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Jean-Paul SARTRE: Autrui, une menace pour ma liberté ?

Publié le 02/04/2005

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Ma chute originelle, c'est l'existence de l'autre... Jean-Paul SARTRE

L'intuition géniale de Hegel est de me faire dépendre de l'autre en mon être. Je suis, dit-il, un être pour soi qui n'est pour soi que par un autre.

S'il y a un Autre, quel qu'il soit, où qu'il soit, quels que soient ses rapports avec moi, sans même qu'il agisse autrement sur moi que par le pur surgissement de son être, j'ai un dehors, une nature; ma chute originelle, c'est l'existence de l'autre ...

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« « Or voici que j'ai entendu des pas dans le corridor : on me regarde.

»Qu'est-ce que cela signifie , sinon que le regard d'autrui me fige.

J'étais liberté pure, conscience allégée de touteimage, me voici devenu quelqu'un, un objet du regard.

Je me vois parce qu'on me voit : mon « moi » fait irruption.En même temps j'en viens à exister sur le même plan que les objets.

Je suis objet d'un regard.

Autrui surgit et j'ai un« dehors », une apparence externe.

J'ai une nature qui ne m'appartient pas.

Ce que je suis pour autrui (vicieux,jaloux…), je ne suis plus libre de l'être.

Je suis engagé dans un autre être.

Plus jamais je ne pourrai échapper àl'image qu'autrui me tend de moi-même.

Autrement dit, j'existe sur le mode d' « être-pour-autrui ». « Ma chute originelle, c'est l'existence d'autrui… » Cela signifie donc que tout se passe comme si autrui me faisaitm'écrouler au milieu des choses.

C'est ce que je découvre dans la honte qui n'est, au fond, que « l'appréhension demoi-même comme nature ».

Chute originelle qui fait songer au péché originel.

Je suis découvert, presque nu devantle regard tout-puissant de l'Autre, regard qui me dépouille de ma transcendance.Face à autrui, je ne peux plus qu'être « projet de récupération de mon être ».

Si autrui me regarde, je le regardeaussi.

S'il tend à me chosifier, je peux faire de même.

Mon projet de récupérer mon être ne peut se réaliser que si jem'empare de cette liberté d'autrui et que je la réduis à être liberté soumise à ma liberté.

Et, en effet, tout estcombat, même l'amour.

Quel est, en effet, le désir de tout être amoureux ? N'est-ce pas d'abord de posséder l'êtreaimé, d'en faire sa chose ? Le combat se poursuit même dans les moments les plus doux, jusque dans le désir, lacaresse.

Le désir est une tentative pour déshabiller le corps de ses mouvements comme de ses vêtements et lefaire exister comme pure chair.

Le désir, cette tentative d'incarnation d'autrui, s'exprime par la caresse : « Encaressant autrui, je fais naître sa chair, par ma caresse, sous mes doigts.

La caresse est l'ensemble des cérémoniesqui incarnent Autrui.

»Qu'est-ce que cela veut dire, sinon que la caresse, ce n'est pas le simple « contact de deux épidermes », mais unefaçon, pour moi, d'empâter l'être désiré dans sa chair : « Mon but est de le faire s'incarner à ses propres yeuxcomme chair, il faut que je l'entraîne sur le terrain de la facticité pure, il faut qu'il se résume pour lui-même à n'êtreque chair… »Devenu corps, chair, présence offerte, sous mes doigts, par ma caresse, autrui ne me transcende plus.

Je suisrassuré : autrui est ma chose, il ne sera plus que ceci, cad chair. Si Sartre nous fait sentir toute cette « part du diable » qu'il peut y avoir dans nos rapports avec autrui – qui,comme sa pièce de théâtre « Huis clos » tend à montrer, sont souvent « tordus » - notons cependant que la visionsartrienne n'est pas entièrement négative.

Sartre, à la suite de Hegel, reconnaît que j'ai besoin de la médiationd'autrui pour obtenir quelque vérité sur moi.

Des sentiments comme la honte ou la pudeur ne me découvrent-ils pasdes aspects essentiels de mon être que j'ignorais sans autrui ? Avoir honte, n'est-ce pas reconnaître que je suis telqu'autrui me voit ? Que cette image qu'autrui me tend de moi-même n'est pas une vaine image ? Autrui est, ainsi, unmédiateur indispensable entre moi & moi-même.

Il me fait passer d'une « conscience non-positionnelle de soi » à «une conscience réflexive ».

Autrement dit il me fait accéder à une véritable conscience de moi-même.

D'où laformule : « Je suis un être Pour-soi, qui n'est Pour-soi que par un autre.

» Enfin si la relation à autrui est conflictuelle, c'est parce que le projet originel de tout être humain, c'est d'être causede soi, de coïncider totalement avec lui-même, tel Dieu.

Or, ce projet d'être Dieu est, comme le dit Sartre, unepassion inutile.

La peinture du vécu concret de l'altérité dans « L'être & le néant » ne peut, sans doute, secomprendre qu'en référence à ce projet de l'homme.

Si l'homme pouvait renoncer à cela, peut-être pourrait-il alorsaccéder à une vie plus authentique en assumant sa liberté et en reconnaissant la liberté d'autrui comme autre.. »

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