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L'imagination est-elle un instrument de notre liberté ?

Publié le 27/02/2008

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L'imagination est-elle un instrument de notre liberté ?

Remarquer qu'il est énoncé non pas "peut-elle être" mais "est-elle".

Réfléchir sur la notion d' "instrument". Noter qu'il est dit "un instrument" et non "l'instrument".

Enfin il convient de se rappeler que les notions d'« imagination« et de « liberté peuvent être prises en plusieurs sens. Il s'agira donc dedégager en quel(s) sens (aussi bien en ce qui concerne imagination que liberté) le problème peut se poser. Enfin on examinera en quoi, dans « quelle mesure «, à « quelles conditions « l'imagination pourrait être considérée comme « un instrument de notre liberté «.

« prend plus le réel uniquement pour ce qu'il paraît : il lui prê\ te une forme possible. Ainsi, l'art comme la science exigent le recours à l'imagination.

Le \ mot s'attache, chez le savant et chez l'artiste, à cette capacité \ particulière d'inventivité et de créativité qu'ils manifeste\ nt dans leurs activités.

René Thom, mathématicien contemporain, dit que l'esprit scientifique doit « prolonger le ré\ el par l'imaginaire, et éprouver ensuite ce halo d'imaginaire qui com\ plète le réel ». Le réel est récupéré au profit d'un dessein spirituel : l'im\ agination témoigne alors de cet effort singulier de la pensée huma\ ine, qui ne peut comprendre que ce qu'elle peut reconstruire par ses pro\ pres moyens.

Ce n'est plus seulement compléter ou reproduire le réel, que de créer des « mondes i\ maginaires » ou des fictions.

C'est le densifier, lui donner une é\ paisseur qu'il n'avait pas.

C'est en cela que l'imagination est le signe\ même de notre liberté et autorise à concevoir un progrès incessant de la pensée humaine. [L'imagination appartient autant à l'homme libre qu'à celui qui est emprisonné.

Elle n'est donc pas un refuge, mais une illusion.

Être libre, c'est pouvoir parler, se mouvoir, agir sur le monde.] L'imagination ne remplace pas la liberté concrète Si l'imagination était vraiment un refuge, les hommes qui sont privés de liberté accepteraient plus facilement leur condition.

C'est plutôt\ le contraire qui se produit.

Les esclaves se révoltent, les peuples tyrannisés se soulèvent. L'imagination ne suffit pas à satisfaire le désir de liberté de\ s hommes. Celui qui vit dans l'illusion n'est pas libre L'homme est libre mm parce qu'il détermine consciemment et volontaire\ ment son existence.

C'est aussi parce qu'il peut agir sur le milieu natu\ rel qu'il s'en affranchit peu à peu.

L'imagination, «cette maît\ resse d'erreur et de fausseté», dit Pascal (Pensées), aliène l'homme, le prive de tout moyen réel\ lui permettant de conduire sa vie et de modifier son environnement. L'imagination déforme la réalité L'imagination est la plus grande puissance d'erreur qui se puisse trouve\ r en l'homme, et dont il ne peut se défaire.

Si elle était toujour\ s fausse, il suffirait d'en prendre le contre-pied pour trouver la vé\ rité, mais nous ne savons jamais si ce qu'elle nous représente est réel ou irréel.

N'é\ tant pas la règle infaillible du mensonge, elle ne peut l'être de \ la vérité.

Elle représente le vrai et le faux avec la même i\ ndifférence.

Sa puissance de persuasion est infinie, même auprès des hommes les plus sages et les plus raisonnables.

El\ le emporte l'assentiment par surprise et sans difficulté.

Les plus be\ aux discours de la rhétorique ne sont pas ceux qui parlent à notre\ raison mais à notre coeur.

La raison calcule, soupèse, compare, mesure, établit des rapports, ma\ is elle est incapable de "mettre le prix aux choses".

C'est l'imaginatio\ n qui nous fait estimer, blâmer, aimer ou détester, et non pas la \ raison dont elle se joue sans efforts.

L'imagination a produit en l'homme une seconde nature : "Elle r\ emplit ses hôtes d'une satisfaction bien autrement pleine et entiè\ re que la raison." «Imagination.

— C'est cette partie décevante dans l'homme, cett\ e maîtresse d'erreur et de fausseté, et d'autant plus fourbe qu'el\ le ne l'est pas toujours, car elle serait règle infaillible de vér\ ité si elle l'était infaillible du mensonge. Mais, étant le plus souvent fausse, elle ne donne aucune marque de sa\ qualité, marquant du même caractère le vrai et le faux».

(\ Pensées, II, 81) Parmi les facultés de l'homme [voir notion «la conscience»], la\ raison permet en principe la connaissance objective, mais les hommes cè\ dent le plus souvent à leur imagination.

Celle-ci est d'autant plus r\ edoutable qu'elle ne se laisse pas reconnaître comme telle.

Pour échapper à l'imaginati\ on, il faudrait raisonner, mais comment puis-je distinguer si je raisonn\ e véritablement ou si j'imagine que je raisonne? Manière de dire q\ ue les hommes — y compris ceux qui se croient les plus rationnels — s'entretiennent en permanen\ ce dans des illusions qu'ils créent eux-mêmes.

Dans la lignée d\ e Montaigne, Pascal met donc en évidence la faiblesse de nos faculté\ s de connaître, ce qui explique que pour lui, l'issue soit dans la foi et non dans la raison. Le texte de Pascal est une bonne référence pour mettre en question\ les pouvoirs de la raison [voir aussi Sextus Empiricus].

Contre l'optim\ isme de Descartes, confiant dans les progrès à venir de la science\ , Pascal déclare «Descartes, inutile et incertain ».

C'est un texte qui dit bien la finitude de l'\ homme, son absence de ressource intérieure puisque ce sont ses propre\ s facultés qui l'induisent en erreur.

C'est ce que Pascal appelle la \ «misère de l'homme sans Dieu». L'imagination corrompt nos perceptions Mettez, dit Montaigne, un philosophe dans «une cage de menus fils de \ fer clairsemés», suspendez-le «au haut des tours de Notre-Dame \ de Paris».

Bien qu'étant assuré de ne pas tomber, son imaginati\ on lui fera craindre la chute.

En effet, il «ne se saurait garder (s'il n'a accoutumé le métier \ de recouvreur) que la vue de cette hauteur extrême l'épouvante et\ ne le transisse» (Essais). L'imagination est la «folle du logis» Pour Descartes, l'imagination est la faculté passive de se représe\ nter des images, au contraire de la raison, qui est active et créatri\ ce.

“Et pour rendre cela très manifeste, je remarque premièrement l\ a différence qui est entre l'imagination et la pure intellection ou c\ onception.

Par exemple, lorsque j'imagine un triangle, je ne leconçois pas seulement comme une figure composée et comprise de tro\ is lignes, mais outre cela je considère ces trois lignes comme pré\ sentes par la force et l'application intérieure de mon esprit ; et c'est proprement ce que j 'appelle imaginer.

Que si je veux \ penser à un chiliogone, je conçois bien à la vérité que c\ 'est une figure composée de mille côtés, aussi facilement que j\ e conçois qu'un triangle est une figure composée de trois côté\ s seulement ; mais je ne puis pas imaginer les mille côtés d'un ch\ iliogone, comme je fais les trois d'un triangle, ni, pour ainsi dire, le\ s regarder comme présents avec les yeux de mon esprit.

Et quoique, suiv\ ant la coutume que j'ai de me servir toujours de mon imagination, lorsqu\ e je pense aux choses corporelles, il arrive qu'en concevant un chiliogone je me représente confusément quelque\ figure, toutefois il est très évident que cette figure n'est poin\ t un chiliogone, puisqu'elle ne diffère nullement de celle que je me représenterais, si je pensais à un myriogone, ou à quelqu\ e autre figure de beaucoup de côtés ; et qu'elle ne sert en aucune\ façon à découvrir les propriétés qui font la différen\ ce du chiliogone d'avec les autres polygones.

Que s'il est question de considé\ rer un pentagone, il est bien vrai que je puis concevoir sa figure, auss\ i bien que celle d'un chiliogone, sans le secours de l'imagination ; mais je la puis aussi imaginer en appliquant l'attention\ de mon esprit à chacun de ses cinq côtés, et tout ensemble à\ l'aire, ou à l'espace qu'ils renferment.

Ainsi je connais clairement que j'ai besoin d'une particulière contention d'esprit pou\ r imaginer, de laquelle je ne me sers point pour concevoir; et cette par\ ticulière contention d'esprit montre évidemment la différence qui est entre l'imagination et l'intellection ou conceptio\ n pure.

» Descartes, « Méditations métaphysiques », VI.

Le plus souvent, le texte extrait d'un ouvrage de Descartes est étroi\ tement lié au contexte, mais a aussi sa valeur en lui-même et en e\ st dans une certaine mesure isolable.

C'est le cas ici.

Son dessein essentiel est de prouver l'existence des choses matérielles, \ mais, comme il le précise dans l'Abrégé des Méditations : .

\ Dans la Sixième, je distingue l'action de l'entendement d'avec celle de l'imagination ; les marques de cette distinction y sont décr\ ites».

A vrai dire, la faculté d'imaginer est beaucoup plus large \ et complexe que celle qui définit notre texte et Descartes analyse ailleurs ce que nous appelons imagination reproductrice et imagi\ nation créatrice. Ce dont il est question en ce début de la Sixième Méditation, c\ 'est de l'imagination en tant que la faculté de connaître s'appliq\ ue à notre corps auquel elle est intimement conjointe.

Dans les Réponses aux cinquièmes objections, Descartes écrit à Gassen\ di : «Les facultés d'entendre et d'imaginer ne sont pas seulement \ selon le plus et le moins, mais comme deux manières d'agir totalement différentes.» C'est ce qu'il établit sur l'exemple d\ e figures géométriques.

Par l'acte d'imaginer, je ne forme pas seu\ lement l'idée du triangle comme une figure composée de trois lignes qui comprennent ou enferment un espace, mais je me les rends pré\ sentes.

Toutefois, si je considère un polygone à de nombreux cô\ tés, très vite le pouvoir de l'imagination marque ses limites, alo\ rs que celui de l'entendement, de l'intellection pure ou conception, ne paraît pas en\ avoir.

Il peut former une idée claire et distincte du polygone à \ mille côtés ou chiliogone aussi aisément que celle du triangle.\ En revanche, s'il est dans la nature de l'imagination de ne pouvoir s'appliquer à des choses corporelles s\ ans s'en faire une image, elle sera la même pour le chiliogone ou le \ myriogone ou polygone à dix mille côtés, ce qui revient à di\ re que l'image de l'un et de l'autre sera entièrement confuse.

Et, par conséquent, la représ\ entation imaginative ne pourra, à la différence de la conception, \ m'apporter la moindre connaissance sur ces figures. Pour Malebranche, elle est «la folle du logis».

Elle brouille les \ idées claires et distinctes.

Pour Pascal, elle «marque du même \ caractère le vrai et le faux» et nous induit le plus souvent en er\ reur. L'imagination est un produit des passions Une imagination est une idée qui indique davantage l'état présent du corps humain que la nature d'un corps extérie\ ur, non certes distinctement, mais confusément.» Pour Spinoza, l'imagination est une projection subjective déterminée par les passions du corps.

Cette idée anticipe la th\ éorie psychanalytique du fantasme comme expression d'un sentiment inc\ onscient. L'homme n'est pas seulement un esprit Privé de tout, plongé dans le plus profond dénuement, l'homme n\ 'a même plus la liberté de penser.

Avant de laisser libre cours à\ son imagination, il doit construire sa liberté effective.

Pour cela,\ il lui faut penser à satisfaire ses besoins vitaux, à tenir compte de la réalité et, primordialement, du fa\ it qu'il a un corps. L'imagination peut sans doute être le refuge de la liberté.

Mais e\ lle ne l'est qu'à partir du moment où l'homme n'est plus entièr\ ement soumis aux nécessités naturelles.

Or, un tel affranchissemen\ t n'est possible que si volonté et raison, se détournant des fantasmagories de l'imagination, ont prise \ sur le réel.

Maintenant, et depuis Kant, on ne peut plus dire que l'i\ magination est une activité négative de l'esprit dont il faut se m\ éfier par dessus tout.

Créatrice, et donc libératrice, cette activité devient, pour la psychanalyse, un puis\ sant moyen de satisfaire, par le biais de la sublimation, des désirs \ (d'origine sexuelle) que la réa¬lité ne permet pas de satisfa\ ire.

Avec Bachelard, l'imagination devient cette «fonction de l'irréel qui est psychiquement aussi utile que la fonction du réel» (La Terre et les rêveries de la volonté\ ).. »

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