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Le langage permet-il de tout dire ?

Publié le 13/03/2005

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  Cette seconde tentative est écartée, par Hegel, comme une erreur. Ainsi, seule, la première possibilité demeure, d'où l'affirmation renouvelée, sous une autre  forme, de la thèse : « le mot donne à la pensée son existence la plus haute et la plus vraie. »   1.        La thèse est examinée en chacun de ses éléments. D'abord la pensée. Penser c'est avoir conscience de penser, ce qui implique un dédoublement. Si naïvement toute pensée, en tant que personnelle (« nos pensées »), est  crue de l'ordre de notre intériorité (et strictement seulement de cet ordre), philosophiquement, elle est  aussi de l'ordre de l'extériorité (et donc différenciée de l'intériorité). Penser est une activité (« donner » à nos pensées) qui assure le passage d'un ordre à un autre, où l'on passe en même temps de l'abstrait (« penser » dans le vague en général) au concret, de la subjectivité à l'objectivité (des pensées « déterminées », cad qui sont celles-ci ou celles-là). Enfin, avec une réflexion particulière qui doit être consacrée à l'idée de forme (la « forme » objective) qui, en tant que forme, assure une universalité de la pensée applicable dans la diversité et la multiplicité des situations - s'opposant implicitement à un plein qui ne peut se référer qu'à l'unique particularité du contenu de ce qui est  ici et maintenant. Forme claire opposée à l'obscur du plein.
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« Il n'est donc guère étonnant que ce soit à l'occasion d'une critique de l'ineffable que Hegel ait écrit : « C'est dans les mots que nous pensons ».

Dire que nous pensons en mots, comme on paye en francs ou en dollars, c'est définir le mot commel'unité de la pensée.

Loin d'être deux mondes radicalement extérieurs,« incommensurables » comme le disait Bergson , le langage et la pensée apparaissent ici comme absolument consubstantiels. Que reproche Hegel à l'ineffable ? Il lui reproche de n'offrir, en fait de pensée, qu'une matière de pensée sans la forme que seule laformulation par le langage pourrait lui conférer.

L'ineffable en effet,c'est la pensée informe, c'est-à-dire une pensée usurpée, une penséequi n'en est pas vraiment une.

Pour mériter ce nom, pour être vraimentla pensée, celle-ci doit en passer par l'épreuve de l'explicitation. Il y a ici un malentendu possible contre lequel il faut mettre en garde lelecteur de Hegel : c'est le malentendu de l'énonciation.

Le problème de Hegel n'est pas de savoir s'il faut se taire ou parler, ni de savoir si les vérités sont ou non bonnes à dire : l'enjeu de l'exigeante conception deHegel est de savoir à partir de quoi, à partir de quel critère on peut réellement considérer qu'on a affaire à de la pensée, à partir de quelcritère la pensée mérite le nom de pensée.

Ce critère, c'est la « forme objective » (le mot) qui rend ma pensée publiable, identifiable même par moi seul (tant encore une fois il ne s'agit pas ici de rapport à autrui).Pourquoi faire un brouillon avant une dissertation ? Justement pour expliciter le flux d'abord confus del'inspiration qui nous traverse à partir d'un sujet, pour incarner cette manière, cette pensée virtuelle en uneréalité palpable & travaillable, réalité que les mots que nous écrivons lui donnent. Il s'agit là, pour la pensée, d'une véritable épreuve, de l'épreuve de ce que Hegel appelait le « négatif » : pour devenir ce qu'elle est, la pensée doit en passer par ce qui n'est pas elle : le langage.

Dans cette épreuvepar laquelle elle devient ce qu'elle est, la pensée fait donc face à d'apparents périls qui peuvent nous faireprendre le langage pour un inconvénient.

Au premier rang de ces périls, celui qui apparemment menace ce quenous pourrions appeler la subjectivité, notre singularité : ne risquons-nous pas, en incarnant notre intériorité dans une forme objective, d'en perdre irrémédiablement ce qui en elle nous appartient le plus ? Le mot peut,ainsi, être perçu comme commun et galvaudable : nous savons bien que chacun peut transformer nos parolescomme il l'entend, que les « je t'aime » que nous prononçons ont été cent fois, mille fois, prononcés et entendus, que nos pensées dans nos paroles deviennent anonymes comme une rumeur sourde.

Puisque « tout est dit depuis huit mille ans qu'il y a des hommes et qui pensent » (La Bruyère ), le refus des mots ne serait-il pas le dernier refuge de l'intériorité ? Ce sont ces appréhensions que la pensée hégélienne entend conjureravec la dernière énergie. Le présupposé qui est ici en jeu a quelque chose à voir avec la question de la propriété de la parole. Ce dialogue constant de la pensée avec le langage, cette lutte entre l'ineffable et les mots, bref ce passage,pour la pensée, du non-être à l'être prend donc évidemment, comme on l'a vu, un sens particulièrement aiguen littérature et spécialement en poésie.

Si le passage par la parole marque la vraie naissance de la pensée,c'est qu'il faut concevoir le langage comme quelque chose de plus haut qu'un simple instrument.

Ce qui seconçoit bien ne s'énonce clairement, pour paraphraser Boileau , que dans la mesure où l'énonciation claire est elle aussi à son tour la condition de la bonne conception. La fonction essentielle du langage, selon Hegel , est de tirer l'esprit du monde complexe et confus que lui présente la perception brute et de le faire accéder à un monde plus intellectuel, purifié, celui desmots: "L'intelligence se trouve comme remplie par l'objet qui lui est donné immédiatement et qui entraîne avec lui la contingence, l'inanité et la fausseté qui sont le propre de l'existence extérieure" .

Mais, le rôle de l'intelligence est de "purifier le contenu de l'objet qui s'offre à elle d'une façon immédiate, en y effaçant tout ce qu'il a d'extérieur, d'accidentel et d'insignifiant" .

Or c'est le son articulé, le mot qui accomplit cette fonction, car d'un côté le mot est une forme externe mais il est aussi l'oeuvre de l'esprit: il est un signe et ilest par là une forme interne. "Le son s'articulant suivant les diverses représentations déterminées, c'est-à- dire la parole et son système le langage, donne aux intuitions et aux représentations une seconde existence,plus haute que leur existence immédiate, en un mot, une existence qui a sa réalité dans la sphère de lareprésentation". Par exemple, "en entendant le mot lion, nous n'avons besoin ni de l'intuition, ni même de l'image de cet animal, le mot une fois compris est la représentation simple sans image.

C'est en mots quenous pensons", c'est-à-dire non en images. C'est pourquoi Hegel considère, en opposition à Leibniz , que le langage alphabétique est supérieur au langage hiéroglyphique, trop près des choses.

Celui-ci "désigne les représentations par des figures spatiales; mais l'écriture alphabétique exprime des sons qui sont en eux-mêmes déjà des signes.

Cette langue consiste donc en signes de signes; elle ramène les signes concrets de la langue dessons, les mots, à leurs éléments simples, et exprime ces éléments" .

Et Hegel conclut: "Il suit de là qu'apprendre à lire et à écrire l'écriture alphabétique est un moyen d'éducation intellectuelle d'un prix infini, et qu'on ne saurait trop apprécier.

Car cela détourne l'esprit de. »

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