Devoir de Philosophie

HEGEL et le devoir de bienfaisance

Publié le 26/04/2005

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hegel
Il est des devoirs qui ne découlent pas du droit d'autrui, par exemple le devoir de bienfaisance. Le malheureux n'a, pour ce qui est de lui, de droits sur ma bourse que dans la mesure où il suppose que c'est moi qui me ferais un devoir d'assister les malheureux; quant à moi, mon devoir ne se fonde pas sur son droit : son droit à la vie, à la santé, etc., ne concerne pas des individus mais l'humanité en général (le droit de l'enfant à la vie concerne les parents) et ce droit impose à l'État, ou tout simplement à ses proches, et non à l'individu, le devoir de l'entretenir. (Quand on prétend demander à quelqu'un d'aider à lui seul un pauvre, il répond souvent par une échappatoire : il ne sait pourquoi ce serait lui, un autre le pourrait tout aussi bien que lui. Il y consent plus volontiers sous forme de contribution partagée avec d'autres, d'une part, naturellement, parce que ainsi il n'a pas à supporter la totalité de la dépense, mais, d'autre part, parce qu'il sent bien que ce devoir n'incombe pas à lui seulement, mais également aux autres.) C'est en ma qualité de membre de l'État que le pauvre doit exiger de moi l'aumône comme un droit, mais ici il formule son exigence de manière immédiate alors qu'il devrait le faire par l'intermédiaire de l'État. HEGEL

 

  • 1) Une distinction entre nos devoirs à l'égard d'autrui :

   — Certains sont liés au droit (au «droit d'autrui«) : ¡l s'agit des devoirs légaux [par exemple réparer le dommage que nous avons causé à autrui et dont nous sommes responsables : ce devoir découle du droit d'autrui à une réparation.  — D'autres ne sont pas liés au droit : il s'agit des devoirs moraux, comme le devoir de bienfaisance (charité).

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« de faire l'aumône n'est pas une preuve d'égoïsme ou d'avarice : il y aurait dans cette attitude le pressentimentdu caractère collectif du devoir à l'égard des pauvres. I.

L'État libère le mendiant de l'asservissement à son bienfaiteur. 1.

L'aumône asservit celui qui la reçoit. Même si le pauvre n'a aucun droit sur moi, et si je n'ai pas de devoir particulier à son égard, tout geste debienfaisance individuelle est-il pour autant condamné? Hegel n'écrit rien de tel.

Toutefois, à la lumière du texte,on peut comprendre les limites de la générosité privée.

Si le pauvre n'a aucun droit sur moi, c'est donclibrement que je lui viens en aide.

Autant dire que pour sa vie et sa mort, il dépend du bon vouloir de ceux quil'assistent.

Nous voyons que l'aumône asservit les individus les uns aux autres.

C'est encore plus flagrantquand un riche fait vivre ses « pauvres » : quand la vie d'un homme dépend du bon plaisir d'un autre, qu'y a-t-il sinon de l'esclavage?Si le don est gratuit, ne répondant à aucun devoir, je dépends du bon vouloir d'autrui.

Je ne veux doncreconquérir l'indépendance que je perds qu'en faisant à mon tour un don à celui qui m'a donné.

Ainsi, dans ledon, je ne suis pas seulement tributaire de la volonté d'autrui, mais je suis placé en position d'infériorité : jesuis redevable, « obligé ».

Or, précisément, le pauvre n'a pas les moyens de s'acquitter de sa dette.

Il ne peuts'en acquitter qu'en vouant une reconnaissance éternelle à son bienfaiteur, par quoi il accentue encore sadépendance.

Nous découvrons donc à quel point l'exercice de la bienfaisance est délicat.

Elle risque toujoursd'être humiliante ; elle doit se cacher : on fait passer le geste gratuit pour un dû ou pour un service anodin —« que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite », dit l'Évangile au sujet de l'aumône (Évangile selonsaint Matthieu, VI, 3-4). 2.

L'État libère de cette dépendance. Cette dépendance d'individu à individu disparaît quand l'État s'occupe d'assister les pauvres.

Non seulement lebienfaiteur est libéré des sollicitations du pauvre, mais le pauvre est libéré de l'emprise de son bienfaiteur.D'abord, parce qu'il n'est plus asservi à une ou plusieurs personnes particulières.

Ensuite parce que ce qui àl'échelle privée était un geste de générosité, devient, au niveau de l'État, un acte de justice.

Pour Hegel,l'assistance des pauvres par l'État n'est pas un acte apparenté à la générosité d'un individu.

Il s'agit d'undevoir qui répond au droit des pauvres à l'existence.D'une manière générale, nous comprenons que l'instauration d'un État substitue à l'arbitraire des relationsindividuelles des rapports réglés sur le droit et la justice.

Ainsi, à la vengeance de celui qui veut régler sescomptes personnellement, la médiation des institutions (force de l'ordre, tribunaux, prison...) substitue desrapports de justice.

De même, cette autre forme d'arbitraire qu'est la largesse est remplacée par des rapportsfixés par le droit. 3.

L'État doit lutter contre les mécanismes qui engendrent la pauvreté. — Loin de minimiser le rôle de l'État, on doit plutôt l'accroître.

Le rôle de la communauté politique n'est passeulement d'assister les pauvres, mais de lutter contre les facteurs qui entraînent cette pauvreté.

Le problèmedépasse la seule sphère du droit, pour devenir économique et politique.

Aucun geste de charité ne compenserale scandale constitué par l'inégalité des conditions.

L'assistance n'est jamais mieux qu'un pis-aller.

Le vraitraitement de la question doit s'attaquer aux racines du mal.— On rapprochera cela de la critique marxiste de l'État bourgeois.

La liberté est certes affirmée, mais elle resteformelle sans une transformation des conditions matérielles qui engendrent la servitude.

Si l'État se faitpaternaliste pour secourir les pauvres, ce n'est que pour maintenir l'ordre nécessaire à la bonne marche dusystème.

L'État bourgeois, loin de vouloir lutter contre les mécanismes de la pauvreté, est l'appui idéologiqueet musclé du capitalisme.

Tant que l'État est asservi aux intérêts d'une classe particulière, la liberté etl'universalité (l'État est sensé représenter l'intérêt commun) dont il se fait le champion ne sont que des leurres. II.

La prise en charge de la question de la pauvreté n'interdit pas d'autres types de solidarité. 1.

D'autres formes de solidarité. S'il y a une responsabilité collective à l'égard de la pauvreté, pourquoi incombe-t-elle prioritairement à l'État etnon à la famille, ou à un groupe social soudé? Le parent vient en aide au parent, le villageois au villageois.Chaque individu a pleinement conscience de son appartenance au groupe.

Il n'existe que par le groupe.

Aussine jouit-il pas en propre de ses biens, mais il est amené à les partager avec ceux de son groupe.On opposera le caractère «concret» de cette assistance à une aide impersonnelle organisée par uneadministration.

On décrira alors l'avènement de l'État comme le signe d'une dislocation du réseau des liens danslequel l'individu est inséré.

Ainsi, le problème de la pauvreté ne se pose pas tant que le pauvre a sa placeassurée dans la société, tant qu'il n'est pas exclu des liens qui forment le tissu social.

C'est seulement quandles individus ont été projetés loin les uns des autres, arrachés au sol communautaire qui les portait, que l'Étatimpersonnel doit prendre en charge les pauvres. 2.

Insuffisance de ces solidarités.. »

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