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qu'est-ce qu'un irresponsable ?

Publié le 16/04/2005

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Le sens commun qualifie d'irresponsable celui ou celle qui n'a pas conscience de la portée de ses actes. Cette définition semble renvoyer alors la notion d'irresponsabilité à sa plus évidente expression. L'animal, l'enfant, l'« anormal « seront donc désignés comme étant irresponsables.

Cependant, les analyses philosophiques, juridiques, morales ou psychologiques de cette notion rendent, par leurs natures ainsi que par leurs polémiques respectives, problématique sa compréhension. La philosophie, la première, reconnaît une présupposition implicite dans l'approche de cette notion. Le jugement d'irresponsabilité est en effet assujetti et toujours dépendant de notre définition de la responsabilité.

C'est à cet endroit que la pensée rencontre une difficulté. En effet, si la notion de responsabilité semble entièrement dédiée à l'espèce humaine douée de conscience, il est plus complexe de définir quelles sont les expressions et les limites de la responsabilité humaine. Les différents domaines cités plus haut ont des visions différentes de la nature de l'irresponsable car définissant tous différemment la notion de responsabilité. Cette polémique doit alors être reprise et interrogée par la pensée philosophique pour espérer définir universellement la nature de l'irresponsable :

 

- Si la responsabilité désigne et appelle, dans tous les cas (juridiques, moraux), tout individu à « répondre « de ses actes (responsabilité civile, pénale, morale...), que peut-on en déduire philosophiquement de la nature de l'irresponsable ?

- Cependant cette nature n'invite-t-elle pas, de manière critique, à toujours remettre en question notre perception de la responsabilité ?

« responsabilité qui est à la base de la conception de son contraire.

Elles n'oublient pas, en effet, que l'irresponsableest toujours le jouet d'un jugement extérieur qui n'est pas forcément clair ou légitime, malgré sa reconnaissance ousa légalité.

Ainsi Nietzsche, philosophant « à coups de marteau », qui opère une « généalogie » (étude des racines) de la morale(cf.

Généalogie de la morale ).

Celle-ci à pour tâche de dénoncer les abus, les faiblesses et les illusions sur lesquelles s'est progressivement construite une autorité morale, politique, religieuse.

Chacune de celles-ci reconnaissent undevoir-être pour l'individu.

Mais Nietzsche considère leurs fondements comme étant l'oeuvre, inique, de la ruse des« faibles » pour se préserver des « forts ».

L'irresponsable serait, si nous suivons la critique nietzschéenne de lanotion de « libre-arbitre », celui qui ne subit pas le jugement ou la sanction morale (cf.

Le crépuscule des idoles ) : « Il ne nous reste aujourd'hui plus aucune espèce d'indulgence pour l'idée du « libre arbitre » ; nous savons trop bien ce que c'est : le tour de passe-passe théologique le plus suspect qu'il y ait, pour rendre l'humanité «responsable » à la façon des théologiens ; ce qui veut dire : pour rendre l'humanité dépendante des théologiens... Je ne fais que donner ici la psychologie de cette tendance à vouloir rendre responsable.

Partout où l'on cherche àétablir les responsabilités, c'est généralement l'instinct de punir et de juger qui est à l'œuvre.

On a dépouillé ledevenir de son innocence, lorsque l'on a ramené à une volonté, à des intentions, à des actes de responsabilité, lefait d'être de telle ou telle manière : la doctrine de la volonté a été principalement inventée à des fins dechâtiment, c'est-à-dire avec l'intention de trouver le coupable.

Toute l'ancienne psychologie, la psychologie de lavolonté, n'existe que par le fait que ses inventeurs, les prêtres, chefs des communautés anciennes, voulurent secréer le droit d'infliger une peine, ou plutôt qu'ils voulurent donner ce droit à Dieu...

Les hommes ont étéconsidérés comme « libres », pour pouvoir être jugés et punis, pour pouvoir être coupables : par conséquent toute action devait être regardée comme voulue, l'origine de toute action comme se trouvant dans la conscience. » Mais, décisivement, c'est Foucault qui – reprenant la méthode généalogique de Nietzsche – bouleverse notreconception commune de la distinction entre un être responsable et un irresponsable.

Grâce à son Histoire de la folie à l'âge classique , Foucault nous permet de remettre en question nos critères et fondements de jugement de l'irresponsabilité humaine.

Dès le Moyen Age, montre Foucault, les autorités politiques, religieuses et morales ontpratiqué une exclusion et un enfermement systématique des individus jugés irresponsables : les malades (les lépreuxpar exemple), les fous, les criminels, les hérétiques, les libertins...

Cet enfermement collégial est critiquablepuisqu'une seule forme d'exclusion est pratiquée pour des individus aux profils bien différents.

Foucault met donc enlumière une pratique confuse, orientée et irrationnelle qui consiste à enfermer tous les individus qui s'écartent untant soi peu d'une certaine « normalité ».

Pour preuve, un « hôpital général » est décrété et institué en 1656 enFrance, servant de lieu d'internement pour des fous, mais aussi des pauvres, des criminels.

Le lieu sera à la fois vecteur de répression et de charité.

Foucault voit là une « confusion » et une « illégitimité » qu'il s'agit de remettreen question.

En outre, Foucault remarque que des pseudo-progrès dans l'appréhension des individus jugésirresponsables mentalement consista, paradoxalement, en des pratiques de sanctions brutales en vue de « redonnerun statut et une inclination responsables » à l'individu ainsi traité ! De fait Foucault, au travers de l'analyse de lafolie et de sa considération à travers les âges, dénonce une volonté déguisée d'ignorer ou de se débarrasser desêtres qui ne répondent pas aux exigences de la morale traditionnelle.

Conclusion L'irresponsable a un statut ambivalent dans nos sociétés : étant jugé incapable de répondre à ses actes, cedernier est le plus souvent marginalisé, ignorer voir enfermé par les différentes instances qui le jugent.

Mais enmême temps, celui-ci est alors sanctionné (exclu, enfermé, méprisé) socialement alors même qu'il est reconnucomme non responsable de ses actes (et donc non sanctionnable juridiquement !) Foucault et Nietzsche, par exemple, nous ont permis de repenser la notion de responsabilité au regard d'unecritique lucide de ses fondements et de sa reconnaissance juridique et politique.

Il semble que le bon sensengage à relativiser la possibilité de l'irresponsabilité et à considérer l'humain comme la manifestation d'uneambivalence essentielle entre conscience et volonté de responsabilité et impuissance à être absolumentresponsable de tout.

L'irresponsable est, en cela, chacun de nous en puissance.. »

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