La justice doit-elle être efficace ?

« La justice n'est pas compatible avec l'efficacité La justice peut être injuste si les lois sur lesquelles elle repose le sont.

Cela ne l'empêchera cependant pas d'être efficace.

L'efficacité n'est pas un critère de moralité.

Il n'est pas innocent de parler de «machine judiciaire».

La justice est affaire de moralité D ans la mesure où la justice, en dernier lieu, renvoie à la mora- lité, il apparaît claire- ment que ce qui est le plus important, ce n'est pas d'appliquer efficacement la loi, «La justice en soi, naturelle et universelle, est autre- ment réglée, et plus noble- ment, que n'est cette jus- tice spéciale, nationale, contrainte au besoin de nos polices.» Michel Eyquem de Montaigne, Essais mais de faire en sorte que chacun s'impose, par libre consentement, des règles lui permet- tant d'agir sans jamais nuire à autrui.

L'efficacité contraint, mais n'éduque pas C omme l'écrit Em- manuel Mounier, dans Traité du caractère, il «faut un minimum de justice distributive.

Mais la justice distributive n'est que le soubas- sement de l'ordre humain, dont la géné- rosité est la règle propre.

Quand le sen- timent égalitaire ne vise qu'à un ordre mathé- matique des distribu- tions, il livre à l'avarice instinctive ce qu'il semble donner aux bons sentiments.» La «machine judiciaire» peut être inhumaine C bague jour, et y Compris dans les pays qui revendiquent comme droits fonda- mentaux la liberté d'ex- pression et le respect des personnes, la presse fait état d'affaires judi- ciaires sans doute ron- dement menées, mais qui ont brisé à jamais l'existence de telle ou telle personne.

Dans Le Procès, Kafka a bien montré en quoi effi- cacité et justice peu- vent s'opposer.

Au nom de la justice et de son efficacité, on peut justifier tous les abus.

Ce qui est juste n'est pas forcément efficace, et ce qui est efficace n'est pas forcément juste.

La morale doit rester le tribunal suprême.. »