Fuenteovejuna
Publié le 10/04/2013
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Quand paraît en 1619 Fuenteovejuna (Fontau- Cabres, la fontaine aux brebis) Lope de Vega, à 59 ans, est à l'apogée de sa gloire. Ses contemporains le surnomment le «Phénix des es.prits «,Cervantès admire ce « monstre de la nature «. Les romantiques français redécouvriront le dramaturge espagnol, et la première traduction française de la pièce paraîtra en 1822. Felix Lope de Vega Carpio (1562-1635) fut soldat, séducteur incorrigible, moine. Il fut aussi un grand écrivain et un dramaturge de génie. Avec Cervantès, Calderon et quelques autres, il est une figure de proue du Siècle d'Or espagnol. Illustrations
«
« C'est à moi que l'art
de la comédie doit son
commencement
» ; de
fait, c'est Lope de
Vega qui fixe la règle
du drame en trois actes
et c'est de son époque
que date l'ouverture de
salles de théâtre
et l'autorisation pour les
femmes d'interpréter
leur propre rôle ;
auparavant, les pièces
profanes étaient jouées
par des troupes
ambulantes sans scène
fixe.
« Mourir ou tuer les
tyrans.
Nous sommes
nombreux.
Ils sont
peu.»
EXTRAITS
« Car tel est mon bon plaisir »
ESTEBAN.
- Votre Seigneurie, comment avez
vous trouvé mon lévrier
?
LE COMMANDEUR.
-Ah, mon cher alcade,
mes gens
n'en revenaient pas de voir une
pareille rapidité !
ESTEBAN.
- C'est une bête extraordinaire !
Elle
rat~raperait à la course un malfaiteur
poursuivi ou un poltron un
jour de bataille!
LE COMMANDEUR.
- Justement.
Et à ce
propos, vous devriez
le lancer à la poursuite
d'un lièvre qui m'échappe chaque fois que
je veux mettre la main dessus.
ESTEBAN.
- Volontiers, monseigneur.
Et où
est-il ce lièvre ?
LE COMMANDEUR .
-Oh ! dans les parages :
il s'agit de votre fille.
ESTEBAN.
- De ma fille !
LE COMMANDEUR.
-Eh oui !
Une femme lève l'étendard de la révolte
LAURENCE.
-Vous n'êtes que des moutons :
c'est bien ce que dit
le nom de notre ville !
Ah ! qu'on me donne
des armes,
puisque
vous avez un cœur de
pierre, un
cœur de
bron z
e, puisque vous
êtes de marbre, puis
que les tigres ne sont
pas plus cruels que
vous !...
Mais non,
des tigres, non !
Vous
n'êtes pas des tigres !
Les tigres sont féroces,
et quand on
prend
leurs petits, ils se lan
cent
à la poursuite du
chasseur et ils le tuent
avant que
le ravisseur
ait atteint
le rivage de
la mer, et on dit qu'ils se précipitent dans les
flots
pour le poursuivre jusqu'au bateau.
Mais vous, vous
n'êtes que des lièvres
craintifs.
Vous n'êtes pas d' ici! Vous n'êtes
pas des Espagnols ! Espèce de poules
mouillées ! vous supportez que d'autres
hommes jouissent de vos
femmes! Femmes
vous -mêmes !
C'est une quenouille qu'il
vous faut et non pas une épée à la ceinture.
Ah ! Dieu du ciel ! je vais tout mettre en
œuvre pour que ce soit
nous autres
femmes
qui vengions notre
déshonneur dans le
sang de ces tyrans et
de ces traîtres !
De la difficulté
du métier de juge
LE JUGE.
- Sire, ainsi
que vous me
l'avez
mandé, je suis allé à
Fuenteovejuna et
j'ai
mené mon enquête
avec le
plus grand
soin et la plus grande
diligence.
Et pourtant
je reviens sans avoir
même pu remplir le
premier feuillet de
mon rapport.
Pas un
seul renseignement ; pas une seule preuve.
Chaque fois que
je leur demandais : qui est
le coupable
? tous les témoins unanimes
répondaient avec un
cœur inébranlable :
Fuenteovejuna.
J'en ai soumis plus de trois
cents à une torture rigoureuse, et
je vous
jure
qu'il m'a été impossible de leur tirer
autre chose.
J'ai même fait attacher au
chevalet des enfants de dix ans, et ni par la
douceur ni
par la violence je n'ai pu en
obtenir quoi que ce soit.
Dans ces condi
tions,
puisqu'il est si difficile d'établir la
vérité, il faut, sire, ou leur pardonner à tous,
ou les faire tous exécuter.
Ils sont
là tous et
souhaitent vous voir afin de vous expliquer
ce qui s'est passé.
Vous pouvez les interroger.
Traduit de l'espagnol
par Louis Combet
«A mort,
Commandeur ! meurs,
traître!»
NOTES DE L'ÉDITEUR
« Mon intime prédilection allait résolument
vers Lope de Vega, poète aussi spontané
qu'on peut l'être dans des âges de grande
culture, poète épique dans la mesure où le
théâtre permet de l'être, chez
qur le mauvais
goût, quoique fréquent, reste sporadique,
tandis que la réussite géniale est infaillible,
car elle procède avec l'inconscience
sublime des forces naturelles.
» Marcelino Menendez
y Pelayo,
Étude sur le théâtre
de Lope de Vega, Madrid, 1922.
collective
du bourg, que nous voyons mûrir
dans une scène de place publique et qui
éclate enfin dans une scène impétueuse
«Lope enfin ne s'est pas borné à la peinture
des sentiments individuels ; il a entrevu le
domaine des sentiments collectifs
...
Lope a
donc fait
qe [Fuenteovejuna] le véritable
protagoniste de son drame ; les événements
anecdotiques du début -violences sinon
viols du Commandeur -ne servent dans
leur dispersion
qu'à préparer l'indignation
1 Roger-Yiollet 2, 3 , 4 , 5 illustrations de Javier Serrano Pérez, ediciones Anaya, Madrid , 1985
de conseil de ville.
Suit le déchaînement
populaire qui, au cri
de « Fuenteovejuna »,
porte la mort dans le château de Fernand
Gomez : esquisse révolutionnaire où rien
ne manque, ni la cruauté des femmes ni
la promenade de la tête coupée.
»
Marcel Carayon, Lope de Vega,
Éditions Rieder, 1929.
LOPE DE VEGA 02.
»
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