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Les gens bien portants sont des malades qui s'ignorent. Knock de Jules Romains

Publié le 22/02/2012

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knock
• Cette phrase figure dans l'acte I de la comédie en trois actes de Jules Romains (1885-1972) intitulée Knock ou le triomphe de la médecine. La pièce a été représentée avec succès, pour la première fois à la Comédie des Champs-Elysées, le 15 décembre 1923, sous la direction de Jacques Hébertot, dans la mise en scène et les décors de Louis Jouvet. Dédiée à Louis Jouvet (1887-1951), prestigieux interprète du docteur Knock, cette comédie vise, comme l'indique le sous-titre, à mettre ironiquement en évidence « Le triomphe de la médecine» incarné, en l'occurrence, par le Docteur Knock.
knock

« « KNOCK.

— Ça vous fait mal quand j'enfonce mon doigt ?LE TAMBOUR.

— Oui, on dirait que ça me fait mal.

KNOCK.

— Ah! ah! (Il médite d'un air sombre).

Est-ce que ça nevous gratouille pas davantage quand vous avez mangé de la tête de veau à la vinaigrette?LE TAMBOUR.

— Je n'en mange jamais.

Mais il me semble que si j'en mangeais, effectivement, ça me gratouilleraitplus.

»(acte II, scène 1) A observer la conduite des consultants du docteur (la paysanne avare et constipée ou la dame Pons, née demoiselleLempoumas, aussi désoeuvrée que la première est occupée), on se rend vite compte que la maladie (imaginaire)opère à la manière du « divertissement» pascalien : elle fait diversion, elle détourne la dame Pons, par exemple, deses obsessions boursières; ce faisant, elle focalise sur le corps, elle «médicalise» le malaise existentiel, avec l'aidedu bon docteur.

La brave dame s'en explique judicieusement : « Vous ne sauriez croire quels tourments me donne la gestion de mes quatre sous.

Je me dis parfois qu'il me faudraitd'autres soucis pour chasser celui-là.

Docteur, la nature humaine est une pauvre chose.

Il est écrit que nous nepouvons déloger un tourment qu'à condition d'en installer un autre à la place.

Mais au moins trouve-t-on quelquerépit à en changer.

»(acte II, scène 5) Madame Pons est insomniaque? Qu'à cela ne tienne ! Le Docteur Knock traitera la maladie à la radioactivité pendantdeux ou trois années (avec visite quotidienne du docteur).

La dame, reconnaissante : « Oh! moi, je ne manquerai pas de patience.

Mais c'est vous, docteur, qui n'allez pas vouloir vous occuper de moiautant qu'il faudrait.

»(acte II, scène 5) Animé d'un sens publicitaire aigu, Knock s'acquiert d'abord l'estime des notables : le pharmacien et l'hôtelière,tenancière du Medico-Hôtel, tous deux étant la cheville ouvrière de l'action du docteur; l'instituteur, M.

Ber-nard,qui se persuade qu'il est «porteur de germes» et en perd le sommeil.

Aucune mention n'étant faite des prêtres de laparoisse, il est permis de penser que le Docteur est devenu également le « médecin des âmes».Rapidement, le docteur Knock, riche, considéré, adulé même, règne sans partage sur son fief, secondé dupharmacien, M.

Mousquet (qui a quintuplé son chiffre d'affaires), de Mme Rémy, dont l'hôtel est devenu un centrede soins renommé à la ronde.

Retrouvant, au dénouement de la pièce, son prédécesseur, ébranlé par sa réussite aupoint de lui demander une consultation, le Docteur Knock, animé par une espèce de sacerdoce laïque et de folie desgrandeurs quelque peu paranoïaque, s'exclame, triomphant : « Vous me donnez un canton peuplé de quelques milliers d'individus neutres, indéterminés.

Mon rôle, c'est de lesdéterminer, de les amener à l'existence médicale.

Je les mets au lit, et je regarde ce qui va pouvoir en sortir : untuberculeux, un névropathe, un artério-scléreux, ce qu'on voudra, mais quelqu'un, bon Dieu, quelqu'un! Rien nem'agace comme cet être ni chair ni poisson que vous appelez un homme bien portant.

»(acte III, scène 6) Si la vie a un sens, comme le proclame Knock, son sens ne peut être que « médical».

Mais faire naître les hommesl'« existence médicale» implique une subversion complète des valeurs habituelles, puisqu'il s'agit de lutter non contrela maladie ou, le cas échéant, la mort, mais, à l'inverse, contre la vie : tout homme apparemment bien portant sedoit d'affirmer son existence de malade.

C'est donc une stratégie de nature militaire qu'adopte Knock.

Puisqu'il estavéré que la guerre moderne « peut durer plus de six semaines», il faut prévoir, à l'arrière du front où sont lesmalades, «une espèce de réserve».

Jour et nuit, le combat fait rage : le jour, la maladie allume « le feu souterrainde notre art», annonce Knock; la nuit, le spectacle est grandiose :« Les non-malades dorment dans les ténèbres.

Ils sont supprimés.

Mais les malades ont gardé leur veilleuse ou leurlampe.

Tout ce qui est en marge de la médecine, la nuit m'en débarrasse, m'en dérobe l'agacement et le défi.

Lecanton fait place à une sorte de firmament dont je suis le créateur continuel.

»(acte III, scène 6) Louis Jouvet, prodigieux acteur et interprète de Knock, dans cette pièce qui a été pour lui l'occasion de sa secondemise en scène — après M.

Le Trouhadec saisi par la débauche, de Jules Romains également — affectionne toutspécialement ce rôle : «J'ai pour Knock une reconnaissance inaltérable.

Il réaimante les comédiens, réjouit le public, exorcise les huissierset met en fuite le spectre de la faillite qui hante particulièrement les édifices dramatiques.

Pièce clé, pièce phénix,pièce saint-bernard, pièce providence et tutélaire, pendant vingt-cinq ans, j'ai repris Knock quatorze fois.

». »

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