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Keynes: les années récentes en France vérifient-elles une de ces théories ?

Publié le 14/02/2011

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Introduction : La croissance, l’emploi et la compétitivité future dépendent de possibilités de production et donc de l’augmentation du capital fixe d’un pays, ce que l’on appelle couramment l’investissement, que l’INSEE mesure par la FBCF. Néoclassiques et keynésiens s’opposent sur le facteur déterminant : pour les néoclassiques c’est le profit, pour les keynésiens la demande. Les années récentes en France vérifient-elles une de ces théories ?

I. Les néoclassiques et l’importance du profit

1- l’entreprise investit si le taux de profit attendu est supérieur au taux d’intérêt prévu

a- la théorie : L’emprunt n’est rentable que si le taux d’intérêt réel est inférieur (ou égal) au taux de rentabilité, Un haut taux d’intérêt a aussi un effet néfaste sur la situation financière des entreprises : elles auront du mal à rembourser. La faillite de certaines entreprises trop endettées et la hausse du coût des intérêts à rembourser poussent les autres  entreprises à rembourser leurs emprunts au lieu d’investir.

Donc plus le taux d’intérêt est élevé, plus l’investissement total des entreprises est faible : certains projets ne sont pas rentables. Au contraire un bas taux d’intérêt devrait favoriser l’investissement.

b- le cas de la France 1994-2000

(question 9) La relation précédente n’est pas vérifiée sur la période : la baisse des taux d’intérêt régulière sur la période 1994 – 1998, ne conduit pas à une hausse régulière de l’investissement. Ce n’est qu’en 1998 que l’investissement reprend. De 1998 à 2000, le taux d’intérêt augmente, le taux de croissance de l’investissement ralentit un peu mais c’est sans commune mesure avec les chiffres de 1996-1997 où l’investissement stagnait ou baissait pour des taux d’intérêt équivalents.

D’autres explications sont nécessaires,

2- l’évolution du taux de marge explique-t-il les variations de l’investissement ?

le taux d’intérêt a de moins en moins d’importance en France car les entreprises empruntent moins que dans les années 1970.

 La France connaissait jusque dans les années 1970, une forte intermédiation financière : 90% des investissements étaient financés par les crédits des banques. L’analyse néoclassique critique un tel système car il provoque une création monétaire importante (les banques ne prêtent pas leurs fonds propres mais créent de la monnaie en multipliant les dépôts cf. cours de première) . Cette création risque de favoriser l’inflation et de diminuer la compétitivité extérieure.

 En accord avec la mondialisation, les gouvernements français ont favorisé le développement du financement direct des entreprises par la bourse, les actions et les obligations. Aujourd’hui la moitié des investissements sont financés par fonds propres (autofinancement : profits gardés par l’entreprise ou augmentation des fonds propres, nouvelles actions).

Les entreprises ont donc de moins en moins emprunté et ont davantage utilisé le financement direct pour deux raisons : le développement de la bourse ( création du second marché pour les PME en particulier ), et la hausse des taux d’intérêt réel due à la désinflation des années 1980.

L’entreprise n’investit que si elle en a les moyens financiers. Elle peut se financer soit par emprunt soit par augmentation du capital soit par autofinancement

L’autofinancement des entreprises n’a cessé de s’accroître depuis les années 80, le taux de marge a donc une grande importance.

Un fort taux de profit doit favoriser l’investissement pour deux raisons :

- le profit permet de financer l’investissement,

- un fort taux de profit passé, laisse penser aux entreprises qu’elles continueront à en faire et que les projets d’investissement seront rentables.

b- Ce lien est-il vérifié statistiquement sur la période 1994-2000 ?

Le lien est peu clair : d’une part le taux de marge varie peu, alors que la croissance de l’investissement varie beaucoup (de – 0,1 % à  + 7,0 %) ; d’autre part, le lien dépend des années :

- En 1996 et 1998, le lien est correct : pour 1996 , baisse du taux de marge, baisse de l’investissement, inversement en 1998.

- En 1997, le lien n’est pas correct : le taux de marge augmente alors que l’investissement baisse.

En conclusion, les variations du taux d’intérêt et du taux de marge expliquent peu l’évolution de l’investissement en France de 1994 à 2000, la demande le fait-elle mieux ?

II. La théorie keynésienne

1- l’accélérateur

La consommation est  la demande nationale adressée aux entreprises françaises, il s’y ajoute les exportations pour constituer la demande totale. Son effet sur l’investissement suit le principe de l’accélérateur keynésien :

- une accélération de la croissance de la consommation va, si les capacités de production sont suffisamment employées, nécessiter de nouveaux moyens de production, il faudra donc investir. (cas 1)

- un simple ralentissement de la croissance de la consommation réduit l’investissement, car l’investissement de capacité se réduira (il subsistera l’investissement de remplacement). (cas 2)

- si la demande augmente au même rythme, plusieurs années, l’investissement évolue lui aussi à ce rythme, mais ce n’est pas vrai pour les exportations qui ne sont qu’une partie de la demande, l’autre étant la consommation (des ménages et des administrations). (cas 3)

2- Ce lien est-il vérifié statistiquement sur la période 1994-2000 ?

En 1994-1995, les exportations (+ 7,7 %) ont favorisé l’investissement, mais celui-ci est resté faible. On se trouve dans le cas 3 de la question précédente.

Le lien est peu vérifié en 1995-1996 : le taux de variation de la consommation est stable, et la croissance des exportations se ralentit,   la croissance de l’investissement baisse (de + 1,5 % à 0 %) ? Ce qui correspond presque au cas 2 (mais il y aurait dû avoir baisse de l’investissement)

1997 montre que la consommation a un rôle bien plus important que les exportations : malgré la hausse des exportations,  l’augmentation de la consommation se ralentit, et l’investissement baisse (cas 3).

1998 aussi : l’accélération de la croissance de la consommation, se traduit par une hausse forte de l’investissement (+ 7 %).

1999-2000 ne correspond pas à l’accélérateur mais le ralentissement de la hausse de la consommation est faible, et la croissance de l’investissement ralentit aussi.

=> la consommation influence l’investissement mais d’une manière moins mécanique que ce que montre l’accélérateur théorique

D’autres facteurs interviennent comme le taux d’utilisation des capacités de production : les entreprises françaises gardent des possibilités de production inemployées qui leur permettent de répondre à une plus forte demande sans investir. L’augmentation du taux d’utilisation laisse penser que la situation s’améliore et que les entreprises auront besoin d’investir davantage si la demande progresse.

Les exportations jouent aussi un rôle mais assez peu important car leur poids dans la demande reste faible.

Conclusion : les explications des variations de l’investissement sont complexes. La théorie néoclassique a le tord de donner trop d’importance au profit : sans demande prévue en hausse, les entreprises n’investissent pas en capacité de production même si elles en ont les moyens financiers. La théorie keynésienne, qui privilégie la demande,  est plus proche de la réalité des années 1997-1999. L’optimisme des entreprises a cependant un grand rôle qui ne peut se voir dans les statistiques passées.

 

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