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Gottfried de Strasbourg, Tristan et Isolde (extrait).

Publié le 07/05/2013

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Gottfried de Strasbourg, Tristan et Isolde (extrait). Isolde, fille de la reine d'Irlande, est conduite auprès du roi Marc de Cornouailles auquel elle est promise, par Tristan, neveu du roi. Lors du voyage, les deux jeunes gens qui ne s'estiment guère boivent par mégarde pour se désaltérer un philtre d'amour que la reine avait préparé pour les futurs époux. Dès lors plus rien ne pourra les séparer, le breuvage fatal les unira jusque dans la mort. Tristan et Isolde de Gottfried de Strasbourg (Livre III, chapitre 8) [...] À l'instant même où la jeune fille et le jeune homme, Isolde et Tristan, eurent bu le breuvage, tout le tourment du monde fut aussitôt là également : l'Amour, qui tend des pièges à tous les coeurs, se glissa dans leurs deux coeurs. Avant qu'ils s'en aperçussent, il planta en eux sa bannière victorieuse et les soumit à son pouvoir. Les deux jeunes gens qui, auparavant, étaient deux et distincts, ne furent plus qu'un et d'une seule essence ; toute hostilité avait disparu entre eux, la haine d'Isolde s'était évanouie. l'Amour, le réconciliateur avait si bien purifié leurs coeurs de la haine et les avait si étroitement unis dans la tendresse qu'ils étaient devenus l'un pour l'autre transparents comme un miroir. Ils n'avaient à eux deux plus qu'un seul coeur : la souffrance d'Isolde était la douleur de Tristan, la douleur de Tristan était la souffrance d'Isolde. Ils étaient tous deux pour toujours étroitement unis dans la joie comme dans la peine, et pourtant le doute et la honte faisaient que chacun cachait à l'autre ses sentiments : elle avait honte -- et lui aussi ; elle doutait de lui, et lui d'elle. Si aveuglément que le désir de leurs deux coeurs poursuivît un même but, il leur en coûtait à tous les deux de faire le premier pas. C'est pourquoi chacun cachait à l'autre son désir. Quand Tristan sentit germer l'amour en lui, il lui revint à l'esprit son devoir de loyauté et son honneur, et il voulut échapper à son pouvoir. « Non, pensait-il constamment en lui-même, renonce donc, Tristan, reviens à la raison ! Bannis pour toujours de telles pensées de ton esprit ! « Mais son coeur le ramenait toujours à elle. C'est ainsi qu'il bataillait contre son vouloir, qu'il désirait contre son désir : il était constamment tiraillé d'un côté et de l'autre. Prisonnier qu'il était, il faisait mille et mille tentatives pour échapper au filet, et longtemps il résista. À cause de sa loyauté il était la proie de deux douleurs profondes : car chaque fois qu'il se trouvait en sa présence et que la douce force de l'amour s'insinuait dans son coeur et ses pensées, il songeait aussitôt à l'honneur, et celui-ci l'aidait à rompre le charme. Mais l'Amour, son seigneur et maître, l'attaquait à nouveau et l'obligeait à se soumettre. Sa loyauté et son honneur le tourmentaient durement, mais l'Amour le tourmentait plus encore : il le faisait atrocement souffrir. Il lui faisait plus mal que loyauté et honneur ensemble ! Dès que son coeur la regardait en souriant, il détournait les yeux -- mais, ne plus la regarder, c'était là sa plus atroce peine. Sans trêve il se creusait l'esprit, tel un prisonnier, pour trouver un moyen de lui échapper, et il se répétait en lui-même : « Tourne ton désir vers d'autres buts ! Regarde autour de toi : aime et désire une autre femme ! « Et pourtant il sentait de nouveau le lacet. Il examinait alors son coeur et ses pensées pour voir si quelque chose avait changé, et pourtant il n'y trouvait toujours qu'Isolde et l'Amour. Source : Tristan et Yseut, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade «, 1995. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

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