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Gaulle, Charles de

Publié le 01/04/2013

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1   PRÉSENTATION

Gaulle, Charles de (1890-1970), général et homme d’État français, chef de la France libre durant la Seconde Guerre mondiale, architecte de la Ve République française dont il a été le premier président (1959-1969).

2   UNE JEUNESSE MILITAIRE

Charles de Gaulle est né à Lille, dans un milieu traditionaliste et conservateur. Troisième des cinq enfants d’Henri et de Jeanne de Gaulle, il est élevé au sein d’une famille qui vénère le trône, l’autel et la patrie. Son père, professeur dans l’enseignement catholique, dévot et patriote, bien qu’il ait affiché pendant l’Affaire des opinions dreyfusardes, joue un rôle capital dans l’éducation de son fils (qu’il confie aux jésuites) et l’initie à la lecture de Barrès, Bergson, Boutroux et Péguy. De Gaulle s’oriente vers la carrière militaire et est admis en 1908 à Saint-Cyr, d’où il sort classé treizième. Affecté au 33e régiment d’infanterie commandé par le colonel Pétain, il atteint le grade de lieutenant lors de la déclaration de guerre. Blessé à trois reprises, promu capitaine, il se distingue à Verdun. Fait prisonnier à Douaumont le 2 mars 1916, il est interné au fort d’Ingolstadt après plusieurs tentatives d’évasion. Il y entreprend la rédaction de son ouvrage la Discorde chez l’ennemi (publié en 1924). Impatienté par cette longue période d’inaction, désireux de reprendre le service actif dès sa libération, il participe à la guerre de la Pologne contre la Russie soviétique (1920). À son retour, il rencontre Yvonne Vendroux, fille d’industriels de Calais, qu’il épouse le 7 avril 1921. Après son mariage, il est appelé à l’école militaire de Saint-Cyr pour y enseigner l’histoire militaire, et il manifeste dans ces fonctions des dons remarqués de pédagogue. Après sa réussite au concours, il est moins heureux à l’École de guerre, où les idées qu’il soutient face à un corps professoral « verrouillé dans l’esprit de conservation « (d’après la formule de son biographe Jean Lacouture) lui valent des notes relativement médiocres. Il n’est pas admis dans le premier tiers des candidats où sont recrutés les futurs enseignants de l’école et doit se contenter d’un emploi médiocre à l’état-major de l’armée du Rhin, à Mayence.

3   REBELLE À SA HIÉRARCHIE

En 1925, son ancien colonel d’Arras, devenu le maréchal Pétain, l’appelle à son cabinet (il est alors vice-président du Conseil supérieur de la guerre) comme officier rédacteur, chargé d’écrire une histoire du soldat français. Dans la mouvance du très influent patron de l’armée française, l’avenir du capitaine de Gaulle semble prendre un tour favorable. Pétain impose même au commandant de l’École de guerre d’organiser trois conférences de son « protégé « sur la philosophie de la guerre. Mais un différend sépare bientôt de Gaulle de Pétain, qui souhaite apposer sa signature sur l’ouvrage qu’a intégralement rédigé son conseiller, et qui se voit opposer un refus très ferme. Nommé commandant d’un bataillon de chasseurs à pied à Trèves (1927), de Gaulle, définitivement éloigné de Pétain, ne peut obtenir la chaire qu’il briguait à l’École de guerre et est envoyé au Liban où il devient de 1929 à 1931 chef des 2e et 3e bureaux de l’état-major. Il y écrit un livre sur son expérience au Moyen-Orient, Histoire des troupes du Levant.

De retour à Paris en 1931, il est affecté au secrétariat général de la Défense nationale, poste qui lui permet pendant près de six ans de participer à tous les débats à propos de la refonte de l’armée française, aux côtés des plus grands chefs militaires et des hommes politiques au pouvoir. C’est à cette époque qu’il se fait connaître par ses écrits militaires qui révèlent ses talents de plume et sa complète opposition aux vues politiques et stratégiques de l’état-major de l’armée française. Il publie le Fil de l’épée en 1932, version rénovée de ses conférences de 1927, dans lequel il trace un autoportrait du chef, et Vers l’armée de métier (1934), ouvrage dans lequel il plaide pour un changement radical de la stratégie française et la création d’unités de « moteurs cuirassés « capables de prendre l’ennemi par surprise et confiées à des militaires professionnels. Proche de la démocratie chrétienne, collaborateur à l’Aube, adhérent au cercle des « Amis de Temps Présent « (catholiques antifascistes et antimunichois), il cherche à rallier le monde politique à ses théories et se lie à Marcel Déat, Léo Lagrange et surtout Paul Reynaud. Les campagnes qu’il mène alors dans la presse et au Parlement en faveur de l’équipement en blindés de l’armée française (conception qui triomphe en Allemagne sous l’autorité du général Heinz Guderian) lui valent de fortes inimitiés dans l’entourage des trois principaux chefs de l’armée, Pétain, Weygand et Gamelin.

Nommé à la tête du 507e régiment basé à Metz où il est affublé du surnom de « colonel Motor «, il s’aliène le soutien d’un autre chef militaire prestigieux, le général Giraud, gouverneur militaire de la ville, qui se montre un adversaire résolu de l’emploi autonome des chars tel que le préconise de Gaulle. C’est à cette époque que de Gaulle fait paraître la France et son armée, ouvrage dans lequel il reprend de larges extraits de son histoire du soldat écrite en 1925-1926 et qui consomme sa rupture avec le maréchal Pétain. Après l’entrée en guerre de la France contre l’Allemagne nazie, il adresse à quatre-vingts personnalités civiles et militaires un mémorandum intitulé l’Avènement de la force mécanique, dans lequel il critique sévèrement la stratégie définie par le grand état-major (janvier 1940). Nommé à la tête de la quatrième division cuirassée (en cours de formation) alors qu’il n’est encore que colonel, il mène quelques brillantes contre-offensives en mai 1940 (à Montcornet et à Abbeville, notamment), donnant ainsi la preuve que le théoricien de la stratégie militaire peut également être un bon praticien. Promu général de brigade à titre temporaire, il est appelé à Paris le 5 juin 1940 par le président du Conseil Paul Reynaud, qui lui offre le poste de sous-secrétaire d’État à la Défense dans le gouvernement resserré (douze ministres) qu’il dirige. Déterminé avec le président du Conseil à poursuivre la guerre en prévoyant, au besoin, un repli en Afrique du Nord, il rencontre l’opposition des partisans de l’armistice (Pétain, Weygand, Laval) et, après la formation du cabinet Pétain, s’envole pour Londres le 17 juin au matin dans l’avion de sir Edward Spears.

4   L'HOMME DU 18 JUIN

Le 18 juin 1940 vers 20 heures, au micro de la BBC, Charles de Gaulle lance son fameux appel du 18 juin, dans lequel il plaide pour la continuation de la lutte contre les forces de l’Axe aux côtés de la Grande-Bretagne. Rebelle à l’autorité officielle de la IIIe République agonisante dont Philippe Pétain venait de prendre la tête, de Gaulle se consacre dès lors à l’organisation de son Comité de la France libre. Seulement entouré à l’origine de militaires inconnus et de journalistes aventureux, il obtient assez rapidement le soutien de Churchill qui le reconnaît le 7 août 1940 comme « chef des Français libres «. Condamné à mort par le tribunal militaire de Clermont-Ferrand le 2 août 1940, de Gaulle rassemble autour de lui une équipe de militaires (le général Catroux, l’amiral Muselier), d’universitaires (René Cassin), d’hommes politiques (René Pleven) et de journalistes (Maurice Schumann, Geneviève Tabouis). Confronté à l’hostilité du président Roosevelt qui voit en lui un aventurier et cherche à ménager le gouvernement de Vichy, de Gaulle essaie de rallier à sa cause les possessions de l’Empire français, mais échoue lors de sa tentative de débarquement à Dakar à la fin de septembre 1940. Il parvient néanmoins à obtenir le ralliement du Tchad, de l’Afrique-Équatoriale française, de Madagascar et de la Réunion, et constitue le Conseil de défense de l’Empire (octobre 1940). Bien que ne disposant que de très maigres forces militaires, de Gaulle s’emploie, par son attitude, à interdire à ses alliés, Anglais et Américains, de traiter la France libre en légion étrangère, et défend partout où il le peut les intérêts et les positions de la France dans le monde.

Parallèlement à son activité internationale, le général de Gaulle entretient un contact constant avec la Résistance intérieure par l’intermédiaire d’un ancien préfet de la IIIe République révoqué par Vichy, Jean Moulin, dont les efforts d’unification de la Résistance aboutissent en 1943 à la création du Conseil national de la Résistance (CNR), qui reconnaît de Gaulle comme chef de la France libre. Soutenu par Staline, de Gaulle est cependant tenu à l’écart du débarquement allié en Afrique du Nord de la fin 1942 où les Alliés anglo-américains nouent d’abord contact avec l’amiral Darlan rallié à leur cause puis, après la mort de celui-ci, avec le général Giraud. Toutefois, après la conférence de Casablanca, une entrevue organisée entre Giraud et de Gaulle aboutit à la création du Comité français de libération nationale (présidé conjointement par les deux hommes avant que de Gaulle n’en devienne quelque temps après le seul président), organisme qui est reconnu en août 1943 par les Alliés comme seul représentant de la France au combat. Dès cette époque, de Gaulle formule, notamment sous l’influence du gouverneur de l’AÉF, Félix Éboué, les nouvelles orientations à donner à la politique coloniale, préconisant le développement autonome et l’intégration des territoires français d’outre-mer dans le cadre de l’Union française, principes que devait consacrer la conférence de Brazzaville en janvier 1944.

5   LE LIBÉRATEUR DE LA FRANCE OCCUPÉE

Cinq jours après le débarquement des forces anglaises, américaines et canadiennes en Normandie (juin 1944), de Gaulle débarque à Courseulles. L’accueil qu’il reçoit sur le sol français établit définitivement sa légitimité aux yeux des Américains, qui doivent renoncer à l’établissement d’une administration alliée pour gouverner la France jusqu’à sa libération totale. Le 26 août 1944, de Gaulle descend les Champs-Élysées en compagnie des chefs de la Résistance intérieure, acclamé par un million de Parisiens. Trois priorités s’imposent alors à lui et à ceux qui l’entourent : achever la libération du territoire, affirmer la présence de la France dans les négociations de paix, restaurer l’unité nationale et la volonté de reconstruire dans un pays profondément affecté par quatre ans d’occupation, en rétablissant l’autorité du pouvoir central et en permettant l’application du programme élaboré par le Conseil national de la Résistance.

Le 3 septembre 1944, de Gaulle prend la tête d’un gouvernement provisoire dans lequel entrent six ministres communistes, aux côtés de membres du Mouvement républicain populaire (MRP) et de socialistes, formule dite du « tripartisme «, qui perdure jusqu’en 1947. Durant cette période, le gouvernement préside à une série de nationalisations et de grandes réformes sociales. Craignant un retour aux institutions et aux pratiques de la IIIe République (division des partis, instabilité ministérielle, parlementarisme), de Gaulle propose un projet de Constitution renforçant le pouvoir exécutif et doit faire face à l’opposition d’une majorité de l’Assemblée heurtée par ses conceptions « présidentialistes «. Après avoir été confronté à plusieurs crises avec les partis, le président du gouvernement choisi par la première Assemblée constituante finit par se convaincre que ses options sont inconciliables avec celles de la classe politique, et il démissionne brusquement de toutes ses fonctions le 20 janvier 1946.

6   L'OPPOSANT À LA IVE RÉPUBLIQUE

Resté quelques mois à l’écart de la vie politique, de Gaulle fait sa rentrée lors du fameux discours de Bayeux de juin 1946, au cours duquel il expose ses vues constitutionnelles. Adversaire résolu du « régime des partis « qu’il voit poindre avec la Constitution de la IVe République adoptée par référendum en octobre 1946, de Gaulle crée en avril 1947 le Rassemblement du peuple français (RPF), à Strasbourg. « Le RPF, c’est le métro «, déclare alors André Malraux, un de ses fondateurs, faisant allusion à l’électorat populaire du mouvement qui remporte un large succès aux élections municipales d’octobre 1947. Redoutant l’imminence d’une nouvelle guerre mondiale (l’Europe était alors plongée dans la guerre froide) et l’agitation sociale des grandes grèves de 1947-1948, de Gaulle fait progressivement du RPF une machine politique également dirigée contre les communistes. Riche d’un million d’adhérents en 1948, le RPF ne cesse ensuite de décliner. Aux élections de 1951, le RPF n’a qu’un cinquième des députés et une partie des membres de son groupe parlementaire rejoint la droite traditionnelle incarnée par Antoine Pinay, collaborant ainsi avec le régime honni par le fondateur du mouvement. Divisé, affaibli par les manœuvres électorales et parlementaires du régime, le RPF perd progressivement son identité et disparaît en 1953.

7   LA TRAVERSÉE DU DÉSERT

Pour son fondateur commence alors ce que André Malraux a appelé la « traversée du désert «. Retiré dans sa résidence familiale de Colombey-les-Deux-Églises, en Haute-Marne, de Gaulle se consacre à la rédaction de ses Mémoires de guerre, se rendant à Paris une fois par semaine pour recevoir ses fidèles, des historiens et des journalistes, et effectuant plusieurs voyages, notamment en Afrique noire (1953, 1956) ou au Sahara (1957). À partir de 1957, le problème de l’Algérie précipite la France vers une crise politique majeure et des rumeurs de plus en plus insistantes font état d’un possible retour au pouvoir du général de Gaulle. Interrogé par certains de ses proches sur la situation algérienne, de Gaulle leur aurait laissé entendre que la seule solution pour l’Algérie résidait dans l’émancipation tout en leur interdisant de rapporter publiquement ses propos, selon son biographe Jean Lacouture.

À partir du printemps de 1958, les appels en direction du général de Gaulle se multiplient jusque dans les milieux politiques qui lui sont peu favorables. En mars 1958, une « antenne « algéroise installée par le ministre de la Défense, Jacques Chaban-Delmas, se met à préparer ouvertement son retour au pouvoir, et son nom est intentionnellement mis en avant par le général Salan lors de l’insurrection du 13 mai 1958. Entre menace de coup d’État militaire et intrigues politiques, de Gaulle s’impose comme le seul capable de résoudre la crise de régime, simultanément appuyé et par les tenants de l’Algérie française et par ceux qui voient en lui l’homme de la décolonisation. Le 15 mai, il se déclare « prêt à assurer les pouvoirs de la République « et, quatre jours plus tard, alors que la tension ne cessait de monter, il convoque la presse pour bien marquer le « légalisme « de ses intentions, déclarant avec humour : « Ce n’est pas à soixante-sept ans que je vais commencer une carrière de dictateur. « Jouant subtilement d’un double jeu entre le pouvoir et les insurgés, de Gaulle se montre d’une grande intelligence politique pendant ces jours d’agonie de la IVe République (ce que la gauche lui reprochera), manœuvrant entre déclarations publiques et contacts privés jusqu’à se voir appelé par le président de la République René Coty à la présidence du Conseil le 29 mai. Bénéficiant d’un large soutien émanant aussi bien des socialistes et du MRP que de la droite, il reçoit de l’Assemblée les pleins pouvoirs pour réviser la Constitution. La IVe République s’en était remise à son fondateur.

8   L'ARTISAN DE LA VE RÉPUBLIQUE

De Gaulle forme un gouvernement comptant quelques gaullistes militants, parmi lesquels le garde des Sceaux, Michel Debré, mais dont les quatre ministres d’État sont d’anciens présidents du Conseil de la IVe République, manifestant ainsi une continuité républicaine à laquelle tient de Gaulle pour rendre sa légitimité incontestable. Pendant l’été de 1958 est rédigée la nouvelle Constitution, que 80 p. 100 des Français approuvent par référendum en septembre 1958 et, en janvier 1959, de Gaulle est élu président de la République par un collège de quatre-vingt mille grands électeurs. La nouvelle Constitution instaure en France un régime parlementaire semi-présidentiel, appuyé sur le recours fréquent au référendum et dominé par un chef de l’État entendant exercer effectivement le pouvoir suprême. Là où les partisans du général voyaient dans la consécration de l’appel à la volonté populaire un gage de respect de la souveraineté nationale, les opposants à la Constitution, parmi lesquels figurent François Mitterrand et Pierre Mendès France, dénoncent l’instauration d’un système plébiscitaire où l’autorité de l’exécutif limite étroitement les mécanismes du parlementarisme démocratique.

Trois priorités s’imposent au président nouvellement élu et à son Premier ministre Michel Debré, qui reste en fonction jusqu’en 1962 : rebâtir l’État, rétablir la monnaie, ce qui est rendu possible par le plan d’assainissement économique Pinay-Rueff, qui détermine notamment la création du nouveau franc et, surtout, régler la question coloniale, dominée par le problème algérien. Après avoir apporté son soutien aux Français d’Algérie (auxquels il déclare le 4 juin 1958 : « Je vous ai compris «), de Gaulle met au point, voyage après voyage, sa stratégie, consistant à obtenir la victoire militaire pour faire ensuite la paix sur les bases de l’« autodétermination « des Algériens, qui se voient offrir le 16 septembre 1959 le choix entre la « francisation «, l’« association « (conseillée) et l’indépendance dont de Gaulle prévoit qu’elle mènerait au chaos. Se sentant trahis par celui dont ils avaient appuyé le retour au pouvoir, les partisans de l’Algérie française n’ont ensuite de cesse de s’opposer violemment à lui, lors de la semaine des Barricades à Alger (24 janvier-1er février 1960), puis à nouveau le 22 avril 1961, lors du putsch des généraux, conduit par Salan, Jouhaud, Challe et Zeller. Le général réapparaît à cette occasion en tenue militaire, prend possession des pleins pouvoirs que lui confère l’article 16 de la nouvelle Constitution en cas de crise grave et obtient rapidement le retour à la légalité républicaine. Les pourparlers avec le Front de libération nationale (FLN) débouchent sur la signature des accords d’Évian (18 mars 1962) qui reconnaissent l’indépendance de l’Algérie (et à la minorité européenne le droit théorique de continuer à vivre dans le nouvel État), tout en préservant pour la France un droit de regard sur l’exploitation du pétrole algérien et la possibilité de réaliser des essais nucléaires dans le désert saharien. L’Organisation armée secrète (OAS), mouvement terroriste qui compte bon nombre de militaires de haut rang et de responsables politiques (dont Georges Bidault et Jacques Soustelle) opposés coûte que coûte à ce qu’ils considèrent comme un abandon de l’Algérie, entreprend de saboter les accords d’Évian en pratiquant la politique de la « terre brûlée «, rendant définitivement impossible toute cohabitation entre Algériens et pieds-noirs au sein du nouvel État indépendant. Peu après la déclaration d’indépendance de l’Algérie, le général de Gaulle est victime d’un attentat au Petit-Clamart, qui faillit lui coûter la vie (août 1962).

9   L'INDÉPENDANCE DE LA FRANCE

La solution qu’a apportée de Gaulle à la crise algérienne et l’opposition qu’il manifeste à l’encontre d’une Europe intégrée au sein du Marché commun provoquent des divisions au sein de sa majorité parlementaire. Ces divisions s’aggravent après la décision prise par de Gaulle d’instaurer l’élection du président de la République au suffrage universel direct et aboutissent au dépôt d’une motion de censure, en octobre 1962, qui renverse le gouvernement de Georges Pompidou, successeur de Michel Debré depuis le mois d’avril. Cette décision, qu’on soupçonne d’être porteuse d’une accentuation du caractère présidentiel et monarchique du régime, entraîne une bipolarisation accrue de la vie politique, faisant du général de Gaulle le chef de la majorité présidentielle. Conforté par une nouvelle majorité stable à l’Assemblée nationale, le général se consacre dès lors à une politique d’indépendance nationale face aux États-Unis, laissant à Georges Pompidou la gestion des affaires gouvernementales dans une période de forte expansion économique.

La politique étrangère, qui constitue avec la politique de défense le « domaine réservé « du général de Gaulle, s’articule autour de quelques lignes de force qui n’ont guère varié durant sa présidence et qui ont largement influencé la politique extérieure de ses successeurs. Pénétré de l’idée selon laquelle les relations entre États sont fondées sur des rapports de force dans lesquels les idées de nation et de grandeur nationale priment largement les considérations idéologiques, et soucieux de rendre à la France son rang de grande puissance, il mène une politique étrangère autonome, indépendante de celle des deux grandes puissances, les États-Unis et l’Union soviétique, en situation d’antagonisme permanent, et dote la France d’une force de frappe atomique. Sa fidélité à l’Alliance atlantique explique son soutien aux États-Unis lors de la crise des missiles de Cuba, tandis que sa volonté d’indépendance est à l’origine de sa décision de reconnaître la Chine populaire dès 1964 ou de faire sortir la France du commandement militaire intégré de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), en 1966. Ne cessant jamais de considérer la Russie soviétique comme un avatar de la « Russie éternelle «, il contribue par son ouverture vers l’Est à la détente des années soixante. Favorable à une Europe unie mais hostile à l’entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché commun, il entreprend une politique de réconciliation et de rapprochement avec l’Allemagne en compagnie du chancelier Adenauer (traité de coopération franco-allemande signé le 22 janvier 1963). Opposé à l’idée d’une hégémonie américaine sur le camp occidental, il engage la France dans une politique d’ouverture vis-à-vis du tiers-monde et fait de nombreux voyages en Afrique, en Asie et en Amérique latine. Il est ainsi l’artisan de la politique africaine de la France (après la décolonisation formelle de l’Afrique noire en 1960), de la politique arabe, qui l’amène à condamner l’État d’Israël lors de la guerre des Six Jours en 1967 et critique l’engagement américain au Viêt Nam (discours de Phnom-Penh, 1966). Il appuie également la revendication indépendantiste des Québécois lors d’un voyage au Canada en 1967.

10   UN SECOND SEPTENNAT DIFFICILE

Cette politique de prestige n’empêche pas les difficultés sociales, économiques et financières. Les conceptions sociales du général de Gaulle, fondées sur la « participation « et l’association du capital et du travail ne trouvent guère de traductions concrètes. À la première élection présidentielle au suffrage universel direct, en 1965, il doit affronter l’opposition de la gauche et est mis en ballottage par François Mitterrand au premier tour avant d’être réélu, au second tour, avec 55 p. 100 des suffrages exprimés. Aux élections législatives de 1967, cependant, la majorité gaulliste perd de nombreux sièges au profit de la gauche. Le malaise économique, social et culturel de la France éclate lors de la révolte étudiante de mai 1968, qui est relayée par un puissant mouvement social. Pendant près d’un mois, de Gaulle, d’ordinaire si ferme et sûr de lui, donne l’impression que la situation lui échappe, et ne parvient à enrayer la crise qu’en juin 1968, lorsque les élections législatives, provoquées par la dissolution de l’Assemblée élue l’année précédente, donnent une écrasante majorité aux gaullistes. Malgré cette victoire, le régime paraît ébranlé, et la majorité présidentielle commence à se diviser. De Gaulle remplace Pompidou par Maurice Couve de Murville au poste de Premier ministre, relance l’idée de participation, et engage un grand mouvement de réforme, organisant un référendum sur la réforme du Sénat et la régionalisation, avec l’intention de vérifier l’adhésion des Français à sa politique et à sa personne. La victoire du « non « provoque, comme il l’avait annoncé, sa démission, qui est effective le 27 avril 1969. Retiré à Colombey, il y écrit ses Mémoires d’espoir qui resteront inachevées. Il voyage en Irlande et rend visite à Franco en Espagne avant de s’éteindre, foudroyé par une rupture d’anévrisme, le 9 novembre 1970. Son testament, rédigé en 1952, précisait qu’aucun hommage ne devait lui être rendu, sauf par ses compagnons membres de l’Ordre de la Libération et les villageois de Colombey. Pendant ses obsèques, qui réunissent sa famille et ses proches, une cérémonie parallèle, rassemblant quelque quatre-vingts chefs d’État et de gouvernement, se déroule à Notre-Dame de Paris.

Ainsi prenait fin la carrière politique d’un homme certain d’avoir été investi d’une mission exceptionnelle (« C’était à moi d’assumer la France «, écrivait-il dans ses mémoires) et qui pendant trente ans avait dominé la vie politique française. Paré du prestige que lui conférait son attitude pendant la Seconde Guerre mondiale, de Gaulle s’identifiait à une France éternelle et incarnait une légitimité historique, ce qui lui permit de poursuivre son but, la garantie de la grandeur et de la puissance de la nation. Héritier du bonapartisme selon certains, en raison de l’utilisation qu’il fit du référendum et de sa volonté de donner à la France un exécutif fort, il imposa sa vision d’un président « au-dessus des partis « et d’une certaine indépendance nationale. Son centenaire en 1990 a été célébré avec solennité, témoignage presque unanime de la classe politique à son œuvre de résistant et de bâtisseur de la Ve République. Il laisse également une famille politique qui continue aujourd’hui de s’inspirer de son action politique (le RPR, gaulliste) et qui a reconquis l’Élysée en 1995 avec l’élection de Jacques Chirac. « L’empreinte qu’il aura laissée sur l’histoire de son temps, le caractère à la fois tragique et décisif de ses interventions dans la vie du pays, l’originalité exubérante de son personnage, l’ampleur de ses vues, les talents d’orateur, d’artiste et d’écrivain qu’il aura déployés pour les faire prévaloir font sans doute de Charles de Gaulle le Français capital du XXe siècle « (Jean Lacouture).

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