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L'histoire peut-elle se passer du récit ?

Publié le 27/02/2008

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L'histoire peut-elle se passer du récit ?

Le sujet porte sur une question d'épistémologie, c'est-à-dire de théorie du savoir. Et, plus précisément, elle touche une question d'épistémologie de l'historiographie. Tout l'enjeu est de comprendre si la structure traditionnelle de l'enquête historique, le récit, est par essence liée à la discipline historique ou si elle peut être remplacée avantageusement par d'autres modes d'exposition.  Certes, depuis Hérodote, les ouvrages d'histoire se présentent le plus souvent comme une narration chronologique d'événements. Ainsi, Thiers raconte l'histoire de Napoléon Bonaparte. Et Michelet rédige une Histoire de France comme si le pays constituait un personnage unique traversant de multiples époques.  Or, l'on peut souligner que cette tradition ne représente ni un modèle ni a fortiori une obligation. Le récit risque en effet d'introduire dans les événements historiques un enchaînement logique qu'ils n'ont pas forcément par eux-mêmes. Ainsi, l'École des Annales, au XXe siècle, a pratiqué avec succès une histoire sans récit où l'analyse quantitative, économique et technique occupe la première place.

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« psychanalyse ou avec les applications de la physique. 2)L'histoire est l'histoire des sociétés humaines. L'histoire humaine ne se présente pas comme le recueil des biographies de tous les hommes un par un, et pourquoil'histoire de la nature ne raconte pas des coups de foudre un à un.

Voilà aussi d'où vient l'idée confuse que l'histoirehumaine n'est pas l'histoire des individus, mais celle « des sociétés humaines », ou « de l'homme en société », de cequ'il y a de « collectif » chez l'homme.

En fait, le mot juste est celui de spécificité ; donnons-en deux exemples,empruntés, l'un aux choses humaines, l'autre à la nature.

J'entreprends d'écrire la vie des paysans nivernais sousLouis XIV.

L'un de ces paysans, nommé Pierre à la Guillaume, est mort assez jeune après avoir épousé une veuve quiavait du bien au soleil ; en matière religieuse, il était « conformiste saisonnier » et faisait ponctuellement sespâques, etc.

Vais-je raconter la vie de ce Pierre ? Non, car, historien désintéressé, je n'ai aucune raison dem'intéresser singulièrement à ce paysan plutôt qu'à n'importe quel autre de ses semblables ; il n'est pas mon ancêtreet, quand il le serait, ce n'est pas l'histoire de ma propre famille que je suis en train d'écrire.

Or, dès que je cesse dem'intéresser à ce Pierre « parce que c'est lui », je m'aperçois que tous les détails de la vie de Pierre sont àconfronter avec les détails correspondants de la biographie de chacun des autres paysans nivernais : la mortalitéaux différents âges, le mariage, les secondes noces, la politique matrimoniale, la répartition de la propriété, lapratique religieuse ; ce sont autant de traits spécifiques de la vie des paysans nivernais.

Ainsi, à un recueil debiographies de paysans, je substituerai un recueil d'items spécifiques ; ce recueil n'est pas autre chose quel'« histoire des paysans nivernais ».

Dans cette histoire, la biographie de Pierre se retrouvera tout entière, maisvolatilisée, ventilée en différents items : Pierre aura conservé tous ses traits spécifiques, mais perdu sa singularitéd'individu.

De la même manière, si j'étudie historiquement un grand homme, Louis XIV, sa singularité s'éparpilleraentre le rôle spécifique du roi, qu'il est seul à remplir, le rôle d'amant, ou celui de malade ; ce sont autant d'itemspour l'histoire des institutions politiques, de la vie sexuelle et de la médecine. 3) L'histoire comme un roman ? L'histoire est un roman vrai et la conception que l'historien se fait de la « causalité » historique est exactement lamême que celle que se fait un romancier de la causalité, telle qu'il la met en œuvre dans son roman ; aussi est-ilsurprenant que plusieurs livres étudient « la causalité en histoire » : pourquoi en histoire précisément ? L'intérêtépistémologique de pareils livres serait exactement le même si leurs auteurs avaient étudié comment nous expliquonsle divorce de Dupont ou le fait que Durand a pris ses vacances à la montagne plutôt qu'à la mer.

Plus simplementencore, on pourrait étudier la causalité dans l'Éducation sentimentale ou la Recherche du temps perdu.

L'histoirehumaine diffère donc grandement de l'histoire de la nature et même de celle des espèces vivantes ; mais cettedifférence lui vient de son objet : l'homme, non de l'implantation de la connaissance historique. Conclusion. L'histoire ne peut se passer de récit, mais elle ne peut, au prix de n'être plus une discipline scientifique, se réduireentièrement à ce dernier.

L'histoire est aussi la succession des faits et des événements, des lois qui régissent lesgrands mouvements sociaux.. »

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