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L'INFLUENCE DE L'EXIL SUR L'OEUVRE DE VICTOR HUGO

Publié le 01/05/2011

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Ce serait méconnaître le véritable caractère de l'épopée chez Victor Hugo que de la réduire à des évocations picturales et musicales de l'histoire. Les circonstances mêmes de sa vie allaient apporter à l'inspiration épique du poète les éléments nouveaux qui constituent son originalité. Jusqu'à l'exil, la matière poétique des œuvres de Victor Hugo n'émane que de deux sources ; l'une subjective, la répercussion des événements de sa vie privée sur son être moral, l'autre objective, la conception esthétique de l'univers. A la première, il doit tous ses poèmes de sentiment sur l'enfance, sur l'amour, sur la famille ; le fils, l'époux, l'amant ont trouvé des accents d'une profondeur et surtout d'un éclat inconnus jusqu'à lui, qu'il s'agisse de la Tristesse d'Olympio ou de Date Lilia. Pour la seconde, nous venons de voir dans quel sens et comment avaient progressé vers l'épopée ses visions du monde extérieur.

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« En 1841, c'est grâce à l'appui du duc d'Orléans et de Hélène de Mecklembourg que Victor Hugo, candidat pour laquatrième fois, fut enfin reçu à l'Académie française.

Le duc d'Orléans et sa femme assistèrent à la séance deréception.Bien des témoignages subsistent de la profonde empreinte que laissa sur l'esprit de Victor Hugo l'amitié de laprincesse.Ruy-Blas en premier lieu.

L'inspiration n'en est certainement pas étrangère aux sentiments de gratitude etd'affection, que Victor Hugo avait pour Hélène de Mecklembourg.

« Ruy-Blas, écrit Camille Pelletan, n'est-il pasl'homme de génie, j'allais dire le poète, que l'admiration d'une reine fait premier ministre et qui renouvelle par desréformes populaires une monarchie vieille et corrompue ? » Dans Ruy-Blas la reine est comme Hélène deMecklembourg une princesse allemande.La reconnaissance profonde que Victor Hugo avait vouée à la princesse d'Orléans survécut chez lui auxbouleversements politiques, à l'exil, à sa haine pour tous les rois.

En l'année 1855, VictorHugo proscrit était à Jersey, Hélène était en Angleterre à Claremont, où Louis-Philippe était mort depuis deux ans.Victor Hugo écrivait, pour celle dont il apparentait le sort au sien, ces vers venus du fond du cœur :Elle accepte, stoïque et simple, l'âpre ennui, L'isolement, l'affront dont un sot nous lapide, La haine des méchants,cette meute stupide, Qui broie un diamant ainsi qu'un grain de mil Et toutes les douleurs, contre-coup de l'exil...

Sile ciel m'eût donné, douce et charmante loi, Le grand devoir du fils qu'il te confie à toi, Ah ! comme elle eût dormisous ma garde fidèle Et lion pour autrui, j'eusse été chien pour elle.Du jour où Victor Hugo fut lié avec le fils et la bru de Louis-Philippe, sa préoccupation devint de manifesterpubliquement ses idées sur la politique intérieure et extérieure de la France, pour bien montrer que, tout commeRuy-Blas, il était lui aussi ministrable.Sa vie politique ne fut qu'une longue suite d'erreurs et de déceptions.Devenu le familier du salon d'Hélène de Mecklembourg, de la Cheminée du duc d'Orléans, il s'inféoda à la politiquesentimentale et allemande de la princesse.

Son discours de réception à l'Académie, où il rappelait le mot deNapoléon « J'aurais fait Corneille sénateur », fut une profession de foi d'opinions libérales.

Il présentait ses propresœuvres comme consacrées au développe- ment de la sociabilité humaine ; il y affirmait que la mission et la fonctiondu poète étaient de civiliser les hommes par la pensée.

Personne ne se méprit : c'était une candidature à la pairie.

Ils'aliéna dès ce jour l'Académie.La Conclusion du Rhin étonna l'opinion publique.

Elle tendait en résumé à rejeter l'Angleterre dans l'Océan, la Russiedans l'Asie, à demander la rive gauche du Rhin pour la France, et en échange à aider l'Allemagne à s'agrandir, às'unifier, à devenir le grand royaume septentrional de l'Europe.Il faillit perdre le fruit de cette complaisante propagande: six mois après la publication du Rhin, le duc d'Orléanssuccombait inopinément dans un accident de voiture.Le roi hésitait à faire de Victor Hugo un pair de France, il ne s'y décida qu'en 1845.

A peine nommé, Victor Hugocompromit la dignité de son rang dans l'imprudente aventure du Passage du Saumon.

Il ne devait rencontrer à laChambre des pairs que des auditeurs hostiles.

Dès son second discours l'attitude de ses collègues fut telle et soninsuccès si mortifiant que le fils du poète, François-Victor, écrit Victor Pavie, quitta la séance en pleurant.Néanmoins Victor Hugo gardait l'espoir, grâce à l'appui du roi et de la duchesse d'Orléans, d'être un jour ministre.La révolution de 1848 éclata, sans qu'il l'ait pré- vue.

En vain, de la place des Vosges se rendit-il à la Bastille pourengager le peuple qui criait : Vive la République ! à crier : Vive la Régente ! Peines perdues.

La Chambre des pairsdisparut avec la royauté.Tenu à l'écart aux élections du 23 avril 1848, élu le 4 juin en même temps que Louis-Bonaparte, il fondait, sixsemaines après, le journal l'Evénement, et moins de trois mois ensuite, commençait une campagne en faveur de lacandidature du neveu de Napoléon Ier dans un article intitulé : Le Troisième Retour de l'Empereur.

Épris delibéralisme, il avait ajouté foi aux déclarations patriotiques du prince ; puis, pris dans l'engrenage, il était devenul'homme-lige de la politique du président ; il s'était ainsi aliéné les légitimistes et les républicains.

Il avait persisté, ilétait allé jusqu'à imposer silence à ses propres convictions pour soutenir les idées et les actes de Louis-Bonaparte ;il avait pris parti pour lui, les yeux fermés, à propos de l'expédition romaine, à propos du suffrage universel, à proposde la liste civile ; il avait combattu pour lui sous le fouet cinglant de Montalembert, sous les railleries mordantes deBaroche et de Dupin.

Il avait toute raison d'espérer cette fois ce ministère, dont l'attente l'avait déçu sous Louis-Philippe.Puis, se sentant obstinément berné, il avait foncé dans une philippique terrible sur l'Augustule, surNapoléon le petit.

Réaction violente et logique où il entrait en même temps du dépit et un sursaut d'honnêteté : saconscience le libérait du remords d'un esclavage qu'il n'avait subi qu'à contre-cœur ; mais une majorité haineuse nevoulut voir, dans le déchaînement de son indignation, que l'explosion de la rancune et de la déception.Le Coup d'État qu'il avait prédit et dénoncé eut lieu.

Il ne fut ni arrêté, ni emprisonné.

La police impériale manœuvrapour l'obliger à une fuite clandestine, dans l'espoir de le diminuer par le ridicule.

A Bruxelles, où il se réfugia, malgrél'admiration et la bienveillance du bourgmestre Broukère, il se sentit entouré de défiance et d'hostilité.

De 1837 à1852, quinze années de mécomptes politiques et de souffrances morales qui allaient se prolonger dans la douleur del'exil ! Une œuvre comme celle des Châtiments, quelles que soient sa portée et la violence de ses accents, nepouvait suffire à panser la plaie et apaiser son âme ulcérée.Les Châtiments se prolongent dans La Légende des Siècles, comme s'y prolongent les doctrines philosophiques quis'élaborèrent et prirent corps à Jersey dans l'esprit de l'exilé.. »

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