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KANT ET GALILEE

Publié le 06/05/2005

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kant
Lorsque Galilée fit rouler ses boules sur le plan incliné par un degré d'inclinaison qu'il avait lui-même choisi, ou que Torricelli fit porter à l'air d'un poids qu'il savait d'avance égal à une colonne d'eau de lui connue, [...] ils comprirent que la raison n'aperçoit que ce qu'elle produit elle-même d'après son propre plan, qu'elle doit prendre les devants avec les principes qui commandent ses jugements selon des lois fixes et forcer la nature à répondre à ses questions, mais ne pas se laisser mener par elle comme à la lisière ; car, sinon, les observations, faites au hasard, sans plan tracé à l'avance, ne se rattacherait pas à une loi nécessaire, ce que la raison pourtant recherche et exige. La raison doit se présenter à la nature, avec, dans une main, ses principes selon lesquels seule la concordance des phénomènes peut avoir l'autorité des lois, et, dans l'autre, l'expérimentation qu'elle a conçue d'après ses principes, certes pour être instruite par elle, non pourtant à la façon d'un écolier qui se laisse souffler tout ce que le maître veut, mais à celle d'un juge en fonction, qui force les témoins à répondre aux questions qu'il leur pose. [...] Telle est la voie par laquelle la science de la nature pour la première fois s'est engagée sur le chemin sûr d'une science, alors que pendant tant de siècles elle n'avait pas dépassé de simples tâtonnements. KANT

QUESTIONNEMENT INDICATIF    • La raison produit-elle des objets physiques (par exemple produit-elle les sphères qui roulent sur le plan incliné, l'air dont la pression agit sur la surface de l'eau) ? Que produit-elle alors ? Que signifie ici « voir « ?  • En quoi les expériences de Galilée et Torricelli nous éclairent-elles sur ce qui est à l'œuvre dans l'expérimentation ?  • Les « lois immuables « sont-elles les fois physiques ?  • Qu'est-ce qu'une loi « nécessaire «? Pouvez-vous donner une définition de « nécessaire « et de « contingent « ?  • Qu'est-ce qu'avoir « l'autorité de lois « ?  • Pourquoi, selon Kant, seuls les principes (de la raison) peuvent donner aux phénomènes concordants entre eux l'autorité de lois ?  • En quoi l'expérimentation « est-elle nécessaire, selon Kant ?  • Quelle est la fonction de la métaphore « filée « « écolier« « juge «, « maître «, « témoin « ?  • Qu'est-ce qui doit être « premier « dans l'expérimentation ?  • Ce texte a-t-il un intérêt simplement « épistémologique «  ou se situe-t-il dans le domaine de la philosophie des sciences ?

kant

« d'abord pratique (en grec, praxis, action), c'est-à-dire en tant qu'elle est active.Dans la philosophie kantienne; la raison pratique désigne la raison comme faculté morale qui impose sa loi morale àl'action humaine.

Mais.

cette législation de la raison est déjà à l'oeuvre dans l'élaboration de la connaissance.L'intelligibilité de la nature résulte d'un travail de la raison et n'est pas donnée par l'observation passive.

Ainsi, laraison ne doit pas « se laisser mener par la nature comme à la lisière », laquelle désignait des cordons attachés auvêtement d'un enfant pour le soutenir quand il apprenait à marcher.

La raison ne doit pas être soutenue et bridéepar la nature, niais doit s'affranchir de cette tutelle pour exercer sa propre autorité sur la nature.

Il v a donc là unrenversement (le pouvoir en faveur de la raison qui doit « commander » à la nature.

Le vocabulaire juridique de Kantindique bien cette conception de la raison comme faculté autonome et législatrice qui donne ses lois à la nature.Cette thèse d'une raison législatrice dans l'élaboration de la connaissance invite à reconsidérer le conceptd'expérience.L'expérience immédiate par laquelle nous sommes en contact direct avec des faits, malgré la richesse concrète dece qu'elle livre à la perception, ne nous instruit en rien par elle-même.

En effet, la chute des corps est uneexpérience évidente et familière connue de tous, mais elle n'acquiert un sens scientifique qu'au xvii siècle parce queGalilée a refusé de s'en tenir au niveau empirique de l'expérience.

Kant nous invite ici à penser un second paradoxe :l'expérience n'est instructive et scientifique qu'en tant qu'elle est d'abord dirigée par les théories de la raison.L'expérience, dirigée et commandée par la raison, s'appelle une expérimentation.

Ce concept synthétique donne àpenser un lien non plus d'opposition et d'extériorité, mais de collaboration et d'intériorité entre la théorie etl'expérience.

Contrairement au sens commun, la démarche scientifique ne consiste pas à passer de l'observationd'une expérience à la formulation de lois qui en rendraient compte et qui seraient ensuite rassemblées au sein d'unethéorie.

Expérience et théorie se pensent ensemble dans le concept d'expérimentation avec une antériorité de lathéorie, qui dirige, à partir des lois de la raison, l'expérimentation.Ainsi, Kant rompt avec l'empirisme de Hume, par exemple, qui faisait des idées « des copies des impressionssensibles » (Traité de la nature humaine).

Pour Kant, les idées de la raison sont indépendantes de l'expérience, maiss'y rapportent pour en saisir l'intelligibilité.

Cette rupture n'est pas arbitraire, mais se fonde sur la méthodescientifique .

adoptée par Galilée et par Torricelli, d'où l'importance des exemples donnés par Kant au début dutexte, qui constituent une justification historique et scientifique de la théorie kantienne de la connaissance. Ce nouveau rapport entre théorie et expérience n'induit-il pas une nouvelle théorie de la connaissance scientifique ?La théorie de la connaissance de Kant, se nourrissant des méthodes scientifiques fructueuses, fondera de manièrephilosophique le statut de la connaissance scientifique sur cette dialectique de la théorie et de l'expérience queBachelard exprimera ainsi : « On démontre le réel, on ne le montre pas.

» (Le Nouvel Esprit scientifique).Kant ne recourt plus ici à l'histoire des sciences, mais à un raisonnement par l'absurde pour démontrer et justifierphilosophiquement sa thèse : « car, sinon, les observations faites au hasard...

».

Si la raison se laissait conduire parle hasard des observations, elle pourrait tout au plus rendre compte de la constance de certains phénomènes,vérifier leur répétition dans le temps.

Or, ce résultat n'est pas conforme à son exigence naturelle qui lui commanded'énoncer la nécessité de la constance des phénomènes.

Donc, puisque cette nécessité n'est pas donnée dans lanature, elle ne peut que relever de la raison.Ainsi, si l'expérience m'apprend de fait qu'à un phénomène a suit un même phénomène b, et que ce rapport desuccession constante se reproduira probablement, elle ne m'enseigne pas qu'il se reproduira nécessairement.

Ainsi,Kant démontrera, contre Hume, que si je peux percevoir cette succession entre les deux phénomènes, c'est d'abordparce que je possède en moi une catégorie u priori, celle de causalité, par laquelle la succession entre deuxphénomènes peut être conçue et affirmée dans sa nécessité.

En conséquence, c'est ma raison qui me permet desaisir le sens du réel, comme nécessaire, nécessité conforme à l'exigence rationnelle qui se matérialise sous forme delois scientifiques. « Tenant dans une main ses principes », la raison doit ainsi commander dans l'élaboration d'une expérimentation.C'est à cette condition que la n'attire (deviendra tut lie instructif par l'action autoritaire de la raison qui lacommande », la force » ou encore la « contraint » à répondre à ses questions.

Cette instruction est illustrée parl'image (le l'écolier et du juge.

L'écolier, passif, reçoit une instruction de son maître alors que le juge mène uneinstruction en faisant une enquête qu'il dirige selon ses propres règles.

A la lumière de cette image, la raisonapparaît comme une faculté judiciaire qui, en légiférant, fournit à la physique sa méthode scientifique. De l'enfance de la physique qui n'est faite que de « tâtonnements » à l'âge adulte de cette science, Kant en conclutà une rupture épistémologique salutaire entre le passé pré-scientifique de la physique et son présent scientifique.Cette rupture provient d'une révolution dans la manière de penser, semblable pour Kant à la « révolutioncopernicienne ».La raison n'est plus conçue comme une faculté passive et réceptive qui.

de l'Antiquité jusqu'à Copernic, ne faisaitque contempler l'ordre naturel.

La raison était alors semblable à un point fixe autour duquel les objets tournaient etsur lesquels elle se réglait.

La raison théorique devient pratique en tournant elle-même autour des objets pour lesinterroger et les établir dans leur structure rationnelle.

Telle est cette voie par laquelle la physique est entrée dans« le chemin sûr d'une science ».Les progrès en physique résultent d'un changement (le méthode qui a permis d'accroître le champ desconnaissances des phénomènes de la nature, grâce à la législation de la raison autonome.

Ainsi, « si touteconnaissance débute .

avec l'expérience, cela ne prouve pas qu'elle dérive toute de l'expérience » (Critique de laraison pure, introduction).

Cette révolution dans la méthode entraînera une nouvelle conception de la vérité, quisera relative aux règles de la raison.

C'est le statut (le cette relativité de la vérité que l'épistémologie modernes'attache à définir, car si l'esprit scientifique s'est affranchi de l'illusion dogmatique d'une vérité absolue, il ne doitpas pour autant sombrer dans tut scepticisme désabusé.. »

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