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L'impossible Douma de Boris Eltsine

Publié le 22/02/2012

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12 décembre 1993 - Les apparences sont sauves : le parti russe le plus " présentable " aux yeux de l'Occident, Choix de la Russie, sera le premier parti représenté à la Douma de Moscou, il est vrai au prix de manipulations et ralliements qui restent à confirmer. Malgré la large victoire - incontestable celle-là - qu'il a remportée sur tous ses concurrents au scrutin de liste, le parti d'extrême droite de Vladimir Jirinovski ne vient qu'en deuxième position dans la répartition en sièges et il est loin de pouvoir prétendre, pas plus d'ailleurs qu'aucun autre parti, à une majorité. La perspective de son accession au pouvoir (une hypothèse " apocalyptique ", qui constituerait " la plus sérieuse menace pour la civilisation du monde dans toute son histoire ", a dit Egor Gaïdar, le chef de file des eltsiniens) est écartée, au moins pour le moment. Cela dit, ce Parlement sera tout aussi ingouvernable que l'ancien, et probablement tout aussi indocile : il vient d'ailleurs de le montrer en exigeant, par la voix de ses principaux chefs de groupe, de s'installer dans la fameuse " Maison Blanche " qui abritait l'ancien Parlement, au lieu du siège du défunt Comecon que lui proposait Boris Eltsine. D'abord parce que la notion de parti politique reste encore aussi vague que déconsidérée et que la discipline de vote est totalement inconnue. Ensuite, parce que l'opposition, bien que disparate, est entrée en force au Parlement. Les seuls communistes, alliés au Parti agraire et au Parti démocrate de Nikolaï Travkine, peuvent déjà compter sur 133 voix, auxquelles s'ajouteront sans doute des représentantes de " femmes de Russie " et bien d'autres députés classés " indépendants ". En face, le bloc des réformateurs démocrates ne totalise qu'un peu plus de 160 sièges. Entre les deux, les députés centristes de l'Union civique ne sont pas assez nombreux (18) pour faire la différence. Cet équilibre instable accroît encore le poids des 70 députés du Parti libéral-démocrate de Vladimir Jirinovski : celui-ci pourrait être d'autant plus courtisé par les uns et les autres qu'il s'emploie lui-même à flatter les deux camps : tout en affichant un programme de politique intérieure et extérieure fort éloigné de celui du pouvoir, il assure qu'il ne demandera le départ ni du président Eltsine ni de M. Tchernomyrdine, le chef du gouvernement. Ce qui ne l'empêche pas de n'avoir " rien contre " les communistes et leurs alliés... En outre, il devrait pouvoir compter plus que les autres sur la solidarité de son groupe, encore que les révélations sur ses attaches juives, les manoeuvres prévisibles du pouvoir et la déception de certains de ses compagnons risquent de mettre à mal cette cohésion : ainsi, l'homme d'affaires Andreï Zavidia, qui figurait sur le " ticket " Jirinovski à la présidentielle de 1991, vient de dénoncer la " dictature " exercée par ce dernier sur son parti. Il est vrai que les pouvoirs de cette chambre ingouvernable sont sérieusement limités, en tout cas canalisés par une Constitution qui, sans être l'instrument " totalitaire " dénoncé par ses détracteurs, fixe des règles du jeu beaucoup plus contraignantes. A la différence de l'ancien Parlement, la Douma ne pourra ni se substituer au gouvernement ni, sauf cas extrême, destituer le président ou modifier la Loi fondamentale. Elle devra coexister avec le Conseil de la Fédération, la chambre haute où domineront les " barons " de la nomenklatura régionale, et sera menacée en permanence de dissolution en cas de désaccord avec le pouvoir. De toute manière son mandat expire en 1996, en même temps que celui du président : ce n'est qu'après cette date que le mandat des uns et des autres sera de quatre ans. Aussi bien, la relation qu'il conviendra de surveiller dans le nouveau paysage politique russe ne sera pas seulement celle du président et du Parlement, comme par le passé, mais aussi celle qui s'établira entre le président et le gouvernement. A la différence du système américain - dont la Constitution russe s'est assez largement inspirée par ailleurs - le nouveau régime russe conserve le poste de premier ministre (rebaptisé " président du gouvernement " ), mais, à la différence de ce qui se passe en France, il en fait une sorte de seconde autorité tenue à prudente distance : le président, déjà consacré dans le rôle d'arbitre entre le gouvernement et le Parlement (en cas de vote de défiance, il a le choix entre le renvoi du cabinet et la dissolution du Parlement), a aussi le pouvoir d'annuler les arrêtés du gouvernement qui contredisent ses oukazes. En outre, comme s'il voulait se mettre à l'abri des empiétements tant du gouvernement que des chambres, Boris Eltsine s'est employé, ces derniers jours, à élargir son " domaine réservé " : plusieurs des services de sécurité hérités de l'ancien KGB ont été rattachés directement à la présidence, et il en irait de même de l'armée qui, après réorganisation, verrait son état-major soumis beaucoup moins au ministre de la défense qu'au président, déjà consacré " commandant en chef des armées " par la Constitution. En ce qui concerne les médias, le ministère de l'information, qui, tout en étant confié à des proches de Boris Eltsine, faisait normalement partie des structures gouvernementales, sera remplacé par deux organismes directement rattachés à la présidence, l'un pour la télévision, l'autre pour la presse. Il n'est pas étonnant dans ces conditions d'apprendre que le prochain gouvernement sera " allégé ". Il est vrai qu'il en était venu à compter près d'une centaine de ministères et comités divers, presque autant que du temps de Brejnev et de Tchernenko... Une structure pléthorique En fait, la structure qui va prendre le relais est l' " administration présidentielle ", déjà pléthorique elle aussi et qui va le devenir plus encore. Avec deux inconvénients : l'absence de contrepoids, d'une part, puisque, si la Constitution fixe certaines limites à l'activité du président lui-même, elle est quasiment muette sur les organismes qui lui sont rattachés la boulimie du président, d'autre part, un homme éduqué dans un système qui croyait pouvoir tout régenter et qui, depuis son triomphe d'octobre, n'arrête plus de signer des oukazes. Mikhaïl Gorbatchev lui aussi empilait des oukazes. On sait ce qu'il en est advenu... MICHEL TATU Le Monde du 29 décembre 1993

« Cinquante-deux morts israéliens Les Israéliens l'ont éprouvé, à l'occasion d'attentats le plus souvent qualifiés d' " actes individuels " : lors de l'attaque contre unchauffeur de bus qui provoqua la mort de seize personnes, ou encore lorsque deux passants furent poignardés en pleine rue àJérusalem.

En deux ans, cinquante-deux Israéliens (dont quinze soldats) ont été tués dans des actes de violence liés à l'Intifada.

Ilreste qu'il est difficile d'évaluer l'impact du soulèvement de l'autre côté de la " ligne verte ".

On peut longer le pays du nord au sud,séjourner dans les grandes villes d'Israël, sans discerner le moindre signe apparent du conflit.

L'écrasante majorité des Israéliensne connaissent le soulèvement que par le " Mabat " -le journal télévisé-et le " Miluim " -les périodes de réserve militaire.

AJérusalem, les demandes de port d'arme, rapporte le Jérusalem Post, ont augmenté de 350 %-mais rien de tel à Tel-Aviv.

Et si lapresse israélienne n'a pas baissé les bras, insensiblement, le soulèvement est passé en pages intérieures. Les répercussions économiques se font sans doute sentir, mais pas de manière intolérable.

De même, si l'image d'Israël s'estternie dans l'opinion occidentale, il n'y a pas eu pour lui de conséquences diplomatiques notoires.

Au contraire, ces deux annéesont vu un réchauffement sensible des relations avec l'URSS et l'Europe de l'Est et la reprise des relations avec certains grandspays africains. Personne ne parle sérieusement d'une crise morale dans l'armée, comme au moment de la guerre du Liban. Enfin, à en croire les spécialistes et les résultats des élections de l'an passé, le paysage politique intérieur n'a guère étébouleversé, les deux grands partis, le Likoud et les travaillistes, étant toujours côte à côte.

En dépit des efforts de ses militants, lemouvement de gauche " La paix maintenant " ne paraît guère mobiliser sur la question du soulèvement, pas plus d'ailleurs que lesultranationalistes du Goush Emounim (le Bloc de la foi) qui, en deux ans d'Intifada, n'ont pas réuni une seule grande manifestationde solidarité avec les colons. La seule étude d'opinion systématique sur l'impact du soulèvement (1) dessine des évolutions ambiguës : à court terme, une légère inclinaison à droite et l'acceptation croissante du fait que les " impératifs de sécurité " en Cisjordanie et à Gaza doiventl'emporter sur le souci du respect des droits de l'homme à long terme, en revanche, la tendance qui domine est celle d'unedisponibilité grandissante à accepter la formule de " la paix en échange de territoires ". Sentiment d'impuissance Il y a plus.

Le soulèvement a largement contribué à ébranler dans la classe politique (notamment chez les travaillistes) le taboudu dialogue avec l'OLP-et cela, aussi, s'inscrit dans le nouveau statu quo.

De même qu'en fait partie le progressif rétablissementde la " ligne verte ", cette frontière de plus en plus visible séparant l'Israël d'avant 1967 de territoires dont les Israéliens se sententde plus en plus étrangers et où ils sont de moins en moins nombreux à se rendre (sauf en uniforme). Les nationalistes palestiniens sont conscients de cette dernière évolution et cherchent à l'accentuer.

Ils veulent développer etrenforcer leurs propres circuits économiques, secouer leur dépendance et consolider ces poches de semi-autonomie conquises enébranlant l'emprise de l'administration israélienne sur la population. L'important, disent-ils, est de répandre une " culture " de l'Etat indépendant.

Certains observateurs avancent qu' " un doublerégime " est en passe de s'instaurer en Cisjordanie et à Gaza : celui de l'administration israélienne quand l'armée est là pourl'imposer, celui des comités dès que les soldats ont tourné le dos. La réalité est sans doute plus complexe et nuancée que la formule ne le laisse entendre.

Mais on est loin des constats établis enjuin 1987, lorsque journalistes et officiels, dressant le bilan de vingt ans d'occupation, évoquaient la mise en place progressived'un condominium jordano-israélien sur les territoires.

Quels que soient son avenir, sa portée et les véritables intentions de sesauteurs, l'initiative politique présentée en avril par le gouvernement-le projet d'élections en Cisjordanie et à Gaza-reflète, à safaçon, cette évolution : pour la première fois depuis 1948, l'interlocuteur prioritaire qu'elle désigne n'est plus tel ou tel pays arabe,mais bien les Palestiniens. ALAIN FRACHON, YVES HELLER Le Monde du 8 décembre 1989. »

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