Devoir de Philosophie

« 80% d'une génération au niveau du bac »

Publié le 01/11/2012

Extrait du document

« 80% d’une génération au niveau du bac « est le slogan emblématique lancé en 1985 par Jean-Pierre Chevènement lorsqu’il était ministre de l’Education Nationale. Formalisée par Lionel Jospin dans sa loi d’orientation sur l’éducation en 1989, la démocratisation scolaire va être le fer de lance des années 80/90. C’est en annonçant l’ouverture et la possibilité d’avancer dans les études, que cette politique scolaire a suscité de nombreux espoirs de promotion sociale et professionnelle dans les milieux populaires. En conséquence, les enfants de cette génération se sont lancés sur la route des études longues se sentant portés par cette vague de démocratisation. Néanmoins, on peut se demander si cet objectif d’amener 80% d’une classe d’âge au baccalauréat a été réalisé dans de bonnes conditions de scolarité. En effet, c’est un « pari osé « que se lance l’Education Nationale. Ce type d’objectif entraîne nécessairement un bouleversement et une mutation pédagogique et organisationnelle. La manière d’accueillir les élèves, le suivi, les moyens donnés doivent être repensés pour que l’école demeure un lieu d’égalité.             En menant cette recherche sur plusieurs années, Beaud a pu ainsi mesurer les effets (contrastés) de cette politique et va tout au long de cette étude tenter de répondre à la question « « 80% au bac « : mirage ou réelle promotion ? «[1].             Les promesses de la démocratisation de l’accès au savoir ont-elles été tenues ? Cette politique scolaire
a-t-elle été réellement une ascension pour les jeunes issus de milieux défavorisés ? Par ailleurs, il va aborder la question de l’écart plus ou moins important entre la vie, la culture du quartier et les exigences intellectuelles demandées par la culture scolaire.  Pour tenter de répondre à ce questionnement, au fil de l’enquête, Beaud nous plonge dans l’intimité, la vie quotidienne des adolescents. La touche de réalisme apportée par une relation humaine constante permet de mieux appréhender désirs et craintes de ces enfants face à cette démocratisation. Comment ces «enfants de la démocratisation « vivent-ils et interprètent-ils les situations et activités scolaires ? Comment travaillent ces adolescents qui, il y a quelques années, n’avaient pas accès à un enseignement général long et au baccalauréat ? Comment font-ils face aux exigences des formes scolaires spécifiques du secondaire et du supérieur ? 1. / L’école démocratique de masse :           1.1. / Espoir… L’école démocratique de masse est originaire du parcours et de l’histoire du système éducatif français qui a connu des transformations de grande ampleur allant toujours vers plus d’égalité et plus d’ouverture. Avec l’impulsion du plan Langevin Wallon, qui pour plus d'unité voulait permettre l’accès à tous à la même école, l’institution s’est ouverte. Elle s’est ensuite transformée en école démocratique en allant vers l’ouverture du secondaire. L’ouverture du système éducatif, la mise
en place du collège unique (loi Haby de 1975), et par conséquent l’accueil de tous les élèves dans les mêmes classes ont donc permis une massification des effectifs, une hausse générale du niveau moyen de formation et l’égalité des chances d’accès à l’université.  La démocratisation revêt un caractère uniforme, c'est-à-dire qu’elle profite à tous les milieux sociaux. Le niveau de formation s’est élevé quelque soit l’origine sociale des élèves. C’est en poursuivant cette impulsion donnée que va s’inscrire la politique scolaire des 80% au baccalauréat. La démocratisation scolaire a donc permis à un certain nombre d’élèves de poursuivre les études et de s’aventurer sur un parcours long. Ainsi les barrières de l’accès au supérieur se sont brisées laissant le passage à un flux d’élèves nouveaux. De ce fait, est né pour ces fils d’ouvriers immigrés un espoir d’échapper à leur destin social[2]. Une grande attente est placée dans l’école pour échapper à sa condition sociale. En continuant sur la voie générale ces enfants ont alors pu se permettre de repenser leur avenir et leur futur parcours de vie. Une attente est née chez les élèves de la démocratisation mais aussi chez les familles de ces dits élèves. En effet, Beaud nous parle de « la représentation des « 80% au bac « par les familles populaires «[3]. Le slogan est réinterprété comme le droit à la poursuite d’études dans la voie générale. C’est une chance enfin donnée de voir leurs enfants traités, à l’école,
sur un pied d’égalité. L’aspiration des jeunes et de leurs familles à de longues études rencontre des intérêts tant économiques que professionnels. C’est pour eux une formidable promotion : l’enseignement général n’est plus uniquement ouvert qu’à une seule partie de la population. Cependant l’ouverture de l’enseignement ne veut pas signifier la fin de la sélection. C’est un déplacement de la sélection qui s’opère. Celle-ci, qui était d’abord sociale, se retrouve dans l’école elle-même.  Bourdieu avec Les héritiers a démontré que cette sélection existe toujours dans le monde scolaire, et que celle-ci se réalise dorénavant en son sein. En effet, cette ouverture à tous rend ce système plus juste mais le conduit aussi à sélectionner lui- même les élèves. L’enseignement secondaire n’étant plus réservé qu’à une seule partie de la population, il est ouvert à tous et tous y sont progressivement sélectionnés. Si la démocratisation au sens quantitatif a réussi, la démocratisation qualitative connaît encore des difficultés de réalisation. 1.2. / …et désillusions           C’est ainsi que la sélection, opérant dans l’école, a apporté son lot de désenchantements. Cette élévation générale du niveau de formation et de certification des nouvelles générations n’a pas fait disparaître les inégalités sociales face au savoir et à la formation. Cette école démocratique, qui est ouverte à tous et qui s’efforce d’égaliser l’accès aux études, crée aussi des inégalités.
En accroissant son emprise, elle détermine directement les carrières des élèves au cours d’une scolarité plus longue : elle sanctionne et hiérarchise les élèves puisque toute une classe d’âge est invitée à prendre part à la même compétition scolaire. D’où un changement de nature pour le système scolaire qui engendre des crises. Les inégalités demeurent considérables et se construisent aujourd’hui pour une large part au travers des processus d’orientation tout au long de l’enseignement secondaire. Ceux-ci conduisent certes, de plus en plus fréquemment à un niveau baccalauréat mais selon des filières et des voies de formations très hiérarchisées. Ce qui entraîne des possibilités de poursuite d’étude post secondaires mais aussi un rendement inégal sur le marché du travail. 2. / Le secondaire C’est dans le contexte de l’école démocratique que je viens d‘expliquer que Beaud entreprend son enquête.  Il commence son travail de terrain par l’étude des années collège. Le collège semble être une période sans heurt ni remise en question pour ces enfants de Granvelle. Le collège, lieu de prime adolescence, ne rompt pas les habitudes des élèves. C’est un prolongement direct de leur quartier et un cocon socialement homogène. Le collège offre un cadre rassurant qui développe une sociabilité forte. Les élèves se sentent protégés du fait qu’ils se retrouvent entre eux dans un collège de type « familial « où les professeurs sont plus ou moins proches
d’eux. Beaud prend le collège pour point de départ de son enquête pour bien nous signifier le contexte dans lequel sont immergés ces adolescents. Fils d’ouvriers immigrés, ils font partis de la deuxième génération. Ainsi, c’est dans ce rapport assez complexe qu’ils vivent leurs scolarités. Entre la crainte de devenir ouvrier de l’usine de la région, les sollicitations du quartier, le désir de combler les attentes de leurs parents, il faut qu’ils trouvent leur place d’élève et une place pour leur travail scolaire. L’année de la troisième amène la question de l’orientation qui correspond à la première mise en question pour ces enfants. Beaud nous rend compte du choix à la fois réfléchi et incertain de ces adolescents, confrontés à l’enseignement professionnel ou au lycée général. Le groupe de pairs et le discours des enseignants exercent une pression sur leurs choix.  L’abaissement de la barrière à l’entrée du lycée général va soudainement permettre à ces enfants de s’ouvrir à un champ de possibilités plus vaste et à s’autoriser des espoirs scolaires qui n’étaient pas jusque là envisagés par eux et leurs familles. De plus, le chômage de masse frappe les jeunes diplômés, d’où une tentation de faire des études les plus longues possibles en évitant à tout prix le passage au lycée professionnel. Celui-ci qui semble s’effondrer car sans avenir à une époque où la valeur sociale des ouvriers s’écroule. C’est donc en suivant la « norme scolaire « dominante
que la plupart ont formé la première génération de lycéens de leurs familles. Cependant le lycée génère une incertitude profonde. En effet, l’entrée en seconde peut occasionner un choc pour certains élèves chez qui l’acculturation scolaire ne pourra pas se faire. Insuffisamment armés scolairement et culturellement, ils se remettent plus ou moins bien de la confrontation à des jeunes issus d’autres milieux et à une culture scolaire plus exigeante. Il sont dans l’incertitude scolaire : Ont-ils bien le niveau attendu ? Le rapport tendu entre la culture du quartier et celle de l’école s’accroît au lycée. Beaud nous relate le cas de Sofiane qui a adhéré totalement aux exigences du lycée. Il s’éloigne de son quartier au moment de son passage en seconde et va se poser peu à peu comme observateur de celui-ci. Puis vient le cas de Nassim. L’entrée au lycée ne change pas ses habitudes du collège. Pour lui, « sa vraie vie est ailleurs «, elle se passe dans son quartier. Beaud commence à nous faire comprendre qu’une certaine rupture avec le quartier est nécessaire pour une réussite scolaire. Les inégalités sociales et les inégalités entre les quartiers creusent des écarts entre les établissements scolaires. La sélection entre les établissements scolaires apparaît. La massification a changé les règles du jeu. D’où un mouvement de ghettoïsation qui s’est mis en place : les collèges et lycées élitistes d’un coté et les collèges et lycées ingérables de l’autre.
Les établissements scolaires ont donc développé des stratégies pour répondre à cette concurrence latente : mise en place de classe vitrine, dimension élitiste de certaines formations... . La manière dont Beaud nous montre les différentes façons de réagir à l’accueil des 80% au bac est intéressante. On le constate dans la confrontation de deux lycées. On note ainsi d’un coté, la présence du lycée bourgeois « du centre ville « où la manière d’enseigner n’évolue pas vraiment pour accueillir ces nouveaux lycéens. On sent une carence compréhension de la part de cet établissement où règne un certain élitisme. Beaud nous cite l’exemple de la professeur qui fait décliner à haute voix la profession des parents ce qui est ressenti comme humiliant pour certains.  De l’autre côté, il se trouve le lycée dit de « périphérie « qui, de part son origine d’accueil, se montre plus compréhensif envers les nouveaux lycéens. Il cherche à mobiliser les élèves et les professeurs pour un plus grand dialogue et une plus grande ouverture. Cependant, Beaud trace peut-être ici un portrait trop tranché et caricatural des deux lycées. Par ailleurs, Beaud insiste sur la très grande différence entre les garçons et les filles. Les filles ont un investissement scolaire fort. Elles sont beaucoup plus protégées de la culture du quartier que les garçons : Avoir le bac et aller à la fac, c’est leur stratégie pour quitter le quartier, la grande emprise de leur famille[4] et probablement échapper
à un mariage précoce. Au cours de leur parcours scolaire, elles prennent des habitudes de travail et le phénomène d’acculturation se met en place. Les garçons, eux, n’ont vraiment pris d’habitude scolaire. Pour eux, l’école s’est traduite par une bonne écoute en classe et une participation active ce qui n’a pas été le cas pour le travail à la maison et le passage à l’écrit. Ils ont du mal, en général, à entrer dans la logique scolaire et, par conséquent, à la culture scolaire. 3. / L’enseignement supérieur             Dans cette partie, Beaud tente de répondre à la question : Que vont devenir après le Bac ces lycéens demi-acculturés scolairement ? Il va suivre quatre lycéens de Granvelle (Nassim, Sabri, Djamel, Ferhat) qui, après une scolarité moyenne, ont décroché un « petit bac « (comme ils le disent eux-mêmes). Ils décrochent ce bac passeport vers des études supérieures.             Au moment d’enter dans l’enseignement supérieur, la plupart tentent d’éviter le premier cycle universitaire et font des demandes d’admission en BTS ou IUT. La hiérarchisation des filières se poursuit dans l’enseignement supérieur. En effet, le système post-bac s’est fortement classifié avec d’un coté des filière sélectives (comme les BTS, IUT et classes préparatoires) et de l’autre des filières plus ouvertes comme le DEUG.             Ces lycéens sont mal préparés aux parcours après Bac. Ils ne connaissent et ne maîtrisent pas les codes : l’importance
du dossier de BTS et des entretiens. Aucune préparation ne leur a été offerte au cours de leur terminale. C’est ainsi que les portes de l’université, sans être vraiment prêts, s’ouvrent à eux, comme seule option de continuité. Le DEUG peut servir de refuge aux bacheliers de niveau « faible « qui n’ont pas été admis dans des filières sélectives. Au cours de ces années, Beaud va pratiquer une observation participante. C’est ainsi qu’il va se plonger plus en douceur dans les vies estudiantines de ces jeunes. Beaud va alors nous montrer que ces jeunes ont une façon superficielle et ponctuelle de vivre leur statut d’étudiant et comment, dès le départ, ils pratiqueront une résistance à l’acculturation. Si l’entrée à l’université n’est théoriquement pas sélective, ces nouveaux étudiants ne se voient offrir aucun accompagnement de tutorat. C’est ainsi qu’ils se désintéressent de la vie à la « fac «. Ils préfèrent continuer à habiter leur quartier plutôt que de tenter une vie indépendante. Rien n’exprime mieux leur distance que leur absence de maîtrise du vocabulaire de l’institution. « Six mois après la rentrée, Nassim continue de parler de « cours marginaux « pour designer les cours magistraux […]. Lorsque je prononce le mot « bibliographie «, il n’est pas immédiatement compris, mais, après un temps de réflexion, Sabri me demande : « Tu veux dire la liste des bouquins ? « «[5] C’est en s’intéressant aux modalités de l’organisation de leur travail que
l’auteur montre l’inadaptation de ces étudiants aux contraintes inhérentes aux études universitaires. Ils ne peuvent plus se reposer sur les manières de procédés du collège et du lycée.  Le temps universitaire est marqué par très peu de repères. Ces jeunes ont beaucoup de mal à planifier leur travail de manière autonome. Au fil des années, ils vont être fragilisés dans des études universitaires longues qu’ils n’ont pas réellement choisies.  L’accès aux premiers cycles universitaires est perçu par ces jeunes et leurs familles comme une possibilité offerte de plus pour accéder à une insertion professionnelle plus valorisante, mais cette possibilité cache de nouveau un processus de sélection, voire d’élimination des enfants de milieu populaire. A la fin de leurs études, les diplômés croient en la valeur de leurs titres et espèrent accéder à un emploi relié avec leur formation. Mais l’échec récurrent aux concours leur fait mesurer l’intensité de la compétition sociale et la faiblesse de leurs chances de réussir ces épreuves. Certains alors se rabattent vers les emploi- jeunes et la petite fonction publique. Dubet dans Pourquoi changer l’école ? (Textuel, 1999) dénonce, la grande frustration scolaire : l’école a une capacité à produire des diplômes beaucoup plus forte que celle à produire des emplois. Ainsi, de nombreux jeunes à qui l’école a fait miroiter une perspective d’une réussite scolaire quasi automatique (comme les 80% de bacheliers annoncés par Chevènement)
sont déçus par ce système scolaire. C’est ainsi qu’après avoir démocratisé le baccalauréat, il faut démocratiser dans de bonnes conditions) l’enseignement supérieur. 4. / Retour sur la scolarité des « enfants de la démocratisation «             Grâce à l’abaissement de la barrière d’entrée en seconde, ces jeunes ont pu échapper à l’orientation inévitable du lycée professionnel et découvrir le lycée général. En 3 ou 4 ans, même s’ils n’apparaissent pas comme des bons élèves, ils changent peu à peu leur manière d’être, comprennent au contact des autres que le langage de la rue les dessert, apprennent à se contrôler et à fournir des efforts scolaires. Beaud parle de désillusion pour la catégorie des bacheliers de la génération des 80%. Ils sont passées par le lycée général et ont obtenu leur baccalauréat, mais ont ensuite échoué à l’université. Ils se retrouvent maintenant salariés d’exécution, ou intérimaires payés au  SMIC. La massification entraîne de nombreuses dérives, qui s’identifient notamment chez ces enfants de la démocratisation qui n’ont pas pu s’appuyer sur un socle de scolaire suffisant. Ils n’ont pas intégré dès le plus jeune âge les codes indispensables ; Ils ne disposent pas d’un espace de travail ; leurs parents ne sont pas en mesure de leur venir en aide dans leurs devoirs. Or le problème aujourd’hui se traduit par le manque d’incitation au travail scolaire qui touche en premier les familles populaires. L’école ne
leur a pas permis d’obtenir la réussite qu’elle leur avait fait miroiter. Alain Prost dans son ouvrage L’enseignement s’est-il démocratisé ? (1986) nous parle des conditions nécessaires à la réussite du pari de la démocratisation. Il aurait fallu adapter les structures du système scolaire et ses pratiques pédagogiques à l’accueil d’un public hétérogène. Or le modèle scolaire dominant reste celui d’un savoir académique auquel les élèves sont confrontés sans être véritablement aidés à en comprendre les méthodes. Beaud parle d’une génération de « déclassés sociaux«, chez qui on retrouve beaucoup de ressentiment envers le système éducatif qui les a bercés d’illusions. Ils en regrettent jusqu’à leur refus du lycée professionnel, tant déprécié auparavant. L’école étant aujourd’hui en principe ouverte à tous, chacun y est considéré comme responsable de sa destinée. On attribue moins volontiers les inégalités scolaires aux injustices sociales. Les réussites et les échecs sont perçus comme étant dues aux qualités personnelles de l’individu. Les tentatives d’explication de la persistance de l’échec scolaire ne manquent pas. Elles visent, le plus souvent à imputer la responsabilité à des facteurs extérieurs à l’école. Au nom de l’école ouverte sur le monde et de la démocratisation, il s’est mis en place un système insidieux qui conforte l’ordre scolaire et les croyances qui s’y rapporte. Voici la thèse défendue par Laurent Jaffro et Jean-Baptiste Rauzy dans L’école désœuvrée.
« On nous dit que l’échec est imputable aux enfants eux-mêmes et au fameux « handicap socioculturel «, dont ils sont finalement le substrat. L’école est ainsi exemptée de toute obligation de résultat. Il y a des enfants étrangers dont les parents maîtrisent mal la langue française, des enfants psychologiquement déstabilisés, il n’y a jamais d’enfants mal enseignés. « Conclusion Statistiquement, la démocratisation n’est pas un échec total. En effet, les chiffres le démontrent : de 30% de bacheliers en 1985, on est passé à 65% dix ans plus tard. Les effets démocratiques de l’école unique a permis une avancée qu’il ne s’agit pas de nier : la hausse du niveau de scolarisation, la multiplication des bacheliers, l’allongement des scolarités des enfants d’ouvriers, le développement de formations supérieures. Néanmoins, la trajectoire de ces jeunes montre de sérieux décalages entre les espoirs et la réalité. « Aujourd’hui ces « enfants de la démocratisation « sont, tant sur le plan scolaire que sur le plan professionnel, dans un entre-deux : ni dans la réussite ni dans l’échec complet «[6] Ces « nouveaux lycéens « s’inscrivent dans un double mouvement contradictoire : ils « montent socialement «, en accédant à l’enseignement secondaire long dans une trajectoire de mobilité ascendante par rapport à leurs familles, mais ils « descendent scolairement «, en aboutissant dans des établissements et des filières qu’ils fréquentent au terme d’un parcours
fait d’échecs scolaires relatifs et d’orientation subie comme dévalorisante. Beaud affirme que la promotion sociale par l’école est pour l’essentiel une illusion et que le système s’appuie sur la réussite de quelques exceptions pour attribuer des responsabilités individuelles à l’échec de tous les autres. Que deviennent ces jeunes qui ont cru voir se dessiner un avenir brillant et qui pensaient que le baccalauréat pourrait leur ouvrir d’autres portes ? Que se passe-t-il après l’obtention du baccalauréat ? Que deviennent ces jeunes qui croyaient aux promesses de l’école ? Rien n’est prévu pour cela. Les enfants sont « lâchés « et doivent trouver les clés de la réussite seuls. Le gouvernement n’a pas mesuré les effets qui gravitent autour de leur objectif de 80%.  Cette démocratisation a été menée sans donner les moyens pédagogiques d’accueillir ces jeunes. Les méthodes de travail, la formation des professeurs, la réflexion sur les parcours post-bac ne sont pas allées de pair avec ce mouvement. Connaître le système scolaire devient donc primordial pour assurer à ces enfants une bonne scolarité.  Nous sommes aujourd’hui à la croisée des chemins. Le rapport Thélot et la loi Fillon sont les nouvelles lois de programmation qui vont déterminer ce que fera l’école française pour les quinze années à venir.

Liens utiles