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KANT: de l'insociable sociabilité comme moteur de l'histoire

Publié le 03/05/2005

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L'homme veut la concorde, mais la nature sait mieux que lui ce qui est bon pour son espèce, elle veut la discorde ou de l'insociable sociabilité... KANT
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« L'histoire est donc le lieu où la raison de l'homme se développe et reçoit son plein achèvement, ce qui faitpasser l'homme de l'animalité à la pleine humanité.

On peut même dire que l'histoire est l'autodéveloppementde la raison humaine et de ses dispositions : l'homme s'invente lui-même puisque :« Il ne devait pas être gouverné par l'instinct, ni secondé et informé par une connaissance innée ; il devaitbien plutôt tirer tout de lui-même [...] comme si elle (la nature) voulait que l'homme en s'efforçant un jourde sortir de la plus primitive grossièreté pour s'élever à la technique la plus poussée, à la perfectionintérieure de ses pensées, et par là jusqu'à la félicité, en doive porter absolument tout seul le mérite.

» A la fin de sa vie, Emmanuel Kant rédige, sous la forme de neuf propositions, un court essai qui suggère quel'Histoire pourrait avoir un point final.

Il s'agit, pour le philosophe, de ranimer l'idée d'une Histoire universellequ'il n'aura plus le temps ni la force d'écrire.

L'évolution de l'Humanité, telle que la relatent les historiens,obéit-elle à une rationalité, a-t-elle un sens, une direction et une signification? Quelle unité discerner dans lechaos des événements? Ne peut-on distinguer un mouvement d'unification politique de l'espèce humaine? Siles réponses paraissent évidemment difficiles à établir, les questions sont comme une nécessité de l'esprithumain pour penser l'histoire :Une tentative philosophique pour traiter l'histoire universelle en fonction du plan de la nature, qui vise à uneunification politique totale dans l'espèce humaine, doit être envisagée, comme possible et même commeavantageuse pour ce dessein de la nature.

»Kant rappelle ainsi que l'Histoire n'appartient pas qu'à l'historien.

Le philosophe est sommé d'en dégagerl'universalité (unus vertere : tourner dans une seule direction) comme naguère le théologien.

Pour ce faire,Kant propose de substituer à la Providence de Bossuet, la Nature.

Cette dernière se sert des passionshumaines et des conflits qu'elles génèrent pour accomplir son dessein secret :« Le moyen dont se sert la nature pour mener à bien le développement de toutes ses dispositions est leurantagonisme au sein de la Société, pour autant que celui-ci est cependant en fin de compte la cause d'uneordonnance régulière de cette Société j'entends ici par antagonisme l'insociable sociabilité des hommes,c'est-à-dire leur inclination à entrer en société, inclination qui est cependant doublée d'une répulsiongénérale à le faire...

»Kant découvre que c'est la vanité des hommes, leur désir de domination, cet esprit toujours inventif decompétition qui sont à l'origine de toute créativité sociale.

Il perçoit, avant Hegel, que rien de grand ne sefait sans passion, c'est-à-dire sans l'attachement intéressé des hommes.

Or les passions sont partie de lanature humaine, à travers elles la Nature agit.

De conflit en conflit, l'espèce approche de la réalisation de laforme d'organisation politique qui autorisera le règne sans partage de la liberté.

Cette forme degouvernement, Kant l'appelle République, elle correspond à ce que nous désignons aujourd'hui parl'expression « démocratie libérale ».

Cette Idée d'une histoire universelle ouvre la voie à l'interprétationhégélienne et annonce déjà le thème de la fin de l'Histoire. Or, et c'est peut-être là que Kant est le plus novateur :«Le moyen dont la nature se sert pour mener à bien le développement de toutes ses dispositions est leurantagonisme au sein de la société, pour autant que celui-ci est en fin de compte la cause d'une ordonnancerégulière de cette société.

»« La nature veut la discorde.

» L'antagonisme et le conflit qui agitent les sociétés humaines, loin d'êtrenégatifs, sont le moteur du progrès et de la raison humaine et du droit.

En soulignant que « L'homme veut laconcorde mais la nature sait mieux que lui ce qui est bon pour son espèce, elle veut la discorde », Kant metà jour une contradiction entre les aspirations conscientes des hommes : la concorde ou l'harmonie, et ce quipermet véritablement leur épanouissement : le conflit.Or Kant définit l'antagonisme qui se manifeste dans la société par une expression elle-même contradictoire :« l'insociable sociabilité».

Car si les hommes ont tendance à s'associer, parce que, ensemble, ils se sentent«plus qu'hommes », leur égoïsme les pousse à tout vouloir diriger dans leur sens.

Autrement dit, les hommesrésistent les uns aux autres puisque se manifeste un conflit d'égoïsme.« C'est cette résistance qui éveille toutes les forces de l'homme, le porte à surmonter son inclination à laparesse, et, sous l'impulsion de l'ambition, de l'instinct de domination ou de cupidité, à se frayer uneplace parmi ses compagnons, qu'il supporte de mauvais gré mais dont il ne peut se passer.

»L'insociabilité, la discorde, les contradictions entre les hommes sont des facteurs de progrès etd'enrichissement.

« L'homme veut la concorde », mais la concorde est synonyme d'inertie et de passivité.Les conflits qui provoquent des obstacles éveillent les talents nécessaires pour les surmonter.

Là encoreKant montre, bon lecteur de Rousseau, que l'obstacle éveille et stimule les facultés de l'homme et le pousseà l'invention.

Mais Kant inscrit ces obstacles au sein même de la société, des rapports humains, comme seulssusceptibles de favoriser l'autodéveloppement de l'homme.

Le travail et la peine sont les facteurs del'émancipation humaine qui font que l'homme ne devra qu'à lui-même son épanouissement.La nouveauté kantienne consiste donc à comprendre la contradiction et le conflit comme favorables à lasociété et à son évolution.

Rêver à un âge d'or où la concorde régnerait, c'est rêver à un état dans lequel :« Les hommes, doux comme les agneaux qu'ils font paître, ne donneraient à leur existence guère plus devaleur que n'en a leur troupeau domestique.

»Ce qu'il y a de tout à fait remarquable, c'est que le conflit est moteur de l'évolution du droit : l'antagonismedes hommes, leur discorde, rend nécessaire l'organisation et la régulation de leurs rapports.

Il faut parvenir à. »

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