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Julien GRACQ: Le Rivage de Syrtes (Résumé & Analyse)

Publié le 22/02/2012

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gracq
Un jeune officier, exécutant malgré lui la volonté collective de ses supérieurs et de son peuple, provoque une guerre qui détruira sa patrie. Plus que de raconter une histoire, ce que Gracq tente de faire dans Le Rivage des Syrtes, c'est de suggérer un univers étrange. D'où un goût du détail, des descriptions précises de l'état intérieur du héros, ainsi que certaines lenteurs, très étudiées, dans le mouvement même du récit. Le lecteur apprend, à l'aide de quelques indices discrets, qu'au Farghestan aussi, l'idée de guerre s'est soudain rallumée. En insinuant par ce moyen qu'on a affaire à deux "frères ennemis", Gracq peut développer le thème du double qui lui est très cher.
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« 2.

LE LIEU D'UNE RÉVÉLATION Aldo, le narrateur, débute ainsi le récit : «J'appartiens à l'une des plus vieilles familles d'Orsenna.[...] Un décret du Sénat me confirma dans les fonctionsd'observateur auprès des Forces Légères que la Seigneurie entretenait dans la mer des Syrtes.» Il quitte donc la vie facile d'Orsenna pour une garnison isolée, où l'accueille Marino, vieux soldat conservateur qui leprend en amitié. «Sur la frontière que j'allais rejoindre, Orsenna était en guerre.

Ce qui ôtait de la gravité à la chose, c'est qu'elleétait en guerre depuis trois cents ans.» Cette guerre avec le pays voisin, le Farghestan, loin d'être oubliée, est entretenue dans la mémoire collective et lefolklore d' Orsenna.

Vanessa Aldobrandi, jeune et belle aristocrate, fomente des troubles et pousse le jeune hommeà réactiver ce conflit assoupi.

À bord du navire Le Redoutable, il dépasse la frontière maritime et transgresse l'interdit.

Le Farghestan, mystérieusement prêt au réveil des hostilités, réagit et le récit se termine avant que laguerre n'éclate : «Je savais pourquoi désormais le décor était planté», conclut Aldo. Mais l'histoire n'est qu'un support à la création d'un monde purement imaginaire.

Comme Aldo qui «s'avance les yeuxbandés vers le lieu de la révélation», le lecteur est transporté en un temps et en un lieu détachés de toute viséeréaliste.

Une accumulation de faits historiques bouleverse les époques ; le récit passe des temps bibliques à la Romedécadente, de la Venise de la Renaissance à une époque moderne indéterminée, mais toujours le thème du déclinguide les choix. La trame du récit nous conduit dans des paysages de confins ; c'est, au bord de la mer, la forteresse pierreuse del'Amirauté ; dans la ville morte de Marenuna, toute proche, «Venise des Syrtes» au milieu de ses lagunes, le palaisAldobrandi étincelle de ses fêtes baroques ; les ruines de Sagra, mi-cité aztèque, mi-Venise engloutie, marquentdurablement la sensibilité du lecteur ; tout comme l'île de Vezzano, inspirée de la Cythère de Baudelaire ; oul'apparition du volcan du Farghestan, le Tängri, qui fait revivre dans notre imaginaire des pages de Jules Verne : «Devant nous, pareil au paquebot illuminé qui mate son arrière à la verticale avant de sombrer, se suspendaitau-dessus de la mer vers des hauteurs de rêve un morceau de planète soulevé comme un couvercle, unebanlieue verticale, criblée, étagée, piquetée jusqu'à une dispersion et une fixité d'étoile de buissons de feux etde girandoles de lumière.» Les personnages sont nombreux, associés à un lieu de façon symbolique.

Marino représente la terre des Syrtes,c'est un soldat-paysan, gardien de l'ordre.

Vanessa conduit illégalement Aldo à Vezzano, l'île des pirates, et le pointdu territoire d'Orsenna le plus proche du Farghestan.

C'est dans ce lieu de danger, de transgression et de désir qu'ilsdeviendront amants.

On peut aussi rêver sur les noms propres : Vanessa et Vezzano ont des sonorités identiques,et rappellent les échos de Venise et de Vénus. 3.

UNE LANGUE MAGIQUE Isolés dans cette prose poétique, des lieux communs surprennent, soulignés par les italiques, ou parfois les tirets oudeux points, et se changent en messages chiffrés.

Le cliché, figure morte du langage, devient porteur de sens, comme les objets et le quotidien dans Nadja d'André Breton.

Lieux communs, citations cachées, tout est sujet à décryptage pour le lecteur. L'aventure d'Aldo est ainsi une quête, où tout lui devient signe à interpréter pour atteindre un sens (sens de l'Histoire ? sens de sa propre vie ?).

Aldo est comme le lecteur, guidé par les apologues que lui proposent les autrespersonnages: Vanessa, bien sûr ; le vieux Carlo aux portes de la mort ; et le prédicateur de Saint Damase dans sonsermon de la nuit de Noël.

L'aventure d'Aldo est aussi un conte de facture traditionnelle : le héros, inspiré parVanessa, aidé par les autres jeunes gens et les intrigants de la Seigneurie, mène sa recherche et suit son destin,contré par Marino, le garant de l'ordre.

Mais Le Rivage des Syrtes est pour l'essentiel un récit poétique dans lequel on peut suivre la chaîne des allégories et des symboles, exprimant les pulsions secrètes du monde sensible et del'imaginaire. Dédaignant le réalisme et l'analyse psychologique du roman traditionnel, Julien Gracq accorde à la description despaysages une place privilégiée.

Le tracé minutieux du géographe fait naître un espace mythique, «un champmagnétique» au sens où l'entendait Breton.

Car Julien Gracq est l'un des rares écrivains qui ait prolongé lemouvement surréaliste après la guerre.

À sa manière, dans un style classique et une prose cadencée, il a su utiliserdans la forme romanesque les pouvoirs de l'image poétique, source de connaissance et dynamique de la narration.. »

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