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Histoire de la littérature hongroise : Littérature et Hongrie

Publié le 16/06/2013

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Rappeler que langue et littérature sont indissociables peut paraitre superflu, mais cette vérité est encore plus palpable en Hongrie qu'ailleurs. Si la littérature hongroise est sans conteste le produit d'une culture européenne, elle plonge ses racines dans une langue singulière, sans lien de parenté avec les autres idiomes du continent. Le hongrois compte seulement quelques rares cousins éloignés, dont le finnois et l'estonien, avec lesquels il forme la famille finno-ougrienne. Ajoutée aux aléas de l'histoire, cette particularité explique très largement les difficultés rencontrées par les écrivains nationaux pour se faire connaitre à l'étranger. Pourtant, comme le démontre le prix Nobel attribué en 2002 au Hongrois Imre Kertész, leurs écrits ont toute leur place parmi les chefs-d'oeuvre de la littérature mondiale...

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« FINDESIKLE UNE CULTURE s' AFFIRME A partir de 1867 , la Hongrie trouve un nouvel équilibre.

Cette année est en effet celle de la signature du compromis avec l'Autriche .

Après plus d'une décennie de conflit politique larvé , l'empereur François-Joseph accepte -enfin - d 'acco rder une large autonomie aux Hongrois , qui administrent dès lors la moitié de l'empire.

Promue au rang de capitale, Budapest est portée sur les fonts baptismaux en 1873 par la réunion administrative des villes de Pest , de Buda et d 'Ôbuda .

La cité connaît alors un essor économique et culturel sans précédent et fait très vite figure de brillante rivale de Vienne .

Deux romanciers traduisent les profonds bouleversements de cette période de transition .

• Kalman Mikszath (1847 -1910 }, membre de la petite nobles se désargentée , publie des nouvelles , des romans et des chroniques où percent la critique amusée des classes dirigeantes et la nostalgie pour des traditions en voie de disparition .

• Ce même regret pour le « monde d'hier » se retrouve dans les premiers récits de Gyula Krûdy (1878-1933), mais il prend ici une dimension poétique et une envergure le plus souvent absentes des écrits de Mikszâth .

NOUVELLE POtSIE L'entrée de la littérature hongroise dans le XX' siècle est dominée par le génie ombrageux d'EndreAdy (1877-1919}, premier grand poète hongrois de la modernité.

Après des études de droit, il se lance dans le journalisme et suit son amante, femme d 'un riche commerçant hongrois , à Paris, où il séjourne de 1904 à 1906 .

Sans entrer en contact avec les cercles intellectuel s français , il se nourrit de l'atmosphère de la Belle Époque .

Publiés à son retour en Hongrie , ses vers à l'atmosphère automnale mêlent le style hiératique des textes bibliques à celui de la poésie symboliste.

Sa perception critique de l'identité hongroi se et sa vision sombre de l'amour ne sont pas toujours bien comprises de ses contemporains , mais la nouveauté de son style lui vaut la faveur des écrivains de la jeune génération.

VERS LA MODERNlrt Parmi les plus fervents partisans d 'Ady se trouvent les membres de la revue Nyugat («Occident»), dont le nom révèle à lui seul le programme : il s'agit d'ancrer la culture hongroise dans la modernité naissante.

La revue paraît pour la première fois en 1908 .

• Le succès de cet équivalent hongroi s de la NRF doit beaucoup au flair de son rédacteur en chef, Ernéi Osvat (1877 - 1929} .

Il ouvre largement ses colonnes à la poésie .

Outre les œuvres d 'Ady, Osvat publie les vers de nouveaux talents comme Mihâly Babits (1883-1941) ou Dezséi Kosztolanyi (1885-1936}.

La prose aussi a droit de cité, avec les romans sociaux de Zsigmond M6ricz (1879- 1942) -une nouveauté en Hongrie .

• En dépit d'inégalités sociales criantes et de menaces de guerre de plus en plus précises, la Hongrie vit un nouvel âge d'or culturel.

Théâtre , architecture et musique accompagnent cet élan.

La littérature témoigne aussi de l'influence de la psychanalyse, dont Budapest devient la capitale, après Vienne, sous l'impul sion de Sàndor Ferenczi (1873- 1933) , disciple de Sigmund Freud .

D'UNE GUERRE L'AUTRE L'AVANT-GARDE La guerre mondiale bouleverse l'équilibre politique de la monarchie austro-hongroise.

En 1918, les peuples s'émancipent les uns après les autres.

Les Hongrois proclament la république fin octobre , mais sont confrontés à la sécession des Slovaques, Roumains , Serbes, Croates et Ukrainiens, qu'ils administraient jusqu 'alors .

Ne pouvant empêcher le dépeçage du pays , le régime s'effondre, en mars 1919 , et laisse la place à une éphémère république des Conseils , avec le communiste Béla Kun à sa tête.

Ces bouleversements accompagnent et nourrissent les expériences de l'avant -garde hongroise.

• Poète, peintre et théoricien, Lajos Kassak (1887-1967) en est le principal inspirateur .

Il fonde la revue moderniste Tell(« L'Action »)en 1915 , remplacée l'année suivante par Ma («Aujourd 'hui»).

L'.activi sme hongrois se situe à la croisée du marxisme , du surréalisme et de l'expressionnisme .

L'expérience est assez limitée dans le temps.

Déjà traité de décadent par Béla Kun, Kassak doit fuir le pays après l'effondrement du pouvoir communiste.

DERNIERS FEUX La république des Conseils s'effondre à son tour en août 1919 .

Soutenues par les Alliés , inquiets de la contagion communiste, les anciennes classes dirigeantes reprennent le pouvoir .

La Hongrie redevient une monarchie , avec à sa tête le régent Horthy, qui institue un régime autoritaire où l'opposition dispose néanmoins d'une certaine liberté d'expression.

Au traité de Trianon, en 1920, le pays doit céder les deux tiers de son territoire d'avant 1918 .

En littérature, les talents qui avaient fait leurs premiers pas avant-guerre assurent la continuité avec l'éclosion culturelle des années 1910.

• Krûdy tisse son œuvre nostalgique à travers le destin d'un héros voyageur dont le nom , Szindbad (Sindbad), est emprunté aux Mille et Une Nuits .

• La revue Nyugat poursuit sa brillante destinée.

En publiant coup sur coup Alouette (1924 ) etAnna la Douce (1926), Koszto lanyi signe deux chefs­ d'œuvre du roman hongrois .

D'autres talents se distinguent, dont Frigye s Karinthy (1887-1938) chroniqueur et romancier à l'humour ravageur , et Milan Füst (1888- 1967 ), poète adepte du vers libre , dont le théâtre et les œuvres en prose ne seront reconnues que quarante ans plus tard .

• Avec la Légende de Pendragon et le Voyageur au clair de lune , Antal Szerb (1901-1945) teinte sa prose d 'onirisme .

• Au même moment , Sandor Marai (1900-1989) recueille ses premiers succès avec des romans classique s, mais teintés de critique sociale.

Ses Confe ssions d 'un bourgeoi s, premier d'une longue série autobiographique, paraissent en 1934 .

• Avec ses essais Prae et Vers l'unique métaphore, Mikl6s Szentkuthy (1908- 1988 ) inaugure une œuvre inclassable, vaste réflexion philosophique sur l'histoire.

NtPIES ET URBÀNUS En mar ge de cette floraison de talents se développe un nouveau courant littéraire et intellectuel , qualifié d e népies ou " populiste » (nép signifie «peuple »).

Il prétend retrouver et défendre les valeurs de la Hongrie « authentique » -celle du peuple des campagnes -, contre la Hongrie supposée « dénaturée » par le mode de vie urbain (urbdnu s).

Cette opposition née du climat tendu des années 1930 perdure aujourd'hui.

• La défense de la Hongrie traditionne lle a pour tribune la revue Valasz («Réponse »), où s'expriment des écrivains de talent comme Gyula Illyés (1902 -1983 ) et Laszl6 Németh (1901- 1975 ).

Illyés fait sensation en publiant , en 1936 , Ceux des Pusztas, description de la vie rude des métayers qu'il a côtoyés dans son enfance.

Dans ses romans , où il critique la société des campagne s, N émeth se démarque quant à lui de ses prises de position politiques .

UN MtrtORE Mais l'époque est dominée par l'œuvre d'un des plus grands poètes hongrois du XX' siècle, Attila Jézsef (1905-1937).

L'enfance difficile de J6zsef va déterminer son tempérament mélancolique et sa sensibilité très marquée pour les souffrances des plus humbles .

Dès son premier recueil poétique , publié en 1922 sous le titre Le Mendiant de la beauté , il s'impose par sa virtuosité.

Son œuvre verra se succéder vers libres et décamètres antiques, visions surréalistes et ballades populaires , chansons et chœurs parlés.

Dans les années 1930 , c'est l'inspiration socia le qui prend le dessus .

Elle vaudra au poète d'être, malgré lui, inclus dans le panthéon des artistes marxistes , après 1945 .

Dans les dernière s années, J6zsef se bat contre ses démons intérieurs.

Il entreprend une analyse, dont son recueil Cela fait mal (1936) est le douloureux écho.

Il tombe dans la dépression et se suicide en 1937.

LE NAUFRAGE D'UN MONDE Dès la fin des années 1930 , les plus grandes figures de la génération Nyugat s'éteignent une à une.

La revue cesse sa parution en 1941, année de la mort de son dernier directeur , Mihaly Babils, et de l'entrée en guerre de la Hongrie contre l 'URSS .

En effet, dans l'espoir de récupérer les territoires perdus en 1920 , le régent Horthy s'est rangé aux côtés de l'Allema gne nazie .

Ce choix fatal va précipiter le pays dans le chaos.

Le génocide des juifs hongrois va marquer le point culminant du cataclysme.

Le poète d'origine juive Mikl6s Radn6ti {1909-1944 ) est la figure emblématique de cette période sombre.

Il meurt au cours d'un e marche forcée , organisée par les SS pour évacuer le camp de Yougoslavie où il a été déporté .

Plusieurs chefs ­ d'œuvre , retrouvés sur sa dépouille dans un petit carnet, datent de cette période de captivité.

• Imre Kertész (né en 1929) est déporté en 1944 à Auschwitz.

Il fera de cette terrible expérience la matière de son œuvre littéraire, à partir des années 1970.

• En 1945 , Antal Szerb meurt en déportation .

DERRIÈRE LE RIDEAU DE FER (ENSURE ET COMPROMIS Après le terrible siège de Budapes~ durant l'hiver 1944-1945 , le pays détruit est occupé par les Soviétiques.

Le court intermède démocratique qui s'ouvre alors va constituer une page singulièrement féconde de la vie poétique hongroise .

•Sandor Wetires {1912-1989) témoigne des espoirs nés de la fin de la guerre.

• Jan os Pilinszky (1921-1981) et Agnes Nemes Nagy (1921-1991) publient leurs premiers poèmes, en privilégiant l 'interrogation métaphysique et les formes courtes.

Mais, après 1948 , la chape de plomb du stalinisme s'abat sur le pays .

Plusieurs écrivains, tel Sândor Mârai, choisissent l'exil.

Les autres se taisent ou se plient aux exigences du réalisme socialiste, dont J6zsef Révai (1898-1959) est le théoricien.

Son étroitesse d'esprit contraste avec la pensée du philosophe marxiste Gyiirgy Lukâcs (1885-1971), progressivement mis à l'écart par le régime .

Mais, sous l'étouffoir , la révolte gronde.

La révolution de 1956 secoue l'édifice et, malgré l'écrasement des insurgés par l'armée soviétique, le régime finit par se libéraliser.

Janos Kadar, nouveau " maître » du pays, conclut un compromis tacite avec les intellectuels et les artistes : moyennant le respect de certains tabous , la liberté de création est tolérée.

• Gyula Illyés , personnalité majeure du mouvement populiste, et Tibor Déry (1894-1977), surréa liste rallié au socialisme, font alors figure d'écrivains officiels.

• Magda Szab6 (née en 1917) tisse son œuvre de romancière, à la psychologie travaillée.

• lstvan ôrkény {1912-1979 ), maître de l'absurde .

Ottlik Géza (1912-1990), initiateur d'une forme de " nouveau roman», et Mikl6s Mésziily (1921- 2001), chantre de l'individu seul face au monde , témoignent des nouvelles tendances de la prose.

JEUNES TALENTS Les dernières décennies du régime Kadar voient l'émergence de jeunes talents.

• Gyiirgy Konrad (né en 1933) publie en 1969 son roman Le Visiteur , critique à peine voilée du système socialiste.

Passé franchement à la dissidence , il sera interd it de publication de 1978 à 1988 .

• Considéré comme le représentant emblématique du mouvement postmoderne , Péter Esterhazy (né en 1950 ) se distingue par sa langue , où se mêlent avec brio jeux de mots , allusions et calembours , parfois empruntés à l'argot des villes.

• Avec son Livre des mémoires, Péter Nâdas (né en 1942) signe en 1986 une œuvre étonnante à trois voies ou se mêlent thèmes historiques , réflexion sur l'écrit ure et autobiographie.

En Hon grie, la transition va s'opérer sans heurts , avec la contribution active des intellectuels .

Le régime socialiste s'autodissout, et un vent de liberté souffle sur le pays .

On peut à nouveau lire les auteurs mis à l'index comme Marai ou Konrad.

Mais la disparition des ancie nnes structures d 'État désorganise la vie culturelle.

Le monde de l'édition ne retrouve une certaine stabilité qu'au milieu des années 1990 .

L'ouverture des frontières assure une meilleure diffusion de la littérature hongroise à l'étranger.

• Avec sa fresque autobiographique, Harmonia ciI'lestis, Péter Esterhazy conquiert un nouveau public en Europe .

• Magda Szab6 connait un regain de succès en France.

Son roman La Porte lui vaut ainsi le prix Femina étranger en 2003.

•A peine un an plus tôt, Imre Kertész reçoit le prix Nobel de littérature pour l'ensemble de son œuvre.

Être sans destin , récit de sa déportation, est porté à l'écran en 2005.

PROSODIE LATINE L'existence en hongrois de voyelles longues (accentuées) et courtes (sans accents) permet aux poètes magyars de reproduire exactement le rythme scandé (prosodie) propre aux vers latins.

D'abord utilisées en traduction , ces formes très anciennes se sont perpétuées jusque dans la poésie contemporaine ; on en trouve notamment des exemples chez Attila J6zsef.. »

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