République.

Ce gouvernement extraordinaire entre en fonctions dans une atmosphère qui est tout aussi extraordinaire. Depuis la victoire aux élections, la France est en grève. Les grèves ont commencé le 11 mai aux usines Breguet au Havre ; en mai et juin, peut-être deux millions de salariés font de ce mouvement un phénomène véritablement effrayant pour le patronat et la droite française qui incrimine immédiatement le complot soviéto-judéo-maçonnique et allemand (la Documentation catholique). En fait, le mouvement est largement spontané, engendrant des formes nouvelles de lutte sociale. Ces grèves se déroulent « sur le tas «, les ouvriers occupant les usines, dans une ambiance de fête et de revanche. Les quêtes remplissent les caisses de solidarité avec les grévistes, et les taux de syndicalisation augmentent brutalement.

Le patronat, dans ce contexte, fait appel à Léon Blum pour dénouer la situation. Il ouvre à l’hôtel Matignon des négociations tripartites avec les syndicats et le patronat, qui aboutissent à une hausse des salaires de 7 à 15 p. 100, à des conventions collectives garantissant les conditions de travail et d’embauche, et à l’élection de délégués du personnel chargés d’être, auprès des patrons, les représentants des salariés. Les 11 et 12 juin, des lois confirment la légalité des conventions collectives, instituent la semaine de quarante heures et quinze jours de congés payés. Le PCF appelle alors, contre l’avis de l’aile gauche de la SFIO dirigée par Marceau Pivert qui estime la situation révolutionnaire, à reprendre le travail : « Il faut savoir arrêter une grève «, explique Maurice Thorez. Les réformes se succèdent, avec la prolongation de la scolarité obligatoire à quatorze ans, la nationalisation des industries de guerre, la création de l’Office national du blé et, dès le mois de juin, la dissolution des ligues d’extrême droite.

L’euphorie est réelle et probablement sans précédent dans l’histoire de la République ; le tandem est le véhicule emblématique des trajets de ces « dimanches au bord de l’eau « que l’on goûte avec délectation. Une culture du Front populaire naît immédiatement, incarnée entre autres par la Fête de Jacques Prévert, par la Belle Équipe de Julien Duvivier dont la fin est modifiée pour devenir optimiste, par « Y’a d’la joie « de Charles Trenet ou encore par le succès de la souscription nationale ouverte par la CGT pour subventionner la Marseillaise de Jean Renoir.

4   CHUTE DU FRONT POPULAIRE

Pourtant, en ce même été 1936, qui voit les « congés payés « déferler sur les plages jusque-là réservées aux élites horrifiées par cette « invasion «, le Front populaire connaît sa première fracture avec la guerre d’Espagne : contre l’avis du PCF, le gouvernement Blum refuse d’aider officiellement les républicains à combattre les troupes du général Franco. Les Brigades internationales rencontrent un succès certain, dont témoigne immédiatement l’Espoir d’André Malraux, mais Léon Blum, soucieux de ne pas froisser le pacifisme des associations d’anciens combattants et de la majorité de l’électorat radical et socialiste, refuse d’intervenir en Espagne (1er août 1936), en accord avec le Royaume-Uni. Le 4 décembre, les communistes s’abstiennent sur la politique extérieure du cabinet Blum.

La seconde crise est l’affaire Salengro : Roger Salengro, maire de Lille, est accusé par la presse d’extrême droite d’avoir été un « embusqué « pendant la Grande Guerre et d’avoir usurpé ses décorations. Le scandale est énorme ; ces allégations sont totalement erronées, mais la campagne de diffamation orchestrée par Gringoire et d’autres journaux antisémites aboutit au suicide du ministre, le 17 novembre 1936. Son successeur Marx Dormoy démantèle un projet de complot fomenté par la Cagoule contre le gouvernement.

La troisième fracture, celle-là fatale, porte sur l’économie. Le Front populaire avait triomphé dans le contexte d’une crise économique mondiale et profonde dont la France ne parvenait pas à sortir depuis 1931 (voir Crise économique de 1929). Léon Blum et ses conseillers, fascinés par le New Deal de Roosevelt aux États-Unis, succès économique et politique puisque celui-ci venait d’être réélu, avaient opté pour des choix dirigistes de type keynésien. Or, très vite, le coût des mesures sociales fait plonger le franc que Léon Blum dévalue en septembre 1936. Le déficit continue cependant de se creuser et Léon Blum annonce la « pause « des réformes, le 13 février 1937.

Combattu par les radicaux d’Édouard Daladier à cause des mesures fiscales défavorables aux classes moyennes, critiqué de plus en plus ouvertement par les syndicats et le PCF à cause de la « pause « et de la « fusillade de Clichy « où des ouvriers manifestant contre les Croix-de-feu (voir La Rocque, François de) sont tués par la police (16 mars 1937), le gouvernement Blum est renversé le 21 juin 1937. Camille Chautemps, le radical qui succède à Blum, devenu vice-président du Conseil, nationalise les chemins de fer en créant la Société nationale des chemins de fer (SNCF ; 31 août 1937) ; mais la politique économique est marquée par la rigide orthodoxie de Georges Bonnet.

La gauche reste majoritaire à la Chambre des députés, mais les différentes tentatives pour ressouder le Front populaire échouent (2e cabinet Blum, 13 mars-8 avril 1938), alors que les gouvernements successifs, de plus en plus à droite, restent aveugles et sourds au danger hitlérien. L’arrivée au pouvoir d’Édouard Daladier en avril 1938 marque la fin du Front populaire. Non seulement la signature des accords de Munich (29-30 septembre 1938) sonne le glas des engagements antifascistes à l’origine du Rassemblement populaire, mais surtout l’adoption de décrets-lois remettant en cause certains des acquis sociaux obtenus lors des accords de Matignon entraîne l’hostilité de la CGT dont la grève générale, organisée le 30 novembre 1938, est un relatif échec.

Du Front populaire, le bilan global est, somme toute, relativement limité : le mythe du Front populaire, explosion de joie populaire née d’un triomphe électoral et d’un mouvement social sans précédent, première expérience en France d’un gouvernement reposant sur l’union des partis de gauche, premier gouvernement à avoir inclu des femmes, allait cependant fasciner la gauche française pour tout le reste du siècle.

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