Histoires naturelles de Renard
Publié le 05/04/2013
Extrait du document
L 'auteur dresse une série de portraits d'animaux de la campagne, du ver de terre à la vache.
Jules Renard a d'abord publié dans des journaux quelques textes sur les animaux. Réunies en 1896 en un livre, les Histoires naturelles furent complétées au fur et à mesure de la production littéraire de l'auteur jusqu'en 1909.
«
Maurice Ravel a
composé cinq pièces
musicales
(1906) à
partir de cinq de ces
Histoires naturelles :
Le Paon, Le Grillon,
Le Cygne, La Pintade,
Le Martin-Pêcheur .
Cette création suscita
de nombreuses
polémiques dans les
milieux parisiens.
Le Crapaud: «Né d'une pierre, il vit
sous une pierre et s'y creusera un tombeau.
»
-------- EXTRAITS
Chasseur et pêcheur, Jules Renard
n'en a pas moins quelques remords
M.
Vernet, avant d'ouvrir son sac, posa le
goujon
dans l'herbe.
Il ne faut pas dire :
«Quoi! Ce n'était qu'un goujon!» Il y a
de gros goujons qui agitent si violemment la
ligne que le
cœur du pêcheur bat comme à
un drame.
M.
Vernet, calmé, rejeta sa ligne à l'eau et
au lieu de mettre le goujon dans le sac, sans
savoir pourquoi (il ne sut jamais le dire), il
regarda le goujon.
Pour la première fois, il regarda un poisson
qu'il venait de prendre! D'habitude, il se
dépêchait de lancer sa ligne à d'autres
poissons, qui n 'at
tendaient qu'elle.
Aujourd'hui, il re
gardait le
goujon
avec curiosité, puis
avec étonnement,
puis avec une es
pèce d'inquiétude.
Le goujon, après
quelques soubre
sauts qui le fati
guèrent vite,
s'im
mobilisa sur le
flanc et ne donna
plus signe de vie
que
par les efforts
visibles qu'ilfaisait
pour respirer.
Ses nageoires collées au dos, il ouvrait et
fermait sa bouche, ornée, à la lèvre infé
rieure, de deux barbillons, comme de petites
moustaches molles.
Et, lentement, la respi
ration devenait
plus pénible, au point que
les mâchoires
hésitaient même à se re
joindre.
-
C'est drôle, dit M.
Vernet, je m'aperçois
qu'il étouffe !
La définition du perroquet
est pleine
d'humour
Pas mal! et il avait bien quelque mérite au
temps où les bêtes ne parlaient pas, mais
aujourd'hui toutes les bêtes ont du talent.
L'auteur admire bien souvent
les animaux qu'il dépeint
Il y a des oiseaux, la pie, le geai, le merle,
la grive, avec lesquels un chasseur qui se
respecte ne se
bat pas, et je me respecte.
Je n'aime me battre qu'avec les
perdrix!
Elles sont si rusées !
Leurs ruses,
c'est de partir de loin, mais on
les rattrape
et on les corrige.
C'est d'attendre que le chasseur ait passé,
mais derrière lui elles s'envolent trop tôt
et
il se retourne.
C'est de se cacher dans une luzerne
profonde, mais
il y va tout droit.
C'est de faire un crochet au vol, mais ainsi
elles se rapprochent.
C'est de courir au lieu de voler, et elles
courent plus vite que l'homme, mais
il y a le
chien.
C'est de s'appeler quand on les divise, mais
elles
appellent aussi le chasseur et rien
ne lui est plus
agréable que
leur chant.
Le Corbeau: « -Quoi ? Quoi ? Quoi? -Rien.»
NOTES DE L'ÉDITEUR l'œuvre d'un poète.
D'un poète en prose.
Ce qui fait le poète, c'est l'image.
Et c'est
l'image, à la fois dans le sens de " vision "
et dans le sens de " métaphore ", que
chassait Jules Renard.
Il les chassait,
réellement.
Il ne se contentait pas
"d'ouvrir les yeux", et les images ne
« Par bonheur, il lui est advenu un jour de
délaisser l'observation du cœur humain,
qu'il croyait être son domaine propre, pour
aborder l'observation de la nature, et ce sera
l'adorable et poétique série des
Histoires
naturelles.
(
...
)Et son regard aigu, son
Jules
Renard ne se contente pas de décrire
la nature.
Chez lui,
certes,« l'observation
est orientée par
l'humeur( ...
), mais l'observa
tion est orientée, plus profondément, par
un
parti pris artistique, très conscient et
singulier.
"Je suis un réaliste que gêne la
réalité", a-t-il déclaré.» Gaëtan Picon,
Histoire des littératures, La Pléiade,
Gallimard, 1958.
L'observation devient alors
poésie: Les
Histoires naturelles sont aussi et avant tout
s'y emprisonnaient pas toujours d'elles
mêmes.
» Léon Guichard, préface à
l'édition Garnier-Flammarion, 1967.
Un des professeurs de lycée de Renard
notait à son sujet :
« Vous avez un style
de médecin, presque de pharmacien.
»
1 Goldner I Sipa-lcono 2, 3, 4, 5 bois gravés de Robert Hainaro.
La Guilde du Livre .
Lausanne, 1942
goût de l'instantané font ici merveille.
Curieusement,
c'est alors même que son
âme se délie, s'abandonne,
qu'il parvient
à cet art objectif dont il avait vainement
cherché la formule
jusqu'ici.»
Jean Malignon, Dictionnaire des écrivains
français,
Le Seuil, 1971.
RENARD04.
»
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