L'homme n'est-il qu'une espèce naturelle parmi d'autres ?
Publié le 11/06/2013
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On peut même radicaliser l'idée en disant que l'être humain, contrairement à tous les autres, est un être d'antinature. Sa « nature « est de n'en pas avoir. Précisément parce qu'il n'y a pas de nature humaine, l'humanité se définit par la seule liberté, par la seule dimension éthique. C'est ainsi que Rousseau, toujours, voit dans l'esclavage la négation même de l'humanité : « Décréter qu'un homme ne naîtrait pas libre, c'est décréter qu'il ne naîtrait pas homme. « Une autre conséquence en est que l'homme est capable d'être bien supérieur à la bête, mais aussi de tomber plus bas qu'elle : certains actes de cruauté particulièrement odieux nous répugnent et nous rappellent que l'humain, n'ayant pas d'essence fixée une fois pour toutes, contient toujours virtuellement l'inhumain : cela est inévitable si l'homme est bien un être d'antinature.
«
n'hésite pas à plaider en faveur d'un entendement, d'une volonté et même d'un
langage chez les bêtes, dans son Traité des animaux (1755).
Si l'on accorde une
sensibilité aux animaux, alors il faut aussi, dit l'auteur, leur accorder la capacité de
juger, qui s'explique par la simple capacité sensible à comparer des sensations entre
elles, et à s'en souvenir.
La position de Condillac est intéressante car elle rend compatible l'affirmation
d'une continuité entre l'homme et l'animal, tout en maintenant une différence
qualit ative entre les deux.
Expliquer le supérieur par l'inférieur est possible sans pour
autant annuler la différence.
Il serait bon de s'en souvenir quand certains voudraient
s'appuyer sur la théorie scientifique de l'évolution des espèces pour nier toute
dist inction entre humanité et animalité.
Que l'un procède de l'autre n'implique pas
que l'un soit l'autre.
Ainsi, l'état originellement animal de l'homme ne rend pas
compte du fait que les hommes ont réussi, au cours de l'évolution, à dépasser
l'animalité prim itive et à constituer un univers culturel, dont l'art, la religion, le
langage sont des exemples parmi bien d'autres.
Pour soutenir que l'homme n'est qu'une espèce naturelle parmi d'autres, il n'y
a guère que deux stratégies d'argumentation : soit on tire l'animal vers l'homme, soit
on tire l'homme vers l'animal.
La première manière met souvent en avant le langage des dauphins ou autres
abeilles, le fait que certains animaux se servent d'outils, ou qu'ils transforment leur
environnement, comme le castor qui construit des barrages.
D'autres espèces
semblent même renoncer à la vie, comme tendrait à le prouver l'échouage fréquent de
baleines sur les plages, que les journalistes à sensation qualifient vite de suicide.
Mais en dépit de ces faits, les sociétés ani males sont sans culture.
Au contraire,
la distance que l'homme a progressivement mise entre lui et la nature, en se
transmettant d'une génération à l'autre, s'est cumulée pour former une histoire.
La seconde manière est souvent le fait des scientifiques : il s'agit de tirer
l'homme vers l'animal.
Les explications de l'humain par ses composants chimiques, et
notamment l'explication neurobiologique de ses performances intellectuelles, ont
tendance à penser la différence entre l'homme et l'animal en termes de plus et de
moins, et non pas comme une différence essentielle.
Ainsi, le cerveau humain est
seulement plus complexe que celui de l'animal.
Là où l'animal répond très
rapidement à un stimulus, le temps de réponse chez l'homme est plus long,
entraînant une c ertaine indétermination de son comportement.
Jusque -là, il n'y a rien à dire, et, encore une fois, il n'y a aucune raison de
critiquer l'idée d'une continuité de l'animal à l'homme, et d'une différence seulement
quantitative entre eux.
Au plan strictement cognitif, qui est celui de la continuité
explicative, on ne pourra sans doute jamais dire autre chose.
Rien d'étonnant donc à
ce que les scientifiques l'établissent toujours davantage.
En revanche, on ne fait plus de la science mais de la philosophie, lors qu'on
interprète cette indétermination relative du comportement humain comme étant
responsable d'une croyance illusoire dans la liberté de l'homme.
Certains
scientifiques ont parfois tendance à passer insensiblement de l'explication de telle
faculté ou de tel comportement humains par des causes naturelles, à l'idée plus
systématique d'un déterminisme naturel qui rendrait compte tout entier de l'humain
comme il suffit à rendre compte de l'animal.
Comme des rats de laboratoire, le stress
nous rend agressifs, l'échec ou la réussite nous encouragent ou nous découragent, et
on finit par dissoudre toute liberté dans cette explication généralisée par les causes
naturelles.
Or, il semble bien que ce soit là, autour de la notion de liberté, que se noue la
question de s rapports entre l'homme et le reste de la nature.
Que la différence entre.
»
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