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HEGEL: On dit volontiers : ma volonte a ete determinee par ces mobiles...

Publié le 26/04/2005

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On dit volontiers : ma volonté a été déterminée par ces mobiles, circonstances, excitations et impulsions. La formule implique d'emblée que je me sois ici comporté de façon passive. Mais, en vérité, mon comportement n'a pas été seulement passif; il a été actif aussi, et de façon essentielle, car c'est ma volonté qui a assumé telles circonstances à titre de mobiles, qui les fait valoir comme mobiles. Il n'est ici aucune place pour la relation de causalité. Les circonstances ne jouent point le rôle de causes et ma volonté n'est pas l'effet de ces circonstances. La relation causale implique que ce qui est contenu dans la cause s'ensuive nécessairement. Mais en tant que réflexion, je puis dépasser toute détermination posée par les circonstances. Dans la mesure où l'homme allègue qu'il a été entraîné par des circonstances, des excitations, etc., il entend par là rejeter, pour ainsi dire, hors de lui-même sa propre conduite, mais ainsi il se réduit tout simplement à l'état d'être non libre ou naturel, alors que sa conduite, en vérité, est toujours sienne, non celle d'un autre ni l'effet de quelque chose qui existe hors de lui. Les circonstances ou mobiles n'ont jamais sur l'homme que le pouvoir qu'il leur accorde lui-même. HEGEL
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« sur cet homme seraient irrésistibles, « plus fortes que lui », il n'aurait pas pu ne pas les suivre, leur influence seraitnécessaire et non pas contingente, ne lui laissant ainsi aucune possibilité d'agir ou de se conduire mais seulement deréagir.

C'est dire, si je m'y identifie, que je me serais « ici », c'est-à-dire au moment des faits qui sont maintenantjugés, « comporté de façon passive » et même passionnelle, puisqu'il est ici nécessaire, pour alléguer sonirresponsabilité, que cette passivité exclue toute forme d'activité.Ma volonté aurait donc été le jouet de « ces mobiles, circonstances, excitations et impulsions » déterminants.Comprenons que les « mobiles », ce qui me pousse à « agir », ou plutôt ce qui fournit du mouvement à ma volonté,proviendraient de ce qui, de manière générale, se tient autour d'elle (soit les « circonstances » au sensétymologique), qui ainsi, de l'extérieur, provoquerait sur elle des « excitations » elles-mêmes suivies, comme leurréponse intérieure, d'« impulsions ».

Par exemple, un viol pourrait s'expliquer par l'impulsion sexuelle irrésistible d'unindividu « en manque », consécutive à l'excitation produite par la rencontre fortuite, dans une ruelle déserte, d'unetrès « excitante » fille en tenue « aguichante ».La volonté de cet homme serait ainsi soumise à l'hétéronomie, contrainte de servir une loi (nomos en grec) autre(hétéro) que la sienne propre.

À cela Hegel oppose qu'« en vérité » ce « comportement n'a pas été seulement passif; il a été actif aussi » et, surtout, « de façon essentielle », ce qui revient à dire que la passivité est ici inessentielle.Elle n'est pas nulle : assurément je pâtis de ces excitations et impulsions, je n'en décide pas, mais cette passivitén'atteint pas l'essence de ma volonté, elle reste accidentelle.

La volonté est essentiellement active « car c'est mavolonté qui a assumé telles circonstances à titre de mobiles ».

Cet argument, qui est ici simplement posé et que lapartie suivante justifiera, signifie que les circonstances à elles seules ne sont pas capables de mouvoir ma volonté :c'est cette dernière qui les prend en charge et ainsi se détermine elle-même à les suivre.

Ou, comme le laisseentendre la fin de la phrase, c'est ma volonté qui leur a accordé une valeur motrice.2.

Reste qu'il est essentiel de relever que cette fin de phrase ne répète pas seulement ce qui la précède ; lanécessité de la progression du texte se justifiera précisément du fait que la formule citée est ici examinée sous unsecond angle, formel en tant qu'il en considère la forme doxique (c'est-à-dire d'opinion, doxa en grec).

C'est qu'« on» « dit volontiers » ce qu'il dit : on a un intérêt immédiat à dire cela parce qu'on a naturellement intérêt à se direirresponsable.

C'est ainsi l'attitude, doxique, dont témoigne cette formule, que juge ici le philosophe : l'attitude decelui qui maintenant, dans le temps présent du jugement où il est accusé, « fait valoir » (le verbe est bien auprésent), par facilité, les circonstances « comme mobiles » de l'acte passé.

L'examen de celui qui allègue ainsi sonirresponsabilité sera donc le deuxième point de l'argumentation que Hegel annonce ici.

Il apparaît néanmoins déjà, sil'on prend « volontiers » en un sens plus fort, que cette attitude est volontaire, ou que cet homme « fait valoir »,activement, sa prétendue passivité.

Ainsi contradictoire, l'attitude présente de cet homme semble, malgré elle,confirmer la thèse que l'auteur s'apprête à justifier.B.

Argument fondamental, sur le plan du droit : l'homme est libre parce qu'il est conscience (l.

6 à 11)Ayant, comme nous l'avons indiqué, posé dans ces lignes 5 et 6 les deux moments de l'argumentation à venir, Hegeldoit maintenant expliquer pourquoi « c'est ma volonté qui a assumé telles circonstances à titre de mobiles ».1.

Si elles ne peuvent à elles seules être mobiles c'est que la volonté est libre en tant que, négativement d'abord, «il n'est ici aucune place pour la relation de causalité » : le rapport des circonstances à la volonté n'est pas celuid'une cause à son effet car « la relation causale implique que ce qui est contenu dans la cause s'ensuivenécessairement ».

Comprenons que la nécessité, analytiquement comprise dans le concept même de causalité (lacause se produisant, son effet ne peut pas ne pas se produire) est elle-même la conséquence de ceci que l'effetest contenu dans la cause : il y est contenu en puissance et essentiellement (non pas accidentellement donc defaçon contingente) : l'effet est l'actualisation de la cause.

Par exemple, à l'échelle individuelle, une mort estl'actualisation d'une vie : la vie est (essence) mort potentielle – « ]e suis un mort encore vivant » dit le poète –,c'est pourquoi nous ne pouvons pas ne pas mourir (nécessité) et qu'il y a donc une relation causale entre lanaissance (cause) et le décès (effet).

Mais nous ne sommes dans cet exemple considérés que comme des êtresnaturels ou vivants, non comme des hommes : si une volonté, humaine, n'est pas l'effet des circonstances, c'estque celles-ci (par exemple le fait que passe une fille dans une tenue aguichante) ne contiennent pas celle-là (lavolonté de violer, le viol a fortiori) : le viol n'est pas dans la minijupe ! 2.

S'il en est ainsi c'est, positivement dit, qu'« en tant que réflexion je peux dépasser toute déterminationposée par les circonstances ». Ce pouvoir de ma volonté, grâce auquel aucune détermination n'a de pouvoir déterminant, n'est autre que la liberté,comprise donc comme pouvoir de se déterminer soi-même, indépendamment de tout élément étranger à la volonté,et ainsi d'obéir à la loi qu'elle s'est elle-même prescrite (soit l'autonomie).La responsabilité est donc fondée dans la liberté, qui elle-même relève de la « réflexion » que je suis.

L'argument deHegel repose en fin de compte sur ceprésupposé anthropologique : l'homme est « réflexion » c'est-à-dire cet être qui a la faculté de réfléchir, de briserl'immédiateté de son existence animale ou « en soi pour exister pour lui-même (c'est-à-dire réflexivement oumédiatement).

L'homme est conscience, il se représente ce qui se présente à lui (ici, les circonstances : la minijupe,l'impulsion sexuelle...) et ainsi se présente indirectement à lui-même.

Plus simplement dit, l'homme sait ce qu'il fait,et c'est pour cela qu'il a le pouvoir d'agir (librement) au lieu de réagir.L'argument fondamental de l'auteur consiste donc à dire que la volonté est libre (ou échappe à la causaliténaturelle) parce qu'elle est la volonté d'un être dont l'essence est définie comme conscience, ou tout simplementparce qu'elle est volonté et non instinct.C.

Vérification négative, sur le plan du fait, de cet argument : en se contredisant, « on » dit la même chose queHegel, même si « on » n'en a pas conscience (I.

11 à 16)Pour satisfaire au programme indiqué par les premiers mots du texte, Hegel doit maintenant vérifier son argument parl'examen de l'opinion courante considérée dans sa forme, c'est-à-dire à travers l'attitude de l'homme qui « allègue. »

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