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LA JEUNESSE. ARISTOTE

Publié le 12/08/2011

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aristote

Les jeunes gens sont, par caractère, enclins aux désirs et portés à faire ce qu'ils désirent. Entre les désirs corporels ils sont surtout asservis à ceux de l'amour, et impuissants à les maîtriser. Ils sont changeants et prompts au dégoût relativement à leur désirs, et autant ces désirs sont véhéments, autant ils sont de courte durée; car leurs volitions sont vives, mais sans force, comme la soif et la faim des malades. Ils sont bouillants, emportés, enclins à suivre leur impulsion. Ils sont dominés par leur ardeur; leur ambition ne leur permet pas de supporter le dédain, et ils s'indignent s'ils croient subir une injustice. Ils aiment les honneurs, mais plus encore la victoire; car la jeunesse désire la supériorité, et la victoire est une supériorité. Ils ont ces deux ambitions plutôt que l'amour de l'argent; ils aiment fort peu l'argent, parce qu'ils n'en ont pas encore éprouvé le besoin. Ils n'ont pas mauvais, mais bon caractère parce qu'ils n'ont pas encore observé beaucoup de traits de perversité. Ils sont confiants, parce qu'ils n'ont pas encore été beaucoup trompés; comme les gens pris de vin, ils ont une chaleur qui leur vient de la nature; c'est en même temps qu'ils n'ont pas subi beaucoup d'échecs. La majeure part de leur vie est remplie par l'espérance; car l'espérance embrasse l'avenir, tandis que le souvenir s'applique au passé, et pour les jeunes gens, l'on n'a rien à se rappeler, tout à espérer. Ils sont faciles à tromper, pour la raison que nous venons de dire; car ils espèrent facilement. Ils sont plus courageux que les autres âges; car ils sont emportés et ont l'espoir facile : l'emportement leur ôte la crainte; l'espoir leur donne la confiance; car personne ne craint dans la colère, et espérer quelque bien inspire la confiance. Ils sont honteux; car ils ne conçoivent pas encore qu'il y ait d'autres choses belles, n'ayant eu pour éducatrice que la convention sociale. Ils sont magnanimes; ils n'ont pas encore été humiliés par la vie; ils n'ont pas l'expérience des nécessités inéluctables, et se croire digne de grandes choses est magnanimité, or celle-ci appartient au caractère de qui est plein d'espoir. Pour l'action, ils préfèrent le beau à l'intérêt; la règle de leur vie est le caractère plus que le calcul; or, le calcul a pour champ l'intérêt; la vertu, le beau. Plus que les autres âges, ils aiment leurs amis et leurs compagnons, parce qu'ils se plaisent à la vie de société et ne jugent rien encore selon leur intérêt, par conséquent leurs amis non plus. Ils pèchent toujours par exagération et trop de véhémence, contrairement au précepte de Chilon, car ils font tout avec excès. Ils aiment à l'excès, ils haïssent à l'excès et ainsi du reste. Ils croient tout savoir et affirment avec obstination : c'est la cause de leur excès en tout. Ils commettent leurs méfaits par démesure, non par méchanceté. Ils sont ouverts à la pitié, parce qu'ils s'imaginent que tous les hommes sont honnêtes et meilleurs qu'en réalité; ils appliquent à tous les hommes la mesure de leur propre innocence; ils s'imaginent donc que les souffrances d'autrui sont imméritées. Ils aiment le rire et par conséquent la plaisanterie; la plaisanterie est, en effet, une démesure tempérée par la bonne éducation.  

ARISTOTE. Rhétorique, II, 12. Les Belles Lettres éd. 

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