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JEAN ANOUILH: Antigone (fiche de lecture)

Publié le 22/02/2012

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anouilh
Antigone est créée en 1942, au moment peut-être le plus noir de l'occupation de la France. Et la pièce paraît lourde du climat de l'époque où elle a été écrite et représentée. Mais il ne faut pas expliquer ni l'atmosphère de la pièce ni son contenu par la seule époque de sa création. Il ne faut pas non plus voir les nombreux anachronismes volontaires de la pièce (café, tartines, bar, fusil, cigarettes) comme autant d'efforts pour tirer le propos antique vers l'actualité. Il faut bien voir qu'au contraire son époque n'est pour Anouilh que l'occasion de dire ce qui appartient à l'homme en tout temps, quel que soit le moment où il le vit, en ne prenant la période où il l'écrit que comme point d'appui.
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« une sorte de simplicité, mais aussi d'exigence, qu'il est plus facile d'esquiver que d'affronter.Fondée sur un débat d'ordre politique (au sens général du mot, celui des rapports entre les raisons des États etcelles des personnes), et même si elle doit à cela une part de sa popularité, Antigone est pourtant moins la pièced'un débat politique, ou d'une réflexion sur l'ordre et sa contestation, qu'une réflexion sur l'exigence personnelleintérieure, et une question à nos possibilités de rester fidèle à cette exigence.

Question qui prit une spécialeintensité à la date de la création de la pièce, sous l'occupation.Il reste qu'Antigone, loin de l'époque de sa création, et même de toute situation historique, est surtout la pièce d'unthéâtre de solitaire, et qui fut toute sa vie l'observateur amer, depuis sa solitude, des compromis des collectivités etde leu ,r effort pour esquiver ce que l'homme peut tenter à la fois de plus grand et de plus difficile. Un possédé du théâtre De 1929 à 1972, soit en un peu plus de quarante ans, Jean Anouilh a écrit 36 pièces, soit — cette régularité incite àla statistique — une tous les quinze mois, ou peu s'en faut.Antigone est la onzième pièce de ce véritable possédé du théâtre, passionné par lui depuis ce jour de 1928 où,grâce à Siegfried de Giraudoux, il en tira comme la révélation de sa vocation.

Dès l'année suivante, Anouilh donne sapremière pièce.A partir de ce moment, la vie d'Anouilh et celle d'auteur de théâtre, voire de machine à produire du théâtreponctuellement et régulièrement, ne feront plus qu'un — tout ce qui concerne sa vie personnelle et privée étantd'ailleurs tenu par lui farouchement à l'écart de toute indiscrétion. Les Antigones On choisit ici délibérément le pluriel.

Il faut en effet distinguer deux séries d'événements.

Ceux de l'histoire antiqued'Antigone, auxquels la pièce d'Anouilh fait référence, et ceux de sa pièce. SOPHOCLE L'histoire antique est mise en scène par une tragédie de Sophocle en 441 avant J.-C.« Elle commence au moment où les deux fils d'OEdipe, Étéocle et Polynice qui devaient régner sur Thèbes un an àtour de rôle, se sont battus et entre-tués sous les murs de la ville, Étéocle, l'aîné au terme de la première année depouvoir, ayant refusé de céder la place à son frère...

Maintenant, les deux frères ennemis sont morts, et le roiCréon a ordonné qu'à Étéocle, le bon frère, il soit fait d'imposantes funérailles, mais que Polynice, le vaurien.., seraitlaissé sans pleurs et sans sépulture.

Quiconque osera lui rendre les devoirs funèbres sera impitoyablement puni demort.

»Et ces deux frères ont une soeur, Antigone, qui va braver cet interdit.

Elle sera condamnée, et exécutée.Telle est, très schématisée, la trame de la tragédie grecque.

Mais on n'a pas mis pour rien la plus grande partie dece résumé entre guillemets : il est d'Anouilh lui-même, et il est dit au début de sa propre pièce par un personnage,appelé le Prologue, une véritable incarnation de la fonction de résumé.Ainsi le résumé du drame qui sert de référence à la pièce lui sert de point de départ, et en fait partie.

C'estévidemment délibéré, et vise à des fonctions précises.

Il faut voir lesquelles avant de passer à l'analyse de la pièced'Anouilh lui-même. ANOUILH Le théâtre d'Anouilh joue souvent sur le fait de reposer sur une trame supposée connue de tout spectateurmoyennement cultivé, et qui doit, ou devrait servir de base commune au trajet de la pièce entre l'auteur et lepublic.

Ainsi, sa pièce L'Alouette repose sur l'histoire de Jeanne d'Arc.

Mais pour son public français, l'histoire deJeanne d'Arc est si connue, à ce point intégrée non seulement à la culture, mais à tout l'esprit du pays, qu'Anouilhne résume rien au début de L'Alouette.

Antigone suppose, de la même façon, que nul n'ignore l'histoire grecqued'Antigone ; mais comme l'histoire grecque est moins connue du public que l'histoire de France, Anouilh sent lebesoin d'un rappel initial.Mais ce n'est pas la seule raison de la présence de ce rappel: il ne s'agit pas seulement de renseigner ceux quimanquent de culture.

Il s'agit de créer d'emblée un système de perspective et d'annoncer : vous allez assister à lareprésentation d'une pièce qui fait référence à une autre, et encore, « vous allez voir jouer l'histoire d'Antigone,dans laquelle il se passe ceci ».

D'ordinaire, au lieu de dire ce qui se passe, on le montre.

Pourquoi Anouilh s'y prend-il de la sorte ?D'abord pour bien signaler qu'on ne sera pas ici au théâtre pour découvrir des événements, suivre des péripétiesc'est-à-dire qu'on ne jouera pas sur des effets de surprise, au contraire mais devant une pièce où les péripétiessont réduites au minimum, car ce n'est pas de suivre des actions qu'il est question, mais de méditer sur leurs motifs.Ensuite pour désamorcer d'avance toute idée que la suite des événements est inconnue, et que cet inconnu feraitle ressort de la pièce.

Pour insister au contraire sur le fait que nous n'avons pas à nous demander ce qui va arriver,mais à réfléchir sur les raisons qu'ont les uns et les autres d'agir comme nous savons dès le début qu'ils le font etqu'ils le feront.. »

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