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Husserl: Le phénomène de la perception

Publié le 28/03/2005

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Quant à la perception elle-même, elle est ce qu'elle est, entraînée dans le flux incessant de la conscience et elle-même sans cesse fluante : le maintenant de la perception ne cesse de se convertir en une nouvelle conscience qui s'enchaîne à la précédente, la conscience du vient-justement-de-passer; en même temps s'allume un nouveau maintenant. Non seulement la chose perçue en général, mais toute partie, toute phase, tout moment survenant à la chose, sont, pour des raisons chaque fois identiques, nécessairement transcendants à la perception [...]. La couleur de la chose vue [...] apparaît; mais tandis qu'elle apparaît, il est possible et nécessaire qu'au long de l'expérience qui la légitime l'apparence ne cesse de changer. La même couleur apparaît « dans » un divers ininterrompu d'esquisses de couleur. La même analyse vaut pour chaque qualité sensible et pour chaque forme spatiale. Une seule et même forme (donnée corporellement comme identique) m'apparaît sans cesse à nouveau « d'une autre manière », dans des esquisses de formes toujours autres. Cette situation porte la marque de la nécessité; de plus elle a manifestement une portée plus générale. Car c'est uniquement pour une raison de simplicité que nous avons pris pour exemple le cas d'une chose qui apparaît sans changement dans la perception. Il est aisé d'étendre la description à toute espèce de changement. Husserl

 – Lorsque nous regardons un film, les images (et parfois les sons) défilent très vite: les perceptions se succèdent donc très rapidement: comment arrivons-nous à faire le lien et à comprendre ce qui s'écoule ainsi devant nos yeux?  – En analysant très précisément le phénomène de la perception, Husserl, dans ses Idées directrices pour une phénoménologie, tente de nous faire prendre conscience de cette difficulté.  

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« son identité pleine et entière, nous ne voyons pas cette couleur « en soi » (dans l'absolu).

Nous n'en voyons qu'unesérie d'apparences, relatives à nos yeux, à nos pensées, à nos références culturelles et à notre langage (parexemple, les Esquimaux ont de nombreux termes pour parler du blanc – avec de nombreuses nuances – alors quenous n'en avons qu'un: auquel cependant nous pouvons ajouter des adjectifs comme « cassé », « ivoire », «coquille d'oeuf ». 2.

Une synthèse d'apparences– L'identité de la couleur résulte donc en réalité d'une synthèse de multiples perceptions; à chaque regard nousn'obtenons qu'une approximation partielle de la chose que nous regardons = une « esquisse », toujours imparfaite,toujours à compléter par d'autres esquisses.– Mais qu'est-ce qui opère cette synthèse? Comment arrivons-nous à faire la somme de toutes ces apparences et ànous repérer?C'est le travail de notre esprit, de notre « entendement », qui réunit en une unité de pensée et delangage toute une série de perceptions qui ne cessent de changer.– « On soutient communément que c'est le toucher qui nous instruit, et par une constatation pure et simple, sansaucune interprétation.

Mais il n'en est rien.

Je ne touche pas ce dé cubique.

Non.

Je touche successivement desarêtes, des pointes, des plans durs et lisses, et réunissant toutes ces apparences en un seul objet, je juge que cetobjet est cubique.

» (Alain, Les Passions et la Sagesse).– La perception ne se suffit donc pas à elle-même, elle doit être complétée par la pensée ou le jugementsynthétique, qui « interprète » le réel (celui-ci, par conséquent, ne nous apparaît jamais tel qu'il est en lui-même,mais seulement sous un certain angle). 3.

Une capacité à « figer » le devenir– Ainsi avons-nous la capacité de « figer » en partie le devenir, du moins dans notre esprit, ce qui permet de lecomprendre et de s'en faire une représentation plus ou moins stable.– C'est pourquoi un objet, une forme, peut nous apparaître comme « une seule et même forme (donnéecorporellement comme identique) ».– Mais ceci n'est qu'une approximation, comme le souligne l'insistance sur le « comme », souligné.

Nous parvenons àconcevoir le cube comme un objet stable et solide, nous percevons-jugeons que notre corps lui-même conserve unecertaine identité, notre maison (ou notre appartement) également semble rester « la même ».

Toute identité est enréalité traversée par des différences: des changements internes et externes liés au devenir.– Si cela est vrai « en gros », il ne faudrait pas oublier que toutes ces choses sont soumises à un devenir sanscesse fluctuant et dont le cours réel ne saurait être figé par notre esprit: c'est ce que souligne bien Bergson,notamment dans La Pensée et le Mouvant, lorsqu'il critique notre tendance trop marquée à « solidifier » le réel enoubliant ses infinies variations et nuances, en gommant la richesse de nos perceptions par des jugements trophâtifs. III.

Notre subjectivité face au devenir du monde 1.

Les limites de notre approche du réel– L'homme est ainsi fait qu'il ne peut pas accéder complètement à la réalité « en soi »: notre vision des choses esttoujours relative à un point de vue lié à notre position dans l'espace et aux caractéristiques de nos cinq sens.

Notreperception est conditionnée par notre structure subjective, dont nous ne pouvons pas sortir (c'est ce qu'on appellela finitude) : nous voyons avec des yeux humains, entendons avec des oreilles humaines, etc.– C'est pourquoi « cette situation porte la marque de la nécessité »: celle de notre condition humaine.– La réalité nous apparaîtrait certainement tout autre si nous n'avions pas les mêmes sens, ou bien encore un senssupplémentaire.

Pour comparer, nous pourrions prendre le cas d'un insecte, la tique, par exemple.

Dans son ouvragesur les Mondes des animaux et le Monde humain, le biologiste Von Uexküll souligne que celle-ci se repère uniquementgrâce à la sensibilité de sa peau à la lumière (pour monter en haut des herbes), à son odorat sensible à l'acidebutyrique (percevoir les mammifères et se laisser tomber dessus), au sens de la chaleur et au toucher (pour aboutirà un endroit de la peau qu'elle puisse perforer).– Pouvons-nous seulement imaginer et « voir » (entendre, sentir, goûter...) le monde autrement? Peut-être l'artnous offre-t-il quelques perspectives sur cette altérité: le cubisme, l'abstraction, la musique expérimentale, le travailsur les images de synthèse constituent autant de tentatives de dérouter notre perception pour l'ouvrir à denouveaux possibles. 2.

Comment faire face au changement?– Mais notre perception pourrait être déroutée par tout ce qui se passe autour de nous, car contrairement à ce quenous croyons parfois, c'est l'ensemble de la réalité qui change de seconde en seconde.– Ainsi, il ne suffit pas de prendre « pour exemple le cas d'une chose qui apparaît sans changement dans laperception », cas qui est pourtant déjà apparu comme extrêmement complexe; on pourrait « étendre la descriptionà toute espèce de changement ».– Mais alors, c'est une complexité à la puissance deux qui apparaît puisqu'il faut ajouter, à la relativité de nosperceptions et aux changements imperceptibles que subissent pourtant les choses « sans changement » apparent,l'extraordinaire foisonnement des changements que nous sommes capables de percevoir consciemment.– Avec un peu d'attention, et si nous étions vraiment réceptifs à tous les micro-changements qui nous entourent,nous serions comparables à cet électron situé au milieu de la gare de Lyon, dont parle Russell dans son ABC de larelativité: comment verrait-il le monde? « D'infimes particules de matière, qui s'éviteraient perpétuellement entournant comme des folles les unes autour des autres, en une sorte de danse frénétique.

». »

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