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Une Journée d'Ivan Denissovitch d'Alexandre Soljenitsyne

Publié le 22/02/2012

Extrait du document

Dans un des camps du goulag », la journée d'un déporté ordinaire, Ivan Denissovitch Choukhov, un simple paysan. Réveil, fouille, appel, chantier, retour, appel, fouille à nouveau, réfectoire, dortoir. L'ordre tient moins par les brimades et les coups que par la surveillance de chacun par tous les autres, l'esprit de brigade de ceux qui ont été mis dans le même groupe, la morale du travail inculquée depuis l'enfance, l'esprit de sérieux devenu une habitude. Le récit est le compte rendu de la journée d'un zek, c'est-à-dire d'un détenu dans un camp spécial de travaux forcés, un de ces camps où furent enfermés des millions de Soviétiques. Ivan Denissovitch Choukhov est un homme du peuple, un paysan du village de Temguéniovo, il a fait courageusement la guerre, puis il a été emprisonné par les Allemands; il s'est évadé, a alors été incarcéré par les siens, et a été accusé d'espionnage (on voyait des espions partout). Il a une quarantaine d'années.

« au réveil.

Il ne sera pas envoyé en cellule ; il nettoiera le plancher du corps de garde.

Cette tâche accomplie, il serend à l'infirmerie, mais l'infirmier le met en garde : sa fièvre n'est pas assez forte ; il risque d'être puni pour « défautd'obéissance ».Choukhov rejoint donc sa brigade.

La fouille est obligatoire avant le départ au travail.

Volkovoï, le lieutenant quetout le monde craint, fait vérifier qu'on ne porte que le linge autorisé par le règlement (deux chemises l'une surl'autre) et confisque ce qui est en trop.

Bouynovski, qui a été capitaine de frégate, se risque à protester; il est «fort en gueule ».

Il ose même invoquer l'article 9 du Code pénal, qui dit qu'aucune sanction ne doit entraîner desouffrance physique.

Ce soir, il couchera au cachot.Après la fouille, c'est l'appel, brigade par brigade.

S'il manquait une tête chez les détenus, les gardiens le paieraientde la leur.

«Et défense de se tromper : une tête de trop à la prise en charge, c 'est la tienne de tête, qui corrigerala différence.

»En marchant vers le chantier, les prisonniers pensent, « même si pour penser, ça n'est jamais libre, un prisonnier ».Ils pensent surtout aux colis et aux lettres de la famille.

Choukhov n'écrit pas souvent : deux fois l'an.

Et il ademandé à sa femme de ne plus lui faire parvenir de colis : pas la peine de « retirer aux gosses le pain de la bouche».Les brigades arrivent au chantier.

La brigade 104, celle de Choukhov, est particulièrement travailleuse.

C'est à quimanifestera le plus d'ardeur.

Pas seulement parce que ça permet de ne plus sentir le froid.

Choukhov et Kildigs, leLetton, qui sont les meilleurs maçons, aiment que les choses soient faites dans les règles de l'art : bien poser lesbriques du mur que l'on édifie (le mur de sa propre prison), utiliser de bons outils (Choukhov cache sa truelle, qui estlégère comme il faut, qu'il a bien en main : il la reprend chaque matin, il veille sur elle comme sur un bien précieux).Tous aiment le travail, « du travail bien fringant et qui ne vous laisse pas le temps de penser ».

Et puis, ils ont, ceuxde la 104, l'« esprit de brigade » : « C'est une famille la brigade.

» Surtout avec un chef comme le brigadier Turine :il protège ses hommes.

De toute façon, la brigade a été faite pour cela : « Chaque zek oblige l'autre zek à marner.

»Celui qui ne fait rien, il empêche le groupe d'avoir une ration supplémentaire.

Et tous paient pour son incurie.

Desurcroît, la morale, depuis l'enfance, a inculqué la valeur de l'effort et en a donné l'habitude : « Choukhov estdrôlement fait.

Les camps n'ont pas pu le déshabituer de prendre la marchandise et le travail au sérieux.

»Le soir, au retour, les surveillants refont une fouille, et recommencent l'appel.

Ils comptent minutieusement tous leshommes.

Aujourd'hui, il en manque un.

La nouvellearrive : c'est le Moldave dont on dit qu'il a été espion des Roumains.

Les injures fusent quand il arrive avec duretard : il s'était endormi.

Il a obligé tous les hommes à l'attendre, de plus en plus transis par le froid, pendant queles surveillants recomptaient.

Et puis, la soirée est fichue, avec ce temps perdu.

Finalement, le Moldave est envoyéau cachot, après avoir reçu, pour sa peine, quelques coups de pied et de trique.Tous les détenus se retrouvent au réfectoire.

Même si la soupe est maigre, encore plus clairette que le matin, il fauts'en contenter : « Aujourd'hui, ç 'a été fête : deux kachs au déjeuner, deux soupes au dîner ! »Finalement, Choukhov s'endort, avec le sentiment que « cette journée lui avait apporté des tas de bonnes chances».

Il n'a pas été envoyé au cachot.

Il a bien travaillé.

Il a trouvé une lame de scie qui sera très utile, et réussi à lacacher, comme sa chère truelle.

Il s'est acheté du bon tabac.

Il ne se sent plus du tout malade.

De toute façon, ils'est rapproché de la sortie : de telles journées, il ne lui en reste plus, en comptant bien, c'est-à-dire en tenantcompte des années bissextiles, que trois mille six cent cinquante-trois. L'ANALYSE Le pouvoir totalitaire Soljenitsyne met en lumière les techniques de domination qui définissent ce qu'on a appelé le totalitarisme (pour ledistinguer des despotismes ordinaires).Au centre du « dispositif» (pour employer un terme cher à Michel Foucault, souvent proche de l'écrivain) se trouvele camp.

Par le camp de redressement et de travail (quand il n'est pas seulement un lieu d'extermination, commechez les nazis ou dans d'autres « îles » de l'Archipel), la doctrine officielle entre dans les têtes de tous (ce qui fait ladifférence avec une simple prison).

Pas seulement de ceux qui sont détenus : les raisons d'y aller sont sinombreuses que chacun sait qu'il en court le risque.

On peut même être invité au séjour sans vraie raison : c'est lecas de Choukhov, ce fut celui de l'auteur.

De toute façon, le camp n'est que la maille la plus serrée d'un immensetissu.

Le camp fut l'une des grandes inventions du XXe siècle.Les techniques de domination sont multiples dans le camp.

Il y a les bonnes vieilles méthodes : l'exécution capitaleou les coups violents.

Elles ne sont pas négligées.

Les brutes sont bien utiles, comme Bancroche, le préposé auréfectoire : elles aiment autant se servir de leur trique que Choukhov de sa truelle.

Il y a aussi des formes plussubtiles de coercition.

La surveillance mutuelle, ou « flicage » réciproque, est le procédé de base : « Le vrai ennemidu prisonnier, c'est le prisonnier son frère.

Si les "zeks" n'étaient pas des chiens entre eux...

(Eh bien, les chefs neseraient plus de force à les commander).

» Et d'abord l'intérieur de la brigade : « Une brigade de camp, c'est unsystème pour que ça ne soit point l'administration qui fasse suer les zeks, mais que chaque zek oblige l'autre àmarner.

» Si un lambine, tous le paient : « Pas de ça, ordure ! Au turbin !» Les brigades sont les cellules de base dela ruche.

On les regroupe parfois en colonnes.

Un autre procédé disciplinaire est de créer une émulation ou rivalitéentre ces petites unités (l'équivalent concentrationnaire de la lutte de classes) : « L'escorte n'est plus l'ennemi :c'est des copains.

L'ennemi, c'est l'autre colonne.

» La compétition est parfois sans merci : « Vous nous avezretardés, qu'ils pensent, c'est nous qu'on va vous retarder.

» La conscience de brigade — ersatz de la consciencede classe chère aux marxistes qui dirigent — est indispensable : la brigade est une « famille », et le chef (Turine) : «. »

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