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L'Imaginaire, 1940, Jean-Paul Sartre.

Publié le 10/01/2011

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Il arrive parfois, au cours d'une conversation, que l'on évoque un évènement passé, en croyant l'avoir vécu, lorsqu'un doute s'empare de nous. Et si nous l'avions imaginé ? La véracité de cette situation n'a plus rien de certain. Aucun moyen ne permet de la vérifier, mais il est néanmoins sûr que l'évènement ait été perçu ou imaginé ; on a conscience de l'avoir ‘vécu' d'une manière ou d'une autre. Le passé peut donc avoir l'effet d'un brouilleur de pistes en ce qui concerne un objet ou un évènement vécu ou imaginé, à la façon de la buée sur une vitre. Mais dans le présent, cette différence est indubitable ; et c'est là-dessus que s'interroge Jean-Paul Sartre, grand écrivain français et philosophe existentialiste du début de XXème siècle, dans cet extrait de l'Imaginaire. Il argumente ici pour montrer que la conscience se rapporte à la fois à la perception et à l'imagination, qui sont deux notions différentes, mais ce, de manière divergente. C'est pourquoi, après nous être livrés à un examen méthodique de l'argumentation de Jean-Paul Sartre, nous tenterons d'en proposer une vision plus critique.    

 Dans un premier temps (l. 1 à 5), l'auteur sépare nettement la chaise sur laquelle il est assis, de la perception et de l'imagination dont elle est l'objet. Par la suite (l. 5 à 9) il affirme que l'objet de la perception et de l'imagination peut être identique, mais (l. 9 à 13) qu'il reste néanmoins toujours extérieur à la conscience, et c'est là sa thèse. Enfin (l. 13 à 17) il dit que, même si l'objet perçu ou imaginé est le même, la conscience s'y rapporte de manière différente.

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« d'intermédiaires entre l'objet et la conscience. Mais que ce soit la chaise perçue ou la chaise imaginée, celle-ci ne pénètre en aucun cas dans la conscience ; eneffet, entre l'objet et la conscience, il y a toujours l'intermédiaire de la perception ou de l'imagination.

Car, toujoursselon la thèse de Descartes, la conscience d'un être fait partie de ses pensées, et la pensée est ce qui définit son «moi», c'est son essence.

Sa pensée et plus particulièrement sa conscience sont donc dissociables du corps, cardans l'exemple d'un être rêvant, la pensée fonctionne sans le corps ; à l'inverse, un corps ne peut pas penser carc'est de la matière seule.

C'est pourquoi la pensée est quelque chose qui n'est pas localisable, c'est immatériel, cen'est pas une substance ; donc la conscience est tout aussi immatérielle.

De ce fait, la thèse défendue à son tourpar Jean-Paul Sartre dans Situations I semble justifiée lorsqu'il dit que «la conscience n'a pas de dedans ».

Pourétayer cette théorie, Sartre s'appuie sur l'exemple d'un arbre ; si l'on suit la logique mise en place par Descartes etpar lui-même, l'arbre ne peut pas être dans la conscience, car quelque chose de matériel ne peut pas être dansquelque chose d'immatériel, d'où cette phrase tirée du texte de Sartre : « je ne peux pas plus me perdre en lui[l'arbre] qu'il ne peut se diluer en moi : hors de lui, hors de moi». Par ailleurs, Sartre dit que, peu importe que la chaise soit perçue ou imaginée, « dans les deux cas elle est là, dansl'espace, dans cette pièce, face au bureau ».

En effet, même si dans le cas de l'imagination la chaise estreprésentée de façon mentale, l'objet de cette représentation reste bel et bien la chaise qui est dans le bureau.Pour la perception, cela semble plus évident, car elle utilise les sens, qui sont rattachés à quelque chose dephysique.

Donc a première vue on pourrait penser que la chaise imaginée diffère de celle qui a été perçue, dans lamesure où il est impossible de reproduire mentalement un objet de façon exacte, car une image de chaise produitedans l'esprit n'offre pas la même précision et la même netteté que la vue de cette même chaise.

Mais à la réflexion,il n'est pas tout à fait juste de dire cela, comme le souligne Sartre dans le texte ; en effet, l'image de la chaisediffère peut-être de la chaise réelle, mais l'objet de l'image est bel est bien la même que celle qui se trouve dans lebureau de l'auteur.

C'est pourquoi il dit que « l'objet de [sa] perception et celui de [son] image sont identiques :c'est cette chaise de paille sur laquelle [il est] assis ». Dans les deux cas, imagination et perception, l'objet en est strictement identique : c'est la chaise « dans sacorporéité ».

En effet, c'est la chaise en tant qu'objet physique, en tant que matériau palpable qui est le sujet à lafois de la perception et de l'imagination.

Cependant, la relation entre celui-ci et la conscience diffère.

Elle serapporte à cette même chaise de deux manières différentes ».

Dans le cas de la perception, la conscience «rencontre » la chaise ; le mot rencontrer est ici employé dans le sens de constater l'existence, la présence dequelqu'un ou de quelque chose.

Cette existence est constatée par l'individu grâce à un ou plusieurs de ses sens,puis elle est transmise à la conscience par le phénomène de la perception.

C'est une expérience qui ne nécessitel'intervention d'aucune autre instance spirituelle ; en effet, lorsqu'on voit une chaise et qu'on en est conscient, il n'ya pas à douter du fait de la voir, ni à déduire quelque chose de ce fait.

C'est cet autre aspect de l'existence dequelque chose qui est abordé par Sartre également dans La Nausée : « Exister, c'est être là, simplement : lesexistants apparaissent, se laissent rencontrer mais on ne peut jamais les déduire », c'est-à-dire trouver par unraisonnement.Par ailleurs, dans le cas de l'imagination, la chaise n'est pas rencontrée par la conscience, car il n'y a pas decontact sensoriel avec l'image, celle-ci étant produite par et dans l'esprit.

D'où cette conclusion de Sartre : « dansun des cas, la chaise est ‘rencontrée' par la conscience ; dans l'autre, elle ne l'est pas ». Dans ce texte, Sartre prend parti de façon catégorique pour une des thèses principales de son argumentation, etc'est là que réside le talon d'Achille de celle-ci.

Cela met au jour des points de vue critiques vis-à-vis de cet aspectdu texte : « Dans les deux cas [la chaise] est là, dans l'espace, dans cette pièce, face au bureau.

» Ainsi, il nelaisse aucune place au doute, quant à la réelle existence de cette chaise.

En effet, le fait qu'il la perçoive enpremier lieu semble impliquer nécessairement que celle-ci existe réellement.

Pour discuter du point de vue de l'auteuron adopte ici une définition plus précise de la perception, donnée par le philosophe français André Lalande: «Percevoir quelque chose, c'est l'identifier en le tenant spontanément pour existant ici-maintenant ».

Descartes,dans ses Médiations métaphysiques remet en cause cette certitude grâce à l'argument du rêve.

Pour cela, ilraisonne par l'absurde en tentant de démontrer de façon indubitable que les objets de notre perception existent ;mais les différents arguments qu'il avance ne s'avèrent pas absolument probants.

Le premier argument utilisé estcelui de la vivacité des perceptions.

On serait effectivement tenté de dire que les objets perçus grâce aux senssemblent plus réels, procurent justement des sensations plus fortes que lors d'un rêve notamment.

Mais selonDescartes, cela n'explique pas le fait que certaines perceptions semblent embrouillées et improbables.

Par exemplelors de fortes chaleurs, sur la route, à quelques mètres, on croit voir une flaque d'eau et comme un flou qui s'endégage ; et dès lors qu'on atteint l'endroit qui nous est apparu comme mouillé, on constate à raison que la route nel'est absolument pas, alors que déjà, une dizaine de mètres plus loin, celle-ci semble à nouveau inondée.

Alors qu'ona conscience du fait que cette perception est erronée, elle conserve cependant les autres aspects d'une perceptionordinaire ; elle ne semble pas relever de l'imagination car elle se reproduit de manière tout aussi apparente, dès lorsque la précédente illusion disparaît.

Cette perception implique le même sentiment de vivacité que les autresexpériences sensorielles, considérées comme ‘réelles'.

Donc selon Descartes la vivacité d'une perception neprouve en rien son existence véritable.

Mais cela s'explique de manière scientifique ; c'est en effet une question deréfraction de l'air atmosphérique.

Les sens sont donc trompés par un phénomène que l'on appelle mirage, mais laperception est réelle et observée par tous.

On peut donc supposer que la vision d'une flaque d'eau sur la route,même si elle s'avère être un mirage, reste une perception réelle et implique donc le même sentiment de vivacité queles autres perceptions.. »

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