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Le Journal d'une femme de chambre

Publié le 30/03/2013

Extrait du document

Cinquième roman de Mirbeau, Le Journal (1900) fut dédié par l'auteur, en ces termes, à son ami Jules Huret:« Ce livre, malgré tous ses défauts, vous l'aimerez parce que c'est un livre sans hypocrisie, parce que c'est de la vie et de la vie comme nous la comprenons vous et moi. «

« Ce roman a donné lieu à deux adaptations cinématographiques : la première, en 1946, de Jean Renoir, la seconde, de Luis Bufiuel, en 1963, avec Jeanne Moreau dans le rôle principal.

« Il brandit son marteau,( ••• ) tandis que, derrière lui, sœur Angèle continuait de réciter les litanies de la Sainte Vierge.

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- ---- --- EXTRAITS Il n'y a pas de secrets pour une femme de chambre J'adore servir à table.

C'est là qu'on sur­ prend ses maîtres dans toute la saleté, dans toute la bassesse de leur nature intime.

Prudents, d'abord, et se surveillant /'un /'autre, ils en arrivent, peu à peu, à se révéler, à s'étaler tels qu'ils sont, sans fard et sans voiles, oubliant qu'il y a autour d'eux quelqu'un qui rôde et qui écoute et qui note leurs tares, leurs bosses morales, les plaies secrètes de leur existence, tout ce que peut contenir d'infamies et de rêves ignobles le cerveau respectable des hon­ nêtes gens.

Ramasser ces aveux, les classer, les étiqueter dans notre mémoire, en attendant de s'en faire une arme terrible, au jour des comptes à rendre, c'est une des grandes et for­ tes joies du métier, et c'est la revanche la plus précieuse de nos humi­ liations.

La fascination des puissants Moi que la richesse opprime, moi qui lui dois mes douleurs, mes vices, mes haines, les plus amères d'entre mes humiliations, et mes rêves impossibles et le tourment à jamais de ma vie, eh bien, dès que je me trouve en présence d'un riche, je ne puis m'empêcher de le regarder comme un être exceptionnel et beau, comme une espèce de divinité merveilleuse, et, malgré moi, par-delà ma volonté et ma raison, je sens monter, du plus profond de moi- même, vers ce riche très souvent imbécile et quelquefois meurtrier, comme un encens d'admiration.

Est-ce bête ? ...

Une rupture en forme de vengeance A la suite d'une discussion futile où j'avais tous les torts, j'ai quitté Madame.

Je l'ai quittée salement, en lui jetant d la figure, à sa pauvre figure étonnée, toutes ses lamentables histoires, tous ses petits malheurs intimes, toutes ses confidences par quoi elle m'avait livré son âme, sa petite âme plain­ tive, bébête et charmante, assoiffée de désirs ...

Oui, tout cela, je le lui ai jeté à la figure, comme des paquets de boue ...

Et j'ai fait pire ...

Je /'ai accusée des plus sales débauches ...

des pas­ sions les plus ignobles ...

Ce fut quelque chose de hideux ...

Les contradictions insurmontables de la condition domestique Un domestique, ce n'est pas un être normal, un être social.

C'est quelqu'un de disparate, fabriqué de pièces et de morceaux qui ne peuvent s'ajuster l'un dans l'autre, se juxtaposer l'un à l'autre ...

C'est quelque chose de pire : un monstrueux hybride hu­ main ...

Il n'est plus du peuple, d'où il sort; il n'est pas, non plus, de la bourgeoisie où il vit et où il tend ...

Du peuple qu'il a renié, il a perdu le sang généreux et la force naïve ...

De la bourgeoisie, il a gagné les vices honteux, sans avoir pu acquérir les moyens de les satisfaire ...

« Il faut allumer le client, l'entretenir dans une constante joie, dans un constant désir de ma personne ...

» NOTES DE L'ÉDITEUR « Je ne me plaindrai pas que, d'un bout à l'autre de l'œuvre de M.

Mirbeau, il n'y ait pas un honnête homme : je m'en passe très volontiers.

Si M.

Mirbeau n'en peint point, c'est apparemment qu'il saurait mal les peindre.

C'est aussi qu'il ne s'y intéresse pas.

M.

Mirbeau est fait de la curieuse étoffe de ces satiristes qui semblent n'exister qu'en raison de ce qu'ils attaquent.

Les monstres leur sont absolument indispensables.

Que feraient-ils sans eux? » André Gide, Prétextes, Gallimard, 1963.

« Ne demandez pas à Octave Mirbeau d'être objectif.( ...

) Octave Mirbeau n'était pas un calme.

Anarchiste plus que socialiste, il se réglait sur ses colères plus que sur ses idées.

C'estpourquoisesromanssontd'une forme étrange, ressemblant à des coffres chinois où les tiroirs ouverts dévoilent de nouveaux tiroirs qui, eux-mêmes, etc.

Ainsi, le Journal d'une femme de chambre est -avant tout -une succession d'anecdotes révélatrices.» Hubert Juin, préface du Jardin des supplices, Éditions Fasquelle, UGE, 1980.

«Ce qui compte, c'est le courage et le va-de-l'avant de Mirbeau comme écrivain, son manque d'hypocrisie littéraire et son désintéressement.

» Paul Léautaud.

1 Roger-Viollet 2, 3, 4, 5 aquarelles de G.

de Sainte-Croix.

Les Grands Textes français, Paris, 1947 «Il est toujours agréable de l'entendre mentir avec violence ...

Il raconte des histoires qu'il exagère jusqu'à ce qu'elles portent.» Jules Renard, Journal.

MIRBEAU02. »

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