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Guillaume APOLLINAIRE, Le Guetteur mélancolique

Publié le 16/09/2011

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apollinaire

0 mon coeur j'ai connu la triste et belle joie

D'être trahi d'amour et de l'aimer encore

0 mon coeur mon orgueil je sais je suis le roi

Le roi que n'aime point la belle aux cheveux d'or

Rien n'a dit ma douleur à la belle qui dort

Pour moi je me sens fort mais j'ai pitié de toi

0 mon coeur étonné triste jusqu'à la mort

J'ai promené ma rage en les soirs blancs et froids

Je suis un roi qui n'est pas sûr d'avoir du pain

Sans pleurer j'ai vu fuir mes rêves en déroute

Mes rêves aux yeux doux au visage poupin

Pour consoler ma gloire un vent a dit Écoute

Élève-toi toujours. Ils te montrent la route

Les squelettes de doigts terminant les sapins.

Guillaume APOLLINAIRE, Le Guetteur mélancolique.

 

Dans un commentaire composé de ce texte, vous pourriez par exemple rechercher par quels procédés poétiques (vocabulaire, images, versification ... ) Apollinaire présente une version originale du thème (somme toute assez banal) de l'amour malheureux.

apollinaire

« Dans son désespoir , Je poète oscille entre deux attitudes : J' aban­ don à la douleur , et le stoïcisme.

Cette double attitude se traduit dans Je sonnet par une sorte de dédoublement : s'adressant à son cœur, Je poète s'apitoie sur son sort; son« moi "• en revanche, fait entendre la voix du courage et de la dignité .

Le- lyrisme de l'invocation initiale : « 0 mon cœur •, répétée aux vers 3 et 7, donne la tonalité de ce poème, qui est celle d'une élégie.

Devant son malheur , Je cœur du poète est « étonné • au sens étymologique du terme, c'est-à-dire foudroyé par la douleur; incapable de réagir , il est « triste jusqu'à la mort •.

Et cette tristesse, le poète va la chanter dans un sonnet aux rimes assez irrégulières (les quatrains sont écrits en rimes croisées et non pas embrassées , et les tercets sont construits sur deux rimes seulement au lieu de trois) mais d'une grande euphonie.

Des rimes aux sonorités assez dures Ooie , roi, toi, froids ; pain, poupin, sapins : dans ce deuxième exemple, la rime riche retient d'autant plus J'attention) alternent avec des rimes aux sonorités plus douces (la rime féminine : déroute, Écoute, route ; la rime terminée par une voyelle ouverte : encore, or, dort , mort), et cette variation correspond parfaitement à l'alternance des sentiments.

Surtout, J'absence presque totale de ponctuation (un seul point, deux majuscules seulement « en tête de phrase "• ailleurs qu'en début de vers) confère à ce poème le caractère d'une longue plainte.

A la correction des épreuves d'A/cools, Apollinaire devait, nous Je savons, innover en généralisant le procédé .

Pour lui, « Je rythme même, et la coupe du vers , voilà la véritable ponctuation "· Enfin , l a mélodie du poème est renforcée par les répétitions (celle de l'invocation) et par les reprises de mots : « je sais je suis le roi 1 Le roi que n'aime point la belle aux cheveux d'or 1 Rien n'a dit ma douleur à la belle qui dort » ; « Sans pleurer j'ai vu fuir mes rêves en déroute 1 Mes rêves aux yeux doux au visage poupi n...

• Redonnant au mot « sonnet » son sens premier, c'est une vraie chanson que nous propose Apollinaire .

Cette tristesse, ces accents élégiaques , ne vont certes pas sans une certaine complaisance.

Le poète malheureux trouve une consola­ tion , une source de joie dans sa souffrance même, ainsi que Je , souligne l'expression paradoxale des premiers vers : « .

.

.

j'ai connu la triste et belle joie 1 D'être trahi d'amour et de J'aimer. »

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