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L'incroyable ?

Publié le 29/03/2009

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La notion d’ “incroyable” est a de nombreux égards paradoxaux. En effet, une chose incroyable est par définition une chose en laquelle on ne croit pas, qui ne saurait emporter notre sentiment de créance en raison de son caractère profondément surprenant, inhabituel, choquant… L’incroyable, c’est ce que nous ne saurions accepter de croire parce qu’il échappe immédiatement a la sphère de nos habitudes et des événements que nous considérons normaux car attendus, prévisibles. Mais lorsque quelqu’un dit : « c’est incroyable « il s’agit d’une sorte de précaution oratoire qui nous invite a penser qu’en dépit du caractère fabuleux de ce que nous allons entendre, il ne laisse pas d’être vrai, et donc de devoir être cru par nous. Nous dirons donc que l’incroyable, c’est une chose surprenante qui loin d’être impossible a croire, doit être crue en dépit sinon même en raison de son caractère incroyable : voici le premier paradoxe.

 

Mais la notion d’incroyable comprend un deuxième paradoxe qu’il nous faudra étudier en détails : il se peut bien souvent que ce qui nous parait incroyable soit vrai, alors que ce que nous prenons pour vrai et parfaitement digne de notre créance soit en revanche parfaitement fictif. Aristote a le premier souligné ce paradoxe dans la poétique, lorsqu’il étudie le concept de vraisemblance : bien souvent le vrai est incroyable alors que le faux est vraisemblable.

 

Enfin, il faut bien voir que la notion d’incroyable est paradoxale pour une dernière raison : car la chose que nous jugeons incroyable est bien souvent ce qui deviendra avéré et positif dans l’avenir d’une société. Il se peut en effet que l’immobilisme d’une société la pousse a rejeter toute amélioration, tout changement, sous prétexte qu’ils sont néfastes et impossibles a croire ; mais ces nouveautés incroyables sont le moyen de faire advenir des améliorations considérables dans l’ordre social, comme le montre notamment éloquemment l’exemple de l’utopie.

 

La question au centre de notre travail sera donc de déterminer dans quelle mesure la notion d’incroyable est une notion éminemment paradoxale qui permet l’avènement de la nouveauté dans l’esprit humain et l’ordre social.  

 

I.                   L’incroyable et le paradoxe de l’adhésion suscitée

  1. L’incroyable est ce que nous ne saurions nous résoudre à croire

  1. Mais l’incroyable est ce qui emporte paradoxalement notre créance

II.                L’incroyable et le paradoxe de la vérité et de la fiction

  1. L’incroyable peut appartenir au domaine du vraisemblable…

  1. … et le vrai a celui de l’invraisemblable

III.             L’incroyable et le paradoxe de l’avènement de la nouveauté

  1. L’incroyable est ce que nous ne pouvons accepter au premier contact

  1. Mais l’incroyable permet l’avènement d’améliorations dans l’ordre social

« a. Mais il faut bien voir que cette dimension paradoxale de la notion d'incroyable ne s'arrête pas la.

En effet, il se peutbien souvent que ce que nous jugeons incroyable appartienne au domaine du vraisemblable.

Le caractère incroyabled'un fait que l'on rapporte semble en effet plaider pour sa véracités, de sorte que parfois nous acceptons d'autantplus volontiers de croire quelque chose que l'on nous rapporte parce qu'elle nous parait extraordinaire que nous ne leferions d'une chose également fausse, mais moins surprenante.

Casanova raconte à ce titre dans l' Histoire de ma vie que l'on dupe d'autant plus aisément les sots que l'on rapporte des histoires absolument extraordinaires.

Tel est le cas dans ses Mémoires lorsqu'il raconte de quelle manière il a fait croire a une famille de paysans que leur sous sol cachait un trésor, afin de se faire payer a prix d'or ses services pour le déterrer.

… et le vrai a celui de l'invraisemblable b. A l'inverse, il arrive bien souvent que ce que nous présentons aux autres en protestant de sa véracité, et dont noussavons pertinemment que ce que nous disons est effectivement véridique, soit incapable d'emporter leur adhésion.

Ily a en effet dans la vérité des détails qui parfois nous empêchent de lui donner ce caractère de vraisemblancenécessaire pour emporter l'adhésion d'autrui.

Cela montre bien que l'incroyable et le croyable, l'invraisemblable et levraisemblable, ne sont pas des caractéristiques appartenant en propre a certains types de discours.

Les frontièresde ces notions sont fluctuantes, en raison des habitudes de chacun, de ce que nous sommes habitues à reconnaitrepour vrai et a fréquenter au quotidien.

Comme l'écrit Aristote dans la Rhétorique : « Le vraisemblable est ce qui se produit le plus souvent, non pas absolument parlant, comme certains ledéfinissent ; mais ce qui, dans le domaine des choses pouvant être autrement, est relativement à la chose parrapport à laquelle il est vraisemblable, dans la relation de l'universel au particulier .

» ( Rhétorique I, 1357b , pages 80-81).

De ceci nous pouvons tirer que l'incroyable est une caractéristique mouvante d'un discours.

En effet, il se peut quece que nous prenons pour incroyable ne nous apparaisse tel que parce qu'il échappe a notre horizon d'attente de cequi peut plausiblement advenir dans le monde.

III. L'incroyable et le paradoxe de l'avènement de la nouveauté L'incroyable est ce que nous ne pouvons accepter au premier contact a. Enfin, il faut bien voir que ce que nous jugeons incroyable a tendance à surgir dans l'espace du discours avec uncaractère de nouveauté qui le rend quelque peu choquant, inattendu.

Par exemple, pendant longtemps, les hommesont pu juger incroyable qu'il fut possible que les femmes soient capables de voter : d'aucuns affirmaient qu'ellesn'avaient pas l'intelligence ou l'indépendance nécessaire pour le faire.

Ainsi, les discours pro féministes, quiargumentaient en faveur du droit de vote pour les femmes, pouvaient-ils passer pour des pamphlets truffes depropositions incroyables.

De ceci nous pouvons tirer que l'incroyable est ce qui surgit dans notre univers de penséede manière inattendue, sans que nous puissions trouver le moyen de le rattacher a notre horizon d'attente.

Mais l'incroyable permet l'avènement d'améliorations dans l'ordre social b. Cependant, il faut bien voir que les discours qui portent des propositions incroyables à une époque et dans unesociété donnée sont les moyens de faire advenir la nouveauté qu'ils énoncent.

Thomas More dans l' Utopie préconise par exemple une réalisation dans les faits des prescriptions de Raphaël Hythloday : il s'agit pour l'auteur de susciterun changement concret dans le royaume d'Angleterre, au moyen d'une action politique qui s'inspirerait des leçonsdonnées par l'utopie.

L'utopie a donc pour fonction d'inspirer l'action concrète de ceux qui ont en main le pouvoirpolitique.

Nous dirons donc que s'il existe un usage potentiellement bon de l'utopie, il s'agit d'un usage qui prétenden faire le moyen d'une prise de conscience des maux d'une société réelle, prise de conscience inséparable de lasuggestion de solutions pratiques pour y remédier (chez More, par exemple, la propriété collective des biens et desmoyens de production est l'une des solutions envisagée pour régler les problèmes de l'Angleterre).Enfin, nouspouvons voir que l'utopie a un intérêt pratique, qu'il est possible d'en faire un bon usage, dans la mesure où lafiction se permet des licences avec le réel qui sont créatrices d'idées nouvelles.

Les utopies politiques inventent desaméliorations auxquelles les contemporains n'avaient jamais songé, et créent des idées qui n'étaient venues àpersonne.

Thomas More, par exemple, est le premier à avoir désigné la propriété privée comme le principal. »

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