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Y a-t-il de l'incommunicable ?

Publié le 27/02/2008

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Prétention de l'ineffable à dénoncer. Selon la métaphore architecturale d'une construction où il y a un haut et un bas (et par là même une fondation, « un fondement ») la croyance  répandue (« ordinairement ») en l'ineffable (ce qui échappe à l'expression) est celle d'un haut sur-valorisé (« ce qu'il y a de plus haut »), mais qui ne s'appuie sur rien (« sans fondement »). Ce qui fait que ce qui est pris par l'opinion, pour le haut n'est en réalité ?à l'opposé de l'apparent- que superficialité, qui s'oppose à la solide épaisseur du profond. Cette métaphore, imaginée pour dire l'ineffable, ne pouvant jouer qu'à vide, on peut aussi en proposer une autre, plus réelle (« en réalité... »), mais ici, à peine suggérée : celle d'un baquet, où une chimie secrète (« obscure ») opère sa fermentation. L'ineffable n'est pas apparemment dans la clarté de ce qui est « le plus haut », mais, en réalité, dans l'obscur de ce qui est au plus profond. Mais cet obscur fait l'objet d'un travail caché qui s'accomplit au-dedans, dans le bruissement discret de la fermentation. Mais cette pensée sobre est incomplète, « obscure » au sens d'incompréhension, impossible à déchiffrer, comme on parle d'un sens difficile à comprendre, de quelque chose d'embrouillé ou de fumeux (les vapeurs de la fermentation). Elle ne sera pensée qu'une fois accomplie, achevée, rendue claire par le mot qui donne le sens. 3.

« recouvre les impressions délicates et fugitives de notre conscience individuelle...

Celles-là seules de nos idées quinous appartiennent le moins, sont adéquatement exprimables par des mots". Seule, selon Bergson , la musique serait capable, par-delà "ces joies et ces tristesses qui peuvent, à la rigueur, se traduire en paroles ", de saisir "quelque chose qui n'a plus rien de commun avec la parole, certains rythmes de vie qui sont plus intérieurs à l'homme que ses sentiments les plus intérieurs, étant la loi vivante, variable avec chaquepersonne, de son exaltation, de sa dépression, de ses regrets et de ses espérances ".

La philosophie existentielle a insisté davantage encore sur le caractère " ineffable " de la communication: ainsi, pour Karl Jaspers , la communication reste toujours "le secret des deux êtres " qu'elle unit, puisqu'elle est affirmation existentielle, non conceptuelle, de l'unicité de ces deux êtres, et bien souvent, pour la nouer, "le silence, expression normale de l'inconditionné " vaut mieux que toute explication.

Même dans notre vie intellectuelle, il s'en faut que tout soit exprimable par le langage.

"On ne peut parler, dit Condillac , sans décomposer la pensée en ses divers éléments pour les exprimer tour à tour et la parole est le seul instrument qui permette cette analyse de la pensée ." Il résulte de là que, tant que la pensée demeurez encore enveloppée ou syncrétique, tant qu'elle n'a pas encoreexplicité les rapports qui la constituent, elle est malhabile à s'exprimer: tels sont ces états sur lesquels avait insistéW.

James , tels que "sentiments de rapports ", " intention " de parler en tel ou tel sens, " attitudes mentales ".

Cette dernière remarque nous met en garde cependant contre la tendance, trop fréquente dans la philosophiecontemporaine, à exalter cette pensée inverbale ou balbutiante.

Car, parfois, la pensée qui ne parvient pas àexprimer, est fréquemment une pensée confuse.

L'ineffable c'est parfois l'irrationnel: tel était d'ailleurs le sens dumot dans l'ancienne langue, où le nombre ineffable n'était autre que le nombre incommensurable, que nous appelonsaujourd'hui précisément le "nombre irrationnel". B) La philosophie contemporaine a incriminé bien plus vivement encore l'incompétence du langage dans ledomaine métaphysique: "nous ne voyons pas les choses en elles-mêmes, écrivait déjà Bergson , nous nous bornons le plus souvent à coller des étiquettes sur elles.

Cette tendance, issue du besoin, s'est encore accentuée sousl'influence du langage.

Car, les mots désignent tous des genres ".

Ainsi, le langage contribue à nous masquer la vraie réalité des choses, qui est toujours concrète et singulière.

aussi, l'intuition qui seule, selon Bergson , nous permettrait d'atteindre l'absolu, cherche-t-elle à coïncider avec ce que l'objet a d'unique et, " par conséquent, d'inexprimable ".

Ici encore la philosophie existentielle a accentué cette position.

Certains philosophes en viennent à faire du "je-ne-sais-quoi" une véritable catégorie de la pensée ( Jankélévitch ). Selon Jaspers , toute existence individuelle est unique et, par suite, ce n'est pas seulement l'individu empirique dans sa particularité historique, qui est, comme l'avaient reconnu les scolastiques, "inépuisable et inexprimable ", c'est l'existence elle-même qui s'oppose au discours, et la philosophie, en tant que discours sur l'existence, ne peutprétendre à l'exprimer: elle ne peut être qu'un appel qui "éveille " l'existant individuel et l'invite à être lui-même. C) Mais, si c'est une défaite de la pensée philosophique (dont le rôle est de tout comprendre) que dereconnaître de l'ineffable, il n'en va plus de même du point de vue religieux et surtout mystique.

Qui reconnaîtl'existence d'un être infini, reconnaît en effet par là même l'impuissance de l'intelligence humaine à le comprendrepleinement et celle du langage humain à l'exprimer adéquatement.

Aussi le premier Concile du Vatican proclame-t-ilDieu "ineffablement élevé " au-dessus de toutes les créatures.

a plus forte raison, les mystiques qui s'efforcent d'entrer en union spirituelle avec cet Etre infini, ne trouvent-ils plus de paroles pour exprimer cette union, etcertains d'entre eux sont allés jusqu'à parler du "je-ne-sais-quoi" qu'ils ressentent dans l'extase.

Sainte Thérèse déclare qu'au moins au début, elle "passa fort longtemps sans trouver une seule parole pour faire connaître aux autres les lumières et les grâces dont dieu la favorisait ", et Bossuet , dans une lettre à l'une de ses pénitentes, lui conseille, pour faire oraison, de dire ö sans rien ajouter. Il s'en faut toutefois que, chez les vrais mystiques, cet état ne soit qu'inconscience et tourne le dos à touteintelligibilité.

Comme l'a très bien dit h.

Delacroix, "pour les mystiques chrétiens, le dieu ineffable est au dieu de l' Eglise ce que l'intuition est au discours.

Il le dépasse, mais il se précise et s'explicite en lui...

Ils adhèrentexplicitement ou implicitement à l'école qui contraint le discours à témoigner en faveur de l'intuition ". • Ne peut-on objecter à ce mythe de la pensée pure d'être seulement une pensée informe, insuffisamment penséeet seulement visée ? Hegel.

Phénoménologie de l'esprit, p.

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