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L'idée d'une contre-nature se justifie-t-elle ?

Publié le 27/02/2008

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L'idée d'une contre-nature se justifie-t-elle ?

« disent ce qui est bien et ce qui est mal, ce qu'il faut faire et ne pas faire.

La norme est humaine ; elle est donc culturelle, puisqu'elle est relative à un groupe social ou ethnique donné. Même la sexualité n'est pas un instinct chez l'homme.

Freud l'a bien montré.

En analysant la sexualité infantile, et en découvrant chez l'enfant une disposition perverse polymorphe, Freud a beaucoup contribué à dissocier la sexualité humaine de la fonction de reproduction, qui est la f inalité à laquelle obéit aveuglément l'instinct.

La sexualité adulte, qui unit deux personnes de sexe opposé, est certes organisée autour de la zone génitale ; elle est au service de la reproduction de l'espèce.

Mais elle n'est pas le terme obligé d'un déve loppement naturel.

C'est la société qui désigne à la pulsion sexuelle le partenaire de l'autre sexe comme le « bon objet».

La pulsion peut connaître d'autres destins ; elle peut notamment rester fixée à un stade de la sexualité infantile (à telle partie du corps, par exemple).

S'il y a des perversions sexuelles, celles -ci ne sont donc pas contre nature.

La nature humaine ne contient aucune norme en matière de sexualité.

C'est la société qui encourage la relation hétérosexuelle et génitale adulte, voyant dans l'auto - érotisme, l'inceste, l'homosexualité des pratiques contraires à la bonne intégration sociale de la sexualité. Dans le cas de l'inceste, où nous serions tentés plus que jamais de prononcer le verdict d'une pratique contre nature, Lévi -Strauss a indi qué que c'était une pratique prohibée universellement dans toutes les cultures, au point qu'on peut considérer son interdiction comme la frontière entre l'humanité et l'animalité.

O n sait pourtant qu'il existe des pratiques incestueuses chez les hommes.

L eur répression vient plus de ce qu'elles menacent l'ordre social, et les fondements mêmes de la culture humaine, que de ce qu'elles seraient contre nature.

Rigoureusement parlant, c'est tout autant, et même davantage, la prohibition de l'inceste qui est co ntre nature; c'est l'homme tout entier qui est un être d'anti -nature. Où finit la nature ? Où commence la culture ? Dans « Les structures élémentaires de la parenté », Lévi -Strauss a tenté de répondre à cette double question. La première méthode, dit -il, e t la plus simple pour repérer ce qui est naturel en l'homme, consisterait à l'isoler un enfant nouveau -né, et à observer pendant les premiers jours de sa naissance.

Mais une telle approche s'avère peu certaine parce qu'un enfant né est déjà un enfant condi tionné.

Une partie du biologique à la naissance est déjà fortement socialisé.

En particulier les conditions de vie de la mère pendant la période précédant l'accouchement constituent des conditions sociales pouvant influer sur le développement de l'enfant.

On ne peut donc espérer trouver chez l'homme l'illustration de comportement préculturel. La deuxième méthode consisterait à recréer ce qui est préculturel en l'animal.

Observons les insectes.

Que constatons - nous ? Que les conduites essentielles à la survi vance de l'individu et de l'espèce sont transmises héréditairement.

Les instincts, l'équipement anatomique sont tout.

Nulle trace de ce qu'on pourrait appeler « le modèle culturel universel » (langage, outil, institutions sociales, et système de valeurs es thétiques, morales ou religieuses). Tournons -nous alors vers les mammifères supérieurs.

Nous constatons qu'il n'existe, au niveau du langage, des outils, des institutions, des valeurs que de pauvres esquisses, de simples ébauches.

Même les grands singes, d it Lévi -Strauss, sont décourageants à cet égard : « Aucun obstacle anatomique n'interdit au singe d'articuler les sons du langage, et même des ensembles syllabiques, on ne peut qu'être frappé davantage par sa totale incapacité d'attribuer aux sons émis o u entendus le caractères de signes .

» Les recherches poursuivies ces dernières décennies montret, dit Lévi - Strauss que « dans certaines limites le chimpanzé peut utiliser des outils élémentaires et éventuellement en improviser », que « des relations temp oraires de solidarité et de subordination peuvent apparaître et se défaire au sein d'un groupe donné » et enfin qu' « on peut se plaire à reconnaître dans certaines attitudes singulières l'esquisse de formes désintéressées d'activité ou de contemplation » .

Mais, ajoute Lévi -Strauss, « si tous ces phénomènes plaident par leur présence, ils sont plus éloquents encore –et dans un tout autre sens, par leur pauvreté ».

De plus, et c'est là sans doute la caractéristique la plus importante, « la vie sociale des singes ne se prête à la formulation d'aucune norme ». A partir de cette constatation, Lévi -Strauss indique ce qui lui semble être le critère de la culture : « Partout où la règle se manifeste, nous savons avec certitude être à l'étage de la culture.

» Ma is les règles institutionnelles qui fondent la culture sont particulières et varient d'une société à l'autre.

O n peut donc affirmer que l'universel, ce qui est commun à tous les hommes, et la marque de leur nature.

C'est donc ce double critère de la norme (règle) et de l'universalité qui permet –dans certain cas - de séparer les éléments naturels des éléments culturels chez l'homme : « Posons donc que tout ce qui est universel chez l'homme relève de la nature et se caractérise par la spontanéité, que tout ce qui est astreint à une norme appartient à la culture et présente les attributs du relatif et du particulier.

» Mais ce double critère posé, nous nous trouvons confrontés avec un fait unique en son genre : la prohibition de l'inceste.

Celle -ci, en tant qu'institution relève de la règle et donc de la culture.

Mais, en même temps, elle est un phénomène universel et semble donc relever de la nature.

Une contradiction donc, un mystère redoutable : « La prohibition de l'inceste possède, à la fois, l'universal ité des tendances et des instincts, et le caractère coercitif des lois et des institutions.

» Quand on saisit à ce point, jusqu'au coeur de la sexualité, que l'homme obéit aux normes socioculturelles, il devient difficile de fonder nos jugements de valeur sur la nature.

On ne peut plus condamner le vice, ou la perversion, au nom de l'argument qu'ils seraient contre nature.

Il s'agit de bien dissocier la nature et la morale.

Spinoza avait déjà montré. »

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