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Larbaud A. O. Barnabooth Ode

Publié le 05/03/2011

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Prête-moi ton grand bruit, ta grande allure si douce, Ton glissement nocturne à travers l'Europe illuminée, O train de luxe! et l'angoissante musique Qui bruit le long de tes couloirs de cuir doré, 5 Tandis que derrière les portes laquées, aux loquets de cuivre [lourd, Dorment les millionnaires Je parcours en chantonnant tes couloirs Et je suis ta course vers Vienne et Budapesth.

10 Mêlant ma voix à tes cent mille voix, O Harmonika-Zug!1 J'ai senti pour la première fois toute la douceur de vivre, Dans une cabine du Nord-Express, entre Wirballen et [Pskow2 15 On glissait à travers des prairies où des bergers, Au pied de groupes de grands arbres pareils à des collines, Étaient vêtus de peaux de moutons crues et sales. (Huit heures du matin en automne, et la belle cantatrice Aux yeux violets chantait dans la cabine à côté.) 20 Et vous, grandes glaces à travers lesquelles j'ai vu passer la [Sibérie et les Monts du Samnium, La Castille âpre et sans fleurs, et la mer de Marmara sous une [pluie tiède! Prêtez-moi, ô Orient-Express, Sud-Brenner-Bahn, prêtez- 25 [moi Vos miraculeux bruits sourds et Vos vibrantes voix de chanterelle3 Prêtez-moi la respiration légère et facile Des locomotives hautes et minces, aux mouvements 30 Si aisés, les locomotives des rapides, Précédant sans effort quatre wagons jaunes à lettres d'or Dans les solitudes montagnardes de la Serbie. Et, plus loin, à travers la Bulgarie pleine de roses Ah! il faut que ces bruits et que ce mouvement 35 Entrent dans mes poèmes et disent Pour moi ma vie indicible, ma vie D'enfant qui ne veut rien savoir, sinon Espérer éternellement des choses vagues. A. O. Barnabooth, Éd. Gallimard 1. L'auteur compare le train à un accordéon. — 2. Villes d'Allemagne et d'U.R.S.S. 3. La chanterelle est la corde la plus aiguë d'un instrument à cordes.   

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