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GEORGE SAND, Les Maîtres-Sonneurs

Publié le 10/10/2011

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CE QU'IL FLÛTA, ne me le demandez point. Je ne sais si le

diable y eut connu quelque chose; tant qu'à moi, je n'y

connus rien, sinon qu'il me parut bien que c'était le même air

que j'avais ouï cornemuser dans la fougeraie. Mais j'avais eu

si belle peur dans ce moment-là, que je ne m'étais point embarrassé

d'écouter le tout; et, soit que la musique en fut longue,

soit que Joseph y mit du sien, il ne décota de flûter d'un gros

quart d'heure, mettant ses doigts bien finement, ne dessouffiant

mie, et tirant si grande sonnerie de son méchant roseau, que dans

des moments, on eut dit trois cornemuses jouant ensemble.

Par d'autres fois, il faisait si doux qu'on entendait le grelet

au dedans de la maison et le rossignol au dehors; et quand

Joset faisait doux, je confesse que j'y prenais plaisir, bien que

le tout ensemble fut si mal ressemblant à ce que nous avons

coutume d'entendre que ça me représentait un sabbat de fou.

- Oh, oh! que je lui dis quand il eut fini, voilà bien ta musique

enragée. Où diantre prends-tu tout ça! à quoi que ça peut

servir, et qu'est-ce que tu veux signifier par là?

Il ne me fit point réponse, et sembla même qu'il ne m'entendait

point. Il regardait Brulette qui s'était appuyée contre une chaise

et qui avait la figure tournée du côté du mur.

Comme elle ne disait mot, Joset fut pris d'une flambée de

colère, soit contre elle, soit contre lui-même, et je le vis faire

comme s'il voulait briser sa flûte entre ses mains; et je fus

bien étonné de voir qu'elle avait de grosses larmes au long des

joues.

GEORGE SAND, Les Maîtres-Sonneurs.

C'est un paysan qui raconte ici un épisode de sa jeunesse; il ne saurait être question de lui faire tenir un langage académique ou simplement châtié. Mais le patois berrichon serait inaccessible à la grande majorité des lecteurs. George Sand en écrivant cene page nous offre l'exemple d'une synthèse relativement réussie, dont nous devons rechercher les moyens.

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« 0 LES INTENTIONS DE GEORGE SAND C'est un paysan qui raconte ici un épisode de sa jeunesse; il ne saurait être question de lui faire tenir un langage académique ou simplement châtié.

Mais le patois berrichon serait inaccessible à la grande majorité des lecteurs.

George Sand en écrivant cene page nous offre l'exemple d'une synthèse relativement réussie, dont nous devons rechercher les moyens.

G LES RESSOURCES DU VOCABULAIRE Le patois au sens strict n'apparaît que deux fois : les mots« décota », « grelet ».

Par ailleurs l'auteur fait parfois du berrichon à sa façon, créant des mots à la mode régionale, comme « cornemuser » ou « dessoufler ».

Mais ce qui donne essentiellement au vocabulaire de cette page son caractère pseudo-rustique, ce sont les archaïsmes, français et non berrichons, empruntés au seizième siècle (à Rabelais en particulier) ou aux deux siècles suivants, et, comble du paradoxe, à la langue littéraire : le verbe « ouïr », le verbe « entendre » pris dans le sens de « comprendre », « confesse » au sens d'« avouer» .

e LES RESSOURCES DE LA LANGUE Dans sa recherche d'une vraisemblance rustique, George Sand n 'emprunte rien à l'usage grammatical berrichon, car elle veut écrire une œuvre d'expression française.

Mais pour suggérer la gaucherie paysanne, elle introduit des constructions familières ou populaires.

L'absence de l'article défini ou indéfini lui permet de créer des expressions verbales insolites : « j'avais eu si belle peur », « tirant si grande sonnerie »; elle emploie « çà » pour « cela »; elle adopte certaines incorrections populaires comme « oh 1 oh 1 que je lui dis ...

» ou « ne me demande point si c'est que j'ai de l'aise ».

Enfin, dans ce domaine aussi, elle a recours à des constructions anciennes d'origine littéraire : pronom régime placé avant l'auxiliaire (« je ne m'en puis empêcher.

..

»), emploi fréquent du parfait de l'indicatif et de l'imparfait du subjonctif(« il fiOta ...

y eOt connu», etc.), anciens adverbes de négation (« ne ...

point», « ne ...

mise », « ne ...

mot »).. »

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