Devoir de Philosophie

Justice et Force ?

Publié le 02/02/2004

Extrait du document

justice
Aucune règle ne peut exister sans sanction. La justice repose donc sur une contrainte. Deux questions se posent alors : premièrement, comment les hommes en sont-ils venus à accepter cette contrainte ? et deuxièmement, cette contrainte exercée par la force ne risque-t-elle pas de compromettre gravement la justice ? La justice repose sur une convention Commettre l'injustice est pire que la subir, et j'aimerai mieux quant à moi, la subir que la commettre (Gorgias) Commettre l'injustice c'est perdre sa dignité et passer le reste de sa vie en compagnie d'un injuste. L'assassin est celui qui perd l'estime de soi. Cette phrase fonde l'idée moderne de conscience morale : il n'est pas de crime sans témoin car il est en moi un témoin intérieur qui me juge. A rapprocher de la phrase de Montaigne : Je me fais plus d'injure en mentant que je n'en fais à celui à qui je mens (Essais)  Contre Platon, les sophistes ont été les premiers à affirmer que la justice n'était pas naturelle, mais reposait sur une contrainte, acceptée par convention. A l'appui de cette thèse, ils convoquent l'expérience : nul n'est juste volontairement. S'ils étaient assurés de l'impunité, comme le berger de la fable, tous les hommes seraient injustes.
justice

« convaincre ceux à qui elle s'impose.

Or que signifie cette remarque ? Tout simplement que la justice est humaine.

Lanature ne connaît que des rapports de force et n'est que physique.

Seul l'homme est capable d'argumenter, deraisonner.

Comme le suggère d'ailleurs leur origine étymologique commune, la justice ne saurait se passer dejustification.

C'est pourquoi la position d'un Calliclès que nous rapporte Platon dans le Gorgias est soit naïve, soitfallacieuse.

Calliclès soutient que la nature « nous prouve qu'en bonne justice celui qui vaut plus doit l'emporter surcelui qui vaut moins » et qu'« elle nous montre partout, chez les animaux et chez l'homme, dans les cités et lesfamilles, qu'il en est bien ainsi, que la marque du juste, c'est la domination du puissant sur le faible et sa supérioritéadmise ».

Défenseur apparent d'une morale fondée sur l'idée de la supériorité du fort sur le faible ou encore du sur-homme, au sens ordinaire du mot, il prêche, en réalité, en faveur d'une morale qui rabaisse l'homme au niveau del'animal.

Or, c'est la grandeur de l'homme que d'affirmer, contre la nature, que le fort et le faible ont même valeur etqu'ils ont les mêmes droits.

Et c'est la marque de sa misère, toute humaine elle aussi, que d'avoir besoin de lois pourfaire exister cette exigence. Le discours de Calliclès. "Certes, ce sont les faibles, la masse des gens, qui établissent les lois, j'en suis sûr.

C'est donc en fonction d'eux-mêmes et de leur intérêt personnel que les faibles font les lois, qu'ils attribuent des louanges, qu'ils répartissent desblâmes.

Ils veulent faire peur aux hommes plus forts qu'eux et qui peuvent leur être supérieurs.

C'est pour empêcherque ces hommes ne leur soient supérieurs qu'ils disent qu'il est vilain, qu'il est injuste, d'avoir plus que les autres etque l'injustice consiste justement à vouloir avoir plus.

Car, ce qui plaît aux faibles, c'est d'avoir l'air d'être égaux àde tels hommes, alors qu'ils leur sont inférieurs. Et quand on dit qu'il est injuste, qu'il est vilain, de vouloir avoir plus que la plupart des gens, on s'exprime en seréférant à la loi.

Or, au contraire, il est évident, selon moi, que la justice consiste en ce que le meilleur ait plus quele moins bon et le plus fort plus que le moins fort.

Partout il en est ainsi, c'est ce que la nature enseigne, cheztoutes les espèces animales, chez toutes les races humaines et dans toutes les cités ! Si le plus fort domine le moins fort et s'il est supérieur à lui, c'est là le signe que c'est juste. De quelle justice Xerxès s'est-il servi lorsque avec son armée il attaqua la Grèce (1), ou son père quand il fit laguerre aux Scythes ? Et encore, ce sont là deux cas parmi des milliers d'autres à citer ! Eh bien, Xerxès et son pèreont agi, j'en suis sûr, conformément à la nature du droit - c'est-à-dire conformément à la loi, oui, par Zeus, à la loide la nature -, mais ils n'ont certainement pas agi en respectant la loi que nous établissons, nous ! Chez nous, les êtres les meilleurs et les plus forts, nous commençons à les façonner, dès leur plus jeune âge,comme on fait pour dompter les lions ; avec nos formules magiques et nos tours de passe-passe, nous en faisonsdes esclaves, en leur répétant qu'il faut être égal aux autres et que l'égalité est ce qui est beau et juste.

Mais, j'ensuis sûr, s'il arrivait qu'un homme eût la nature qu'il faut pour secouer tout ce fatras, le réduire en miettes et s'endélivrer, si cet homme pouvait fouler aux pieds nos grimoires, nos tours de magie, nos enchantements, et aussitoutes nos lois qui sont contraires à la nature - si cet homme, qui était un esclave, se redressait et nousapparaissait comme un maître, alors, à ce moment-là, le droit de la nature brillerait de tout son éclat." PLATON, Gorgias, 483b-484a, trad.

Canto, Garnier-Flammarion, 1987, pp.

212-213. (1) allusion à la seconde guerre médique conduite par Xerxès, roi des Perses, qui envahit la Grèce en 480 av.

JC Le discours de Calliclès (Gorgias 483b - 484a) Introduction Calliclès entend pratiquer une critique " généalogique " des lois en débusquant le type de vie qui se dissimule derrièreleur apparente impartialité. Les arguments de Calliclès Faite par la masse, la loi en exprime forcément les intérêts et les valeurs.

Elle n'est donc universelle qu'enapparence.Cette loi est un instrument d'oppression non par la force mais par un mécanisme d'intériorisation.

Elle n'est doncjuste qu'en apparence.Les valeurs prônées par cette loi n'ont pas de réalité propre : elles consistent dans le retournement axiologique de laréalité de la force, et l'égalité de droit n'est que la dénégation de l'inégalité de fait.

Elle est donc sans consistance.Les meilleures dispositions sont laminées par l'éducation égalitariste.Le vrai droit est celui de la nature qui est foncièrement inégalitaire.

En effet, il est universel, nécessaire, irrécusable.Cette fausse loi sous laquelle nous vivons est intrinsèquement fragile, puisqu'elle se maintient en s'appuyant sur unverbiage sans répondant, et grâce à l'absence momentanée d'un individu suffisamment fort pour la renverser en luiet hors de lui. Discussion de chaque argument. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles